La rupture abusive des pourparlers dans les contrats informatiques
Publié le 18/06/2009 par murielle cahen - 0 vues
C’est pourquoi, les tribunaux ont reconnu que l’abus dans la rupture des pourparlers pouvait constituer une faute qui donne droit à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la victime.
I. La liberté de rompre les pourparlers.
Tant que les parties n’en sont qu’aux simples pourparlers, la rupture est en principe licite, elle n’engage pas la responsabilité de son auteur.
La liberté de ne pas aboutir, de ne pas conclure, doit en effet être préservée; chacun supportant seul, les frais engagés par les négociations, notamment le coût des études préalables qui sont un risque commercial assumé.
II. La limite de la liberté de rompre les pourparlers
La bonne foi a aussi son importance lors des négociations contractuelles, il y a faute si une partie a mis fin brutalement aux pourparlers, alors qu’elle n’avait pas d’intention de négocier sérieusement le contrat.
La responsabilité délictuelle de la partie fautive peut alors être engagée en cas d’abus.
A. La rupture abusive des pourparlers.
1. Les cas extrêmes de rupture abusive.
Les négociations impliquent souvent que des informations confidentielles, ainsi que des connaissances soient échangées entre les parties.
Dans les cas extrêmes, la solution est évidente, par exemple, lorsqu’un partenaire commet une faute en utilisant abusivement des données techniques révélées lors de la négociation, il accomplit ainsi un acte de concurrence déloyale. Sa responsabilité civile délictuelle est alors engagée.
En l’absence de clause de confidentialité , la bonne foi impose au bénéficiaire de ces informations de ne pas les divulguer et de ne pas les réutiliser si le contrat n’est pas signé.
Celui qui divulguerait ou utiliserait ainsi une information commettrait une faute délictuelle.
Il existe une obligation implicite de discrétion et une obligation de ne pas exploiter ce qui a été dévoilé lors de la phase des pourparlers mais il est fortement conseillé de conclure un contrat de confidentialité lorsque, durant les pourparlers, des connaissances vont être dévoilées.
2. caractéristiques de l’abus.
L’abus est constitué lorsque l’auteur de la rupture est animé d’une intention de nuire.
Cependant, aujourd’hui, la rupture de pourparlers est abusive dès lors que la rupture est réalisée de mauvaise foi même en l’absence d’intention de nuire. Celle-ci n’est plus nécessaire afin de caractériser l’abus.
Par exemple, tel est le cas de celui qui laisse croire que la conclusion d’un contrat était toujours possible alors que ce même contrat était déjà conclu avec un tiers.
La Cour de Cassation a aussi retenu l’abus, en cas de rupture sans motif légitime accompli avec une légèreté blâmable, sans qu’il soit nécessaire de caractériser l’existence de mauvaise foi ou d’intention de nuire
B. L’absence d’abus
A contrario, il n’y aura pas d’abus si la rupture est justifiée par des motifs légitimes tels que par exemple un désaccord sur les prix ou bien encore l’inaptitude du partenaire à répondre aux exigences techniques de la prestation ou de la fourniture de matériel.
De même, la rupture n’est pas fautive lorsque les parties ont des motifs légitimes.
Par l’exemple, lorsque les parties ne se sont jamais entendues sur les prix ou lorsque la rupture est intervenue sans surprise, son auteur ayant toujours fait connaître à l’autre partie la condition à laquelle il subordonnait son accord.
C. Le caractère brutal de la rupture.
Une rupture peut également être jugée fautive si elle présente un caractère brutal.
Il faut dans ce cas, que les négociations soient particulièrement avancées. Ainsi, la Cour de Cassation a jugé qu’est fautif le comportement de celui qui rompt brutalement et sans motif légitime des pourparlers qui se sont déroulés pendant une longue période.
Il ne faut donc pas engager trop longtemps des pourparlers avec un prestataire ou un fournisseur de service informatique si l’on a pas l’intention de conclure le contrat. Il faut donc rapidement se faire une idée des prestations que l’on attend pour ne pas s’engager dans des négociations trop longues à moins de disposer de motifs sérieux à faire valoir en cas de rupture des négociations.
D. L’appréciation de la faute
1. L’appréciation de la faute.
Plusieurs éléments sont pris en compte dans l’appréciation de la faute : l’existence de motifs légitimes, les frais engagés, l’importance du contrat, la présence de relations d’affaires antérieures entre les parties, l’état d’avancement des négociations.
La qualité de l’auteur ou de la victime entre également en ligne de compte. En effet, un professionnel sera plus facilement en faute parce qu’il inspire plus facilement confiance; de même il lui sera sûrement plus difficile de prétendre s’être fait manipulé par un profane.
Tous ces éléments sont pris en compte par la jurisprudence et appréciés au cas par cas en fonction des situations.
Ainsi, il a été jugé fautif, le fait de rompre les négociations, sans raisons sérieuses après quatre années de négociations d’un contrat important ponctuées d’études.
De même, lorsque les pourparlers étaient dans un état d’avancement significatif ou bien lorsque les parties avaient eu des relations d’affaires antérieures.
2. La faute du tiers.
L’auteur de la faute n’est pas forcément celui qui a pris la décision de mettre fin aux négociations.
En effet, la chambre commerciale dans un arrêt du 26 novembre 2003 affirme que « le simple fait de contracter avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, sauf s’il est dicté par l’intention de nuire ou s’accompagne de manœuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur. »
Par conséquent, il est toujours possible de contracter avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers sauf si l’on est guidé par une intention de nuire ou en cas de manœuvres frauduleuses.
E. Le dommage et les réparations
La victime d’une rupture abusive sera seulement indemnisée à hauteur des frais occasionnés par la négociation. Les gains éventuels ne seront pas pris en compte dans le calcul des dommages et intérêts.
Le négociateur victime d’une rupture fautive des pourparlers, ne peut pas obtenir réparation du préjudice résidant dans la perte d’une chance de tiré profit du contrat si il avait été conclu.
Cependant on peut penser que la jurisprudence pourrait admettre que la rupture fautive des pourparlers expose son auteur à l’indemnisation de la perte de chance de conclure un contrat équivalent avec un tiers.