Voitures autonomes : Uber a-t-il volé à Google des infos confidentielles ?
Publié le 28/02/2017 par Thomas Dubuisson
L’intelligence artificielle, et en particulier les voitures autonomes, sera l’un des enjeux technologiques majeurs des prochaines années. Dans ce secteur hyper concurrentiel, Google et Uber sont tous les deux ambitieux. La bagarre est financière mais aussi technologique : le savoir est jalousement gardé car celui qui prendra l’avantage fera pendant un certain temps la course en tête. C’est dans ce climat que Google accuse un ex-manager d’avoir copié 10 GB de données secrètes avant de rejoindre Uber. Ambiance …
Vers un gros procès dans la course aux voitures autonomes ?
Waymo, filiale d’Alphabet Inc (ex-Google), est une société qui gère le projet des voitures autonomes (« Google self-driving car project ») depuis 2009.
La semaine passée, elle a intenté une action judiciaire contre Uber et sa filiale Otto (la société de camion autonome appartenant à Uber).
En cause, la violation de sa technologie LiDARet le vol de secrets d’affaires.
LiDAR (acronyme de « Light Detection And Ranging ») est une technologie de mesure par laser qui permet à un véhicule autonome, via des capteurs, de « voir » les environs et de détecter la circulation, les piétons, les cyclistes et tous les dangers potentiels que les conducteurs humains ne pourraient voir.
Aujourd’hui, la plupart des entreprises dans le secteur des voitures autonomes achètent les systèmes LiDAR.
La particularité de Waymo/Google est que cette société a investi des dizaines de millions de dollars et plus de 7 années pour construire sa propre technologie LiDAR sur mesure. Elle a obtenu divers brevets américain pour sa conception simplifiée du système (No. 8,836,922 ; No. 9,368,936 ; et No. 9,086,273).
10 GB d’informations confidentielles !
Tout commence par un email envoyé à la mauvaise personne…
Un employé de Waymo/Google a été mis en copie par inadvertance dans un email envoyé par un des fournisseurs de LiDAR. L’intitulé était explicite « DOCUMENTS OTTO » et le contenu de l’email révélait une conversation entre divers fournisseurs de LiDAR pour Uber.
En pièce jointe de cet email, des informations sur le système LiDAR d’Otto/Uber ayant une ressemblance frappante avec les conceptions, le savoir-faire confidentiel et les secrets d’affaires de Waymo/Google.
Comment les informations sont-elles arrivées là ?
L’enquête aurait permis d’établir que :
- En décembre 2015, un ex-manager de Google a installé un logiciel spécifique sur son ordinateur portable de bureau pour accéder au serveur qui stocke les fichiers confidentiels ;
- Il aurait ensuite téléchargé plus de 14.000 fichiers (dont 2 GB concernant la technologie LiDAR) ;
- Une fois le téléchargement effectué, il a connecté un lecteur externe à son portable pendant huit heures ;
- Il a ensuite installé un nouveau système d’exploitation qui aurait dû avoir l’effet de reformater son portable en effaçant toutes les empreintes digitales qui montraient son intrusion ;
- Avant sa démission fin janvier 2016, l’ex manager a parallèlement créé une entreprise « OTTO » qui fût rapidement acquise par Uber en aout 2016 pour 680 millions de dollars. Une somme relativement importante pour une entreprise qui venait juste d’être créée ;
- Quelques mois plus tard, alors que Waymo avait mis 7 années pour développer sa technologie, Uber annonçait son « propre » modèle LiDAR.
La société Waymo demande à la Cour américaine du district Nord de la Californie [3:17-cv-00939] un procès devant jury pour : violation des secrets d’affaires ; contrefaçon des brevets ; pratiques commerciales illégales et frauduleuses.
Elle insiste sur le fait qu’en pleine course à l’innovation, s’approprier des données confidentielles déforme clairement la création d’un marché équitable et compétitif.
Le montant des dommages-intérêts (punitifs) devra être évalué lors du procès.
Waymo pourrait aussi demander une ordonnance de restriction temporaire ou une injonction préliminaire, empêchant Uber et sa filiale Otto d’utiliser sa technologie LiDAR.
Uber conteste : « cette action est infondée ».