Voilà le « Code européen des communications électroniques » !
Publié le 19/12/2018 par Etienne Wery , Cynthia Delronge
Le cadre réglementaire pour les communications électroniques date de 2009. Vu les enjeux du numérique et l’émergence d’acteurs inconnus auparavant qui font concurrence aux opérateurs de télécommunications traditionnels, il était temps de remettre les choses à plat. Ce sera bientôt le cas, et pas n’importe comment : c’est un véritable Code des communications électroniques européen qui va bientôt voir le jour grâce au récent accord politique obtenu.
Vous avez aimé la directive «cadre», la directive «autorisation», la directive «accès» et la directive «service universel » ? Vous allez adorer le Code des communications électroniques européen !
La proposition émane de la Commission (2016) ; elle se fixait trois grands objectifs stratégiques en matière de connectivité à l’horizon 2025:
- tous les principaux acteurs socioéconomiques doivent avoir accès à une connexion extrêmement élevée, du niveau des gigabits;
- tous les ménages d’Europe, ruraux ou urbains, doivent avoir accès à une connectivité offrant un débit descendant d’au moins 100 Mbps, qui puisse s’adapter à des vitesses de l’ordre des gigabits;
- toutes les zones urbaines et toutes les grandes voies de transport routier ou ferroviaire devront bénéficier d’une couverture 5G sans rupture; à titre d’objectif intermédiaire, à l’horizon 2020, la connectivité 5G devra être disponible sur le marché dans au moins une des principales villes de chaque État membre.
Grâce au récent accord politique sur la dernière version du texte, le Code des communications électroniques européen va bientôt devenir réalité.
Principaux changements
a) Modification des objectifs d’action : connectivité à haute capacité
L’article 3 simplifie la présentation des objectifs actuels (promotion de la concurrence, du marché intérieur et des intérêts des utilisateurs finaux) et les complète avec un nouvel objectif de généralisation de l’accès à la connectivité à très haute capacité dans l’ensemble de l’UE, tant pour les réseaux fixes que sans fil[1].
b) Modifications des dispositions régissant les services et la protection des utilisateurs finaux :
L’article 2, paragraphe 4, redéfinit la notion de « service de communications électroniques » afin de tenir compte des évolutions du marché et de la régulation au cours de ces dernières années. Celle-ci renvoie à trois types de catégories de services : i) le service d’accès à l’internet, ii) le service de communications interpersonnelles et iii) les services consistant entièrement ou principalement en l’acheminement de signaux, tels que les services de transmission utilisés pour la radiodiffusion.
La terme « service de communications interpersonnelles » est défini à l’article 2, paragraphe 5 comme « un service normalement fourni contre rémunération qui permet l’échange interpersonnel et interactif direct d’informations via des réseaux de communications électroniques entre un nombre fini de personnes, dans lequel les personnes qui amorcent la communication ou y participent en déterminent le(s) destinataire(s) ».
Cette notion englobe deux sous-catégories, à savoir : un service fondé sur la numérotation et un service non fondé sur la numérotation[2].
c) Modifications de la gouvernance : autorisation générale – notification
L’article 12 introduit quelques changements en ce qui concerne la procédure d’autorisation générale. Cependant, alors que la Commission européenne avait proposé un système où les fournisseurs de réseaux et services de communications électroniques devaient soumettre une unique notification à l’ORECE, la version finale du texte de la directive suggère que les Etats membres puissent requérir une notification auprès des autorités de régulation nationales.
Néanmoins, l’article 12, paragraphe 4 harmonise le système en limitant les informations que le Etats membres peuvent requérir des fournisseurs de réseaux et services électroniques lorsqu’ils soumettent une notification[3].
d) Modifications liées à la régulation de l’accès :
Accès aux actifs de réseaux non duplicables : l’article 59, paragraphe 3 précise les conditions dans lesquelles des obligations peuvent être imposées à l’ensemble des opérateurs (obligations symétriques), afin de garantir l’accès aux actifs de réseau non duplicables, tels que le câblage interne des immeubles. Pour préserver les incitations à investir, cet accès est limité au premier point de mutualisation à partir de l’utilisateur final, mais il peut être étendu au-delà dans des circonstances limitées, afin de faciliter le déploiement de réseaux alternatifs dans les zones les plus difficiles à desservir et moins densément peuplées[4].
Analyses de marché : l’article 67, paragraphe 5 porte l’actuelle période maximale pour l’analyse de marché de trois à cinq ans, ce qui permettra aux opérateurs de planifier à plus long terme, et dotera les régulateurs nationaux d’une plus grande flexibilité en ce qui concerne le calendrier des analyses de marché[5].
Terminaison d’appel vocal : l’article 75 introduit un processus au niveau de l’Union visant à déterminer une méthodologie contraignante pour la fixation des tarifs de terminaison d’appel vocal, marché stable régulé de façon similaire dans la plupart des États membres. En outre, il crée un mécanisme de plafonnement des tarifs de terminaison d’appel au niveau de l’UE, en vue d’alléger la charge administrative pesant sur les régulateurs nationaux[6].
Co-investissement : l’article 76 introduit des dispositions visant à faciliter les co-investissements commerciaux dans des infrastructures nouvelles et à en tirer les conséquences nécessaires sur le plan de la régulation. La Commission européenne considérait que le partage d’éléments de nouveaux réseaux entre un propriétaire de réseau puissant sur le marché et les demandeurs d’accès à ce réseau comporte un partage plus important des risques que dans le cas des produits d’accès traditionnels et peut aussi servir de base plus durable à une concurrence pérenne si des conditions appropriées régissant le programme de co-investissement sont réunies. Selon la Commission, cela devrait permettre d’adapter la régulation de l’accès, de sorte que tous les co-investisseurs puissent bénéficier des avantages liés à la position de premier entrant par rapport à d’autres entreprises[7].
Séparation fonctionnelle : les articles 77 and 78 fournissent des précisions sur le processus de séparation volontaire, instaurant ainsi de la sécurité juridique au moyen d’engagements donnés par l’opérateur menant un tel processus[8].
Réseaux “uniquement de gros” : l’article 80 offre un modèle de régulation simplifiée pour les réseaux uniquement de gros dont les opérateurs sont puissants sur le marché, limitée à des règles d’accès équitables, raisonnables et non discriminatoires et assortie d’une procédure de règlement des litiges en tant que de besoin. Les dispositions imposent des conditions strictes pour qu’un réseau soit considéré comme véritablement «uniquement de gros» ; elles pourraient être particulièrement adaptées aux réseaux locaux à très haute capacité, dont les opérateurs pourraient néanmoins être considérés à l’avenir comme ayant une puissance significative sur le marché[9].
e) Modifications liées à la gestion du spectre
Points d’accès sans fil à portée limitée : l’article 57 instaure un régime d’autorisation générale pour l’utilisation de points d’accès sans fil de faible puissance.
De plus, l’article 57, paragraphe 4 impose aux Etats membres de veiller à ce que les opérateurs aient le droit d’accéder à toute infrastructure physique contrôlée par les pouvoirs publics compétents, comme les poteaux d’éclairage, les panneaux de signalisation, les feux de signalisation, les panneaux d’affichage, les arrêts d’autobus et de tram,… Les pouvoirs publics doivent fournir ces accès à des conditions équitables, raisonnables, transparentes et non discriminatoires[10].
Le Code introduit d’autres mesures d’harmonisation du spectre. Ainsi, par exemple, l’article 45 précise les objectifs et principes généraux pour guider les États membres dans le cadre de la gestion du spectre au niveau national. Ils portent sur les éléments suivants : la cohérence et la proportionnalité dans les procédures d’autorisation, l’importance d’assurer une couverture appropriée, les considérations de calendrier lors de la mise à disposition du spectre, la prévention du brouillage transfrontalier ou préjudiciable, l’établissement du principe «use it or lose it» (utilisation obligatoire sous peine de perte définitive) et la promotion d’une utilisation partagée du spectre ainsi que le négoce et la location du spectre[11].
f) Modifications apportées au régime de service universel :
La proposition vise à moderniser le régime de service universel en supprimant de son champ d’application l’inclusion obligatoire, à l’échelle de l’UE, de services traditionnels (téléphones publics payants, annuaires complets,…), et en se focalisant sur le haut débit en tant que service universel de base.
L’accent est mis sur le caractère abordable du service universel plutôt que sur le déploiement des réseaux. Celui-ci doit être assuré au moins en position déterminée, mais les États membres jouiront d’une certaine marge de manoeuvre pour étendre les mesures d’accessibilité financière aux services mobiles également, en faveur des utilisateurs les plus vulnérables[12].
Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE)
Parallèlement, un second texte met à jour le règlement relatif à l’ORECE, l’organe de régulation à l’échelle de l’Union.
L’ORECE a pour mission d’assister la Commission et les autorités règlementaires nationales (ARN) dans la mise en œuvre des règles de l’Union en matière de télécommunications. L’ORECE se compose actuellement de deux organes: l’Office de l’ORECE, situé à Riga (Lettonie), qui fournit un soutien administratif, et le conseil des régulateurs, constitué des directeurs exécutifs des ARN.
La proposition vise à donner à l’ORECE le statut d’une véritable agence et à faire en sorte qu’un même conseil d’administration soit habilité à prendre des décisions règlementaires ainsi que les décisions administratives et financières qui en découlent. La proposition assigne de nouvelles missions à l’ORECE, et lui accorde notamment certains pouvoirs contraignants lui permettant de garantir la cohérence de la mise en œuvre du cadre règlementaire, avec par exemple la publication de lignes directrices sur les études géographiques à l’intention des ARN. L’ORECE serait également responsable de l’élaboration d’approches communes en vue de fournir des opinions validées par des pairs sur les projets de mesures nationales concernant l’assignement du spectre radioélectrique ou sur les litiges transfrontaliers. La proposition modifie également la gouvernance de l’ORECE. À l’heure actuelle, la Commission ne peut assister aux réunions du conseil des régulateurs qu’en tant qu’observatrice, et dispose d’un seul représentant au conseil d’administration de l’Office de l’ORECE (qui effectue principalement des tâches de soutien administratif). La proposition dispose que le conseil d’administration de l’agence est constitué d’un représentant de chaque État membre mais également de deux représentants de la Commission. Tout membre du conseil d’administration disposerait d’un droit de vote.
Plus d’infos
En lisant la dernière version du projet, disponible en annexe.
[1] Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil établissant le Code des Communications Electroniques européen (refonte), COM/2016/0590 final – 2016/0288 (COD), p. 17.
[2] Ibid., pp. 21 et 142.
[3] Ibid., p. 157 et comparer avec la Directive du Parlement européen et du Conseil établissant le Code des Communications Electroniques européen (refonte), PE-CONS 52/2018, p. 223.
[4] Ibid., p. 18.
[5] Ibidem.
[6] Ibidem.
[7] Ibid., p. 19.
[8] Ibidem.
[9] Ibidem.
[10] Directive of the European Parliament and of the Council establishing the European Electronic Communications Code (refonte), PE-CONS 52/2018, p. 313.
[11] Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil établissant le Code des Communications Electroniques européen (refonte), COM/2016/0590 final – 2016/0288 (COD), p. 19.
[12] Ibid., p. 21.