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Wikipedia : quelles obligations pour un site Internet participatif ? Le suspense demeure…

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Une décision du TGI de Paris du 29 octobre 2007 apporte un éclairage intéressant concernant la qualification et les obligations juridiques du site Internet participatif www.wikipedia.fr.

Comme toute forme de collaboration, s’il veut échapper à l’anarchie, le Web 2.0 ne peut fonctionner sans règles.

Une décision du TGI de Paris du 29 octobre 2007 apporte un éclairage intéressant concernant le site Internet participatif www.wikipedia.fr.

L’instauration de règles d’un site Internet participatif peut s’inscrire dans un canevas existant. Dans le cas de Wikipedia, cela revient à poser la question de la qualification juridique d’un site de type Web 2.0. Wikipedia fait-il partie d’un ensemble de sites Internet déjà envisagé par le législateur ou devrait-on créer une nouvelle catégorie et l’y inscrire ?

A la réponse donnée fait suite une seconde question : quelles sont donc les règles déjà existantes (ou à créer) qui s’appliquent à Wikipedia (ou devraient lui être appliquées) ? Avec pour corollaire la question de la responsabilité du site participatif pour les informations mises en ligne par les internautes.

Qualification juridique de Wikipedia

Dans la décision du TGI du 29 octobre 2007, les parties avaient choisi de répondre elles-mêmes à la première question. La Wikimedia Foundation (société créatrice du site Wikipedia) devait être envisagée comme un hébergeur au sens de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique (LCEN).
En adoptant cette qualification, les parties admettaient implicitement de ne pas porter le débat vers la question de la responsabilité éditoriale de la Wikimedia Foundation au sens de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

C’est un choix des parties. Or, la jurisprudence récente concernant le Web 2.0 (affaires MySpace du 22 juin 2007, Dailymotion du 13 juillet 2007, Vivastreet du 26 juillet 2007, Google Vidéo du 16 mai 2007 et du 19 octobre 2007) est encore hésitante quant à la qualification ultime à donner.

Responsabilité et obligations juridiques de Wikipedia

Dans le cas présent, le site participatif avait été assigné par trois personnes à la suite de la présence sur ce dernier de propos révélant l’orientation sexuelle de ces personnes et imputant, pour l’une d’entre elles, l’obtention de l’agrément pour adopter deux enfants à son militantisme en faveur des droits des couples homosexuels.

Suite à la découverte de ces contenus, les trois personnes avaient prévenu les responsables de Wikipedia mais sans se réserver une preuve de la réception de leur envoi. Elles avaient demandé le retrait des propos les concernant (sur base de l’article 6.I-8 LCEN) ainsi que les coordonnées des internautes ayant déposé en ligne de ces propos (sur base de l’article 6.II LCEN).

Pour rappel, l’article 6.I-8 LCEN dispose que : « L’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 [un hébergeur] ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 [un fournisseur d’accès], toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne. »

L’article 6.II dispose que : « Les personnes mentionnées aux 1 [un fournisseur d’accès] et 2 [un hébergeur] du I détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires. »

Dans le cadre juridique de la LCEN, le juge constate :

1. Que les trois personnes n’ont pas suivi le prescrit de la LCEN (article 6.I-5 LCEN) quant au processus de notification de Wikipedia et qu’elles ne peuvent apporter la preuve que leur envoi a bien été réceptionné par la Wikimedia Foundation.

2. Que les informations communiquées à Wikipedia n’étaient pas susceptibles de faire apparaître dans le chef de ce dernier le caractère manifestement illicite des contenus.

3. De plus, que Wikimedia a procédé au retrait des contenus malgré le défaut de notification. En agissant de la sorte, la Wikimedia Foundation est allé au-delà de son obligation d’hébergeur.

Le juge déduit, en faisant une véritable leçon d’application de la LCEN :

1. Du défaut de la procédure de l’article 6.I-5 et de la portée des informations communiquées, que la Wikimedia Foundation ne peut être considérée comme ayant une connaissance effective d’héberger un contenu illicite (selon le texte de l’article 6.I-2 LCEN).

2. Que la Wikipedia Foundation, par application de l’article 6.I-2, ne peut aucunement être tenue responsable des contenus qu’elle héberge. En effet, l’article 6.I-2 LCEN stipule que : « [les hébergeurs] ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. »

3. Egalement, que la demande formulée en vertu de l’article 6.I-8 est devenue sans objet.

Par ailleurs, quant aux coordonnées, le juge estime « qu’il n’est pas contestable que le prestataire ayant fourni l’accès à l’Internet à l’utilisateur de l’ordinateur ainsi identifié est en mesure de communiquer les coordonnées sous lesquelles il a souscrit son abonnement ; qu’il n’est en revanche nullement démontré que la fondation WIKIMEDIA dispose d’autres données que celles affichées sur la pièce communiquée [des adresses IP] ; qu’il n’y a donc lieu de lui faire l’injonction demandée. »

Perspective

Le juge fait donc une analyse technique préliminaire à son injonction. Constatant que celle-ci ne pourrait permettre d’obtenir un résultat efficace, il refuse de la prendre. C’est donc précisément parce que les données en présence ne permettaient pas d’identifier les internautes auteurs des propos que le juge a refusé de donner injonction.

En tant que jugeant en référé, le TGI se devait de ne prendre appui que sur les faits rapportés. Pourtant, au fond, il est permis de s’interroger sur le fait que la Wikimedia Foundation ne conservait que des adresses IP. En effet, s’il est effectivement hébergeur, l’article 6.II l’oblige à conserver toutes les données permettant « l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires ».

Qualification, responsabilité, obligations, les sites participatifs ne disposent toujours pas aujourd’hui d’un régime juridique définitivement cadré permettant de distribuer les responsabilités. Il faudra attendre les premières décisions en appel, et surtout en cassation, pour se faire une idée plus précise du régime finalement applicable…

Droit & Technologies

Annexes

Décision du TGI de Paris du 29 octobre 2007

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