Voici le médicament 2.0
Publié le 11/02/2019 par Etienne Wery
Afin de lutter contre la contrefaçon, la directive Falsified Medicine Directive (FMD) introduit plusieurs mesures innovantes qui doivent entrer en vigueur avant le 9 février. L’une d’elles vise la présence d’un QR code unique pour chaque médicament soumis à prescription, permettant la traçabilité du produit au bénéfice du patient, des intermédiaires et des services de sécurité sanitaire.
La contrefaçon de médicaments, fléau mondial
La contrefaçon de médicaments est un commerce illégal malheureusement florissant.
Ces pilules contrefaites sont au mieux inefficaces, au pire dangereuses. Inefficaces quand elles ne contiennent que du sucre vendu au prix d’une molécule complexe. Dangereuses quand elles contiennent des substances toxiques, des déchets de fabrication ou des allergènes non détectés.
C’est pourquoi les autorités sanitaires ont fait de la lutte contre ces circuits illégaux, une priorité.
Par exemple, en 2015, 115 pays ont participé à une opération mondiale visant les réseaux criminels à l’origine de la vente de faux médicaments par des pharmacies en ligne illégales, qui a abouti à 156 arrestations dans le monde entier et à la saisie de médicaments potentiellement dangereux d’une valeur totale de 81 millions d’USD. L’opération a également conduit à l’ouverture de 429 enquêtes, au retrait de 550 publicités en ligne relatives à des produits pharmaceutiques illégaux et à la fermeture de 2 414 sites Web.
L’opération Pangea VIII était coordonnée par INTERPOL avec le concours de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), du Permanent Forum on International Pharmaceutical Crime (PFIPC), du Heads of Medicines Agencies Working Group of Enforcement Officers (HMA WGEO), d’Europol et du Pharmaceutical Security Institute (PSI). Elle a en outre bénéficié du soutien du Center for Safe Internet Pharmacies (CSIP) et de celui de sociétés privées telles que LegitScript, Google, Mastercard, Visa et PayPal.
Lors de cette semaine internationale d’action qui s’est déroulée du 9 au 16 juin 2015, parallèlement aux perquisitions menées à des adresses liées à des sites Web illégaux de vente de médicaments, des agents des douanes ou des organismes de contrôle du médicament ont inspecté quelque 150 000 colis dont près de 50 000 ont été saisis.
Parmi les produits faux et illégaux saisis au cours de l’opération figuraient des traitements de l’hypertension, des traitements des troubles de l’érection et des traitements du cancer, ainsi que des compléments alimentaires. Dans l’affaire intervenue en Indonésie, les autorités ont découvert que des malfaiteurs modifiaient les dates d’expiration ou la quantité de principe actif indiquées sur des emballages de médicaments faux, périmés et non autorisés, les médicaments en question étant ensuite réexpédiés à une pharmacie pour y être vendus.
Développer l’offre légale en ligne
C’est dans ce cadre que le droit européen est venu imposer il y a quelques années la possibilité, pour les pharmaciens opérant légalement, de vendre en ligne.
Le développement d’une offre légale sur Internet est un des piliers majeurs de la politique européenne de lutte contre la contrefaçon. L’approche est similaire à celle qui a prévalu dans la lutte contre la contrefaçon musicale : la meilleure manière d’enrayer le commerce illégal consiste à développer une offre légale en ligne.
Lorsque l’on voit la frilosité de certaines associations de pharmaciens, ordres et autres ministères, on ne peut donc que s’étonner : sous couvert de protection de la santé publique, ils nuisent en réalité à l’objectif assigné. L’Autorité française de la concurrence ne dit pas autre chose lorsqu’elle critique la sévérité des arrêts concoctés par le ministère de la santé publique : « de façon paradoxale, ces projets d’arrêtés auront pour effet de menacer directement le réseau embryonnaire des cyber-pharmacies françaises et d’inciter les patients qui souhaiteront procéder à des achats de médicaments sur internet à se tourner vers des sites ne présentant aucune des garanties que ces textes prétendent défendre. »
La directive « FMD »
La directive relative aux médicaments falsifiés (directive dite « FMD » : 2011/62/UE) est venue compléter ce dispositif.
Parmi les mesures phares visibles pour le public : la directive fixe deux exigences pour l’emballage des produits pharmaceutiques :
- D’une part, les paquets doivent porter un numéro de série unique permettant d’identifier et d’authentifier les produits individuellement.
- D’autre part, ils doivent être scellés par un dispositif qui révèle visuellement toute tentative de falsification.
Ce dispositif a été complété par le règlement délégué (UE) 2016/161 de la Commission.
QR code
Les fabricants ont donc dorénavant l’obligation d’apposer un numéro unique sur les médicaments soumis à prescription et/ou remboursables.
Ce numéro unique doit être chiffré dans un code-barres bidimensionnel et imprimé sur le conditionnement, mentionnant le code produit, la date d’échéance et le numéro de lot.
Lors de la délivrance, ce numéro doit être scanné : le médicament est alors identifié comme vendu. C’est du reste l’une des craintes des pharmaciens car selon les premiers tests, le processus pourrait prendre 2 secondes (par boite), ce qui ralentirait assez fortement les opérations.
Traçabilité
La traçabilité est assurée tout au long de la chaine : depuis la fabrication jusqu’au patient final, en passant par les intermédiaires.
En outre, cette tracabilité est assurée pour chaque boite individuellement.
La boite a-t-elle a été ouverte en cours de chaine d’approvisionnement ? Le dispositif scellé sera rompu de façon définitive. Une boite est-elle suspecte, vendue à un prix irréaliste ou par quelqu’un qui n’est pas habilité ? Le QR code permettra de suivre intégralement son parcours depuis la fabrication.
Cette traçabilité est assurée au niveau européen via le système européen de vérification des médicaments (EMVS), également connu sous le nom de « hub européen » qui est connecté aux systèmes nationaux de vérification des médicaments (NMVS) mis au point par chaque pays de l’Union européenne. L’EMVS recevra un identifiant unique (IU) du fabricant pour chaque médicament d’ordonnance vendu en Europe et agira comme un « routeur » pour les distribuer au NMVS approprié. La base de données NMVS de chaque pays contiendra les IU de tous les médicaments actuellement actifs dans le pays en question.