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Les conditions de validité des clauses limitatives de responsabilité des contrats informatiques

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Toutefois, la chambre commerciale de la Cour de Cassation, le 29 juin 2010, est revenue sur la solution retenue en 2007 et rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour de renvoi ayant fait application de la clause limitative de réparation.

Elle énonce en premier lieu que seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur. La Haute juridiction énonce en second lieu que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur.

Dans ce célèbre litige Oracle/Faurécia qui dure depuis près de 10 ans, la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 29 juin 2010, s’est donc de nouveau prononcée sur le régime des clauses limitatives de responsabilité, et a tenté de résoudre les difficultés liées à la notion d’obligation essentielle.

A cet égard, il conviendra d’abord de préciser la pensée de la Cour de cassation (1), pour ensuite identifier des critères de qualification du manquement à l’obligation essentielle (2).

1. L’admission des clauses limitatives de responsabilité

Avec cet arrêt de juin 2010, il apparait que l’on revient aux sources (A). Il est également utile de s’intéresser à l’équilibre contractuel imposé par ces clauses (B).

A. Un retour aux sources

C’est par un attendu limpide que la Chambre commerciale de la haute cour a affirmé que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ». Ainsi, dès lors que le plafond d’indemnisation sera dérisoire, vidant par là même l’engagement de sa substance, la clause litigieuse devra être sanctionnée et donc réputée non écrite.

Cette décision rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, le 26 novembre 2008, aux termes duquel le plafond de responsabilité stipulé dans un contrat de service informatique doit être respecté même quand le prestataire a manqué à son obligation essentielle, si ce plafond n’est pas dérisoire et ne vide pas l’engagement du débiteur de sa substance.

La solution dégagée dans l’arrêt du 29 juin 2010 renoue donc avec le principe de la liberté contractuelle qui postule la validité des clauses réduisant l’obligation de réparation. En d’autres termes, cette décision restaure cette liberté en échappant au mécanisme jurisprudentiel de sanction automatique introduit en droit positif en 2007.

Aussi, cette décision du 29 juin 2010 revient vers davantage d’orthodoxie juridique et renoue avec la jurisprudence Chronopost qui a posé la règle selon laquelle c’est en raison du manquement à une obligation essentielle que la clause limitative de responsabilité du contrat qui contredit la portée de l’engagement pris doit être réputée non écrite. Ce type de clause a par ailleurs un impact sur l’équilibre du contrat.

B. L’équilibre contractuel

Se limiter à la seule analyse du plafond de responsabilité vaut uniquement pour des prestations simples : livrer un colis dans un délai donné (Chronopost), intervenir en urgence pour maintenir un système informatique (Sécurinfor), vendre un fonds de commerce de bar-restaurant susceptible d’être ouvert au public (Cass. com., 9 juin 2009).

En revanche pour des prestations complexes à objets multiples tel qu’en l’espèce un projet informatique lourd, l’appréciation de l’équilibre du contrat ne se résume certainement pas au seul plafond de responsabilité. Dans l’arrêt Oracle/Faurécia de novembre 2008, la cour d’appel considérait un ensemble d’éléments spécifiques à la relation litigieuse.

Le plafond de responsabilité n’a donc pas été le seul critère pris en compte pour déterminer l’équilibre global.

L’ensemble du comportement du débiteur est à considérer pour vérifier si la limitation de responsabilité constitue une relative impunité incitant à l’inexécution.

En outre, les seules clauses des contrats ne résistent pas à l’analyse des juges : ces derniers veulent trouver le réel équilibre contractuel, et analyser le comportement du débiteur en pratique. Ces décisions Oracle sont donc typiques d’une tendance forte des magistrats visant à revisiter le contrat pour en déduire l’équilibre, et l’économie. Cette recherche est légitime : les limitations de responsabilité ne doivent pas permettre au débiteur de sortir à bon compte d’un contrat dont l’exécution s’avère trop contraignante.

A présent, il est bienvenu de dégager des critères permettant de délimiter le manquement à l’obligation essentielle, c’est-à-dire des critères permettant de définir la clause limitative de responsabilité.

2. Le manquement à l’obligation essentielle

L’obligation essentielle n’est pas la prestation caractéristique (A). Et il faut s’intéresser à la notion de cause pour définir l’obligation essentielle (B).

A. L’obligation essentielle n’est pas la prestation caractéristique

Identifier la ou les obligations essentielles dans des ensembles contractuels complexes est particulièrement délicat. Tel était le cas dans l’affaire Oracle/Faurécia, dans laquelle il a été jugé que les parties étaient liées par quatre contrats, mais aussi par des courriers pré et post contractuels alors même qu’une clause excluait toute force obligatoire aux documents extracontractuels.

Livrer la Version 12 du progiciel était évoquée dans le seul contrat de support technique au titre des futures versions à intervenir. Cette élaboration de la V12 ne se résumait pas à une fourniture pure et simple mais impliquait des obligations de faire complexes comprenant une forte collaboration entre les parties.
Livrer la V12 a pourtant été considéré comme l’obligation essentielle de cet ensemble contractuel.
Pour la Cour de cassation, la livraison de la V12 fut considérée comme le but final recherché par les parties et à ce titre comme étant l’obligation essentielle de l’ensemble contractuel. Il faut examiner cette notion dans la perspective de la cause.

B. Obligation essentielle et article 1131 du Code civil : le recours naturel à la notion de cause

But final, étape ultime d’un processus long et complexe comprenant autant d’étapes intermédiaires, objectif à atteindre… Qu’est-ce finalement que l’obligation essentielle, et en quoi ce critère est-il signifiant ?

Pour la cour d’appel de Paris, dans son arrêt de 2008, l’obligation en considération de laquelle une société souscrit un engagement constituait l’obligation essentielle.

Cette approche de l’obligation essentielle est le corollaire d’une appréciation concrète et subjective de la cause. Le professeur Jacques Ghestin prône une telle définition contractuelle de la cause qui doit s’entendre comme la « contrepartie convenue » pour chacune des parties.

Par ailleurs, la Cour de cassation a indiqué en l’espèce comment elle concevait le manquement à l’obligation essentielle. La Cour a affirmé que «la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ». Car au-delà du manquement à l’obligation essentielle, c’est la contradiction du débiteur, qui s’est engagé contractuellement et utilise la convention elle-même pour se soustraire à ses effets, qui doit être sanctionnée.

Ainsi en conclusion, la Cour de cassation rétabli en droit positif la validité des clauses limitatives de responsabilité, tout en encadrant leur régime. Surtout, elle met enfin un terme à la « saga » Oracle-Faurécia !

Droit & Technologies

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