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Wikileaks : ange ou démon ?

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Parce que la sécurité d’un mot de passe aurait été compromise, Wikileaks a dévoilé une masse considérable de documents sans passer par les filtres journalistiques habituels. C’est une somme considérable d’information brute qui a été rendue publique, provoquant la colère de nombreux pouvoirs publics qui crient à l’inconscience.

La puissance de Wikileaks

Le point de départ parait plus ou moins indiscutable : Wikileaks, et les autres sites de ce type, sont puissants.

Quand ils annoncent la diffusion prochaine de milliers de documents qualifiés de confidentiels, c’est le monde entier qui pend peur ou se réjouit, selon la position occupée. On ne sait pas encore ce que seront ces documents mais chacun les attend. Puis, quand ils sont mis en ligne, on scrute, on décortique à la recherche d’une faille, d’un scoop. Par leur capacité de nuisance, ces sites font trembler jusqu’aux plus grands de ce monde.

Ces sites sont populaires.

« Micro-trottoir » l’a démontré, le public aime. Et ce qu’il aime par-dessus tout, c’est la confirmation du grand complot, les trucs sanglants qui lui confirmeront que décidément, tout est pourri et que rien ne va plus. Pour preuve, le nombre de déçus : « Quoi, tout ça pour ça ! » Pas assez gros, lourd, sanglant, pas assez croustillant.

Un grand nombre de journalistes aiment aussi, inconscients parfois que dans l’esprit d’une large partie de la population, Wikileaks existe parce la presse n’a pas correctement fait son travail. Certes, l’existence de ce lien de causalité reste à démontrer, mais son existence est perçue.  

Ces sites sont-ils utiles ?

La réponse est plus nuancée nous semble-t-il.

Quand ils dévoilent un mensonge, une tricherie ou une illégalité, ils font certainement œuvre utile. Peu importe la source, peu importe la fonction : celui qui triche doit assumer ses responsabilités. Mais ces sites ne dévoilent pas souvent ce genre d’informations ; ils les documentent mais ne les découvrent pas. Ce n’est pas Wikileaks qui a découvert Abugrahib ou acculé un président américain et un premier ministre anglais à reconnaitre leurs mensonges.

Que dévoilent alors ces sites ? Dans la plupart des cas, ils « découvrent la couronne ». Ils mettent au grand jour des documents que les autorités auraient préféré laisser dans l’ombre, mais qui ne révèlent somme toute rien d’autre que l’incroyable complexité de la marche de l’Etat et du monde.

C’est ici que survient la question probablement la plus importante et que nous abordons maintenant.

Ces sites sont-ils inoffensifs ?

Sans aucunement remettre en cause les valeurs fondamentales que sont la liberté d’expression et d’information, qu’il nous soit permis de penser que l’on joue avec le feu sans prendre la mesure exacte des risques.

1. Le danger lié à la révélation des informations

Tout doit-il être transparent ? La question est importante et éminemment subjective, il n’est donc pas question d’y répondre de façon tranchée mais  même les défenseurs de la transparence la plus totale admettent que le décodage de l’information n’est pas toujours simple. Le monde est complexe ; l’information l’est tout autant. Connaitre le contexte, les enjeux, les avantages et inconvénients, etc. est bien souvent nécessaire à la bonne compréhension d’une information brute, et nécessaire pour se forger une opinion.

Wikileaks a tellement bien compris la nécessité de décodage qu’il a très vite conclu un accord avec plusieurs grands organes de presse qui jouaient le rôle de filtre et de décodeur. Ce faisant, le site répondait adroitement aux attaques dont il a été l’objet à sa création.

Lors du grand déballage récent, ces filtres ont sauté au motif que la sécurité d’un mot de passe ayant été compromise, il n’était plus possible de maintenir l’embargo sur l’information le temps nécessaire à ces « filtres » pour digérer et traiter toute cette masse.

C’est donc le déballage brut qui a été privilégié : des centaines de milliers de câbles diplomatiques, contenant – parait-il – des noms d’opposants cambodgiens soutenant les droits de l’homme, des listes de taupes chinoises renseignant les Etats-Unis et autres informateurs liés à la lutte anti-terroriste. L’avenir dira si les dommages sont aussi considérables qu’affirmé depuis plusieurs jours par les agences de renseignement et la diplomatie de plusieurs pays. Si tel est le cas, le retour de bâton risque d’être désagréable, et le prix payé par l’ensemble de la population selon une vieille règle qui veut que chaque fois qu’un secret de cette nature est percé, la réaction consiste à enterrer plus profond encore les secrets futurs.

Paradoxalement, WikiLeaks pourrait tout aussi bien ne pas s’en remettre. Outre que le site dont la sécurité était la fierté a perdu de sa superbe, les conflits internes éclatent désormais au grand jour et, plus important encore, on voit mal comment les informateurs de WikiLeaks pourront encore faire confiance au système. Or, sans informateurs, la source se tarit et c’est tout le système qui s’écroule.

2. Le danger lié au fonctionnement de la démocratie parlementaire

La démocratie parlementaire dans laquelle nous vivons repose sur des équilibres : dans un système en ordre de marche (nous laissons de côté les crises et autres dysfonctionnements) il y a un partage des rôles entre, d’une part l’électeur qui nomme ses représentants, et d’autre part les dits représentants qui agissent ensuite « par délégation » dans le cadre que fixe la loi, et qui rendent compte en se soumettant à intervalles réguliers au jugement de l’électeur.

La marge de manœuvre des élus peut varier d’un pays à l’autre, tout comme l’interaction entre les représentants répartis au sein des pouvoirs exécutifs et législatifs, mais le partage des rôles entre l’électeur et les élus est un dénominateur commun à la plupart des démocraties modernes.

L’internet a largement bouleversé la donne, associant Monsieur et Madame Tout-Le-Monde à chaque prise de décision. L’évolution est constante : elle a débuté en augmentant la rapidité de diffusion de l’information grâce aux bon vieux sites web ; ensuite, chacun a pu devenir une voix grâce aux blogs ; plus tard, le web 2.0 a facilité encore plus la prise de parole et la participation ; à présent, les réseaux sociaux prennent le relais et permettent littéralement à chaque citoyen d’être un journaliste amateur, pour le pire et le meilleur.

La transformation des médias traditionnels est une autre preuve de ce qui précède, avec une scission de plus en plus nette entre, d’une part les fournisseurs d’informations « à digestion rapide » qui connaissent un succès certain (Twitter évidemment, mais aussi plusieurs médias traditionnels qui se sont réorganisés), et d’autre part les décrypteurs d’une information « à digestion lente » qui peinent à trouver leur place. Le succès de la presse ultra-régionale, qui privilégie elle aussi l’immédiateté couplée à la proximité,  est un autre symptôme de cette évolution.

Chaque foyer devient un acteur, actif et permanent, de la politique.

Wikileaks donne un formidable coup d’accélérateur à cette évolution, en attirant un plus grand nombre de personnes alléchées par le scoop, et procurant au passage un sentiment de légitimité. Plus Wikileaks diffuse d’informations, plus on voit fleurir sur l’internet des expressions tranchées, tel la promesse de poursuivre le « combat », ou encore la dénonciation des « gouvernements injustes qui oppriment » et la nécessité d’entrer en « résistance ».

Dans ce nouveau schéma ultra-participatif, les politiques ont de plus en plus de mal à expliquer et justifier une décision impopulaire aujourd’hui, rendue toutefois nécessaire pour le bien de demain. Le court-terme et les sondages d’opinion gouvernent, parfois en dépit de l’effet bénéfique attendu à long-terme. Les politiques eux-mêmes entrent dans le jeu, qui envoyant un texto, qui mettant à jour son Twitt pendant une réunion importante. Le risque est évidemment la paralysie du système politique, engendrée par la peur des élus qui conservent trop leur regard sur l’indicateur de vitesse et pas assez sur la route devant eux.

Droit & Technologies

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