Vers un contrat européen pour les achats en ligne ?
Publié le 06/02/2013 par murielle cahen
La directive n°2011/83 relative aux droits des consommateurs, adoptée par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne le 25 octobre 2011, va harmoniser les règlementations en matières de contrats de vente et de service à distance. Remplaçant notamment la directive 97/7/CE relative à la protection des consommateurs en matière de contrats à distance dont la Cour de justice de l’Union européenne à revu l’interprétation récemment, elle sera transposée en France en 2014.
Les institutions européennes, toujours animées par la volonté de faciliter la circulation des marchandises et les échanges commerciaux entre les Etats membres, voit dans cette nouvelle directive l’occasion de renforcer les droits des consommateurs tout en améliorant la lisibilité de sa législation. Le préambule de la directive évoque clairement cette volonté de clarification. De plus, elle abroge deux directives, celle de 1997 déjà citée, et celle du Conseil du 20 décembre 1985 n° 85/577/CEE concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux.
De fait, la directive de 2011 fonde ses dispositions sur une première distinction fondamentale entre le contrat à distance et le contrat hors établissement.
Le premier, le contrat à distance, est défini à l’article 2 relatif aux définitions comme étant « tout contrat conclu entre le professionnel et le consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu’au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu ». La directive concerne évidemment les rapports entre les commerçants et les consommateurs à l’exclusion des rapports entre commerçants, qui répondent à un régime commercial très différent. Cette définition relève d’une volonté affirmée dans le préambule de recouvrir un large champ de contrats à distance, ou « e-contrat ». Ainsi, les auteurs de la directive considèrent que doivent être soumis à celle-ci les contrats qui auraient été conclus en ligne mais après l’éventuelle visite du consommateur dans l’établissement du professionnel. Le texte est d’ailleurs d’une précision très poussée en ce qui concerne les définitions ce qui laissera sans doute peu de place à l’interprétation.
Le contrat hors établissement quant à lui recoupe tout contrat entre le professionnel et le consommateur conclu en la présence physique du professionnel et du consommateur, dans un lieu qui n’est pas l’établissement commercial du professionnel.
Elle ajoute aussi une troisième catégorie qui concerne les autres contrats, c’est-à-dire les contrats traditionnels, concluent entre personnes physiques et dans l’établissement du commerçant partie au contrat.
I – La consécration du lien entre le droit de rétraction et le devoir d’information
A – L’importance du droit de rétractation
La directive ici n’innove pas dans la mesure où le droit de rétractation du consommateur est un moteur à la législation communautaire en termes de consommation. Elle faisait déjà l’objet d’un article 6 dans la directive 97/7/CE. C’est l’article 9 de la directive de 2011 qui régit ce droit en prévoyant que « le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour se rétracter d’un contrat à distance ou d’un contrat hors établissement sans avoir à motiver sa décision et sans encourir d’autres coûts que ceux prévus à l’article 13, paragraphe 2, et à l’article 14 ».
Une obligation d’information de la part du commerçant quant au droit de rétractation doit être observée. Dans le cas contraire, le délai de rétractation est allongé à 12 mois, contre les 3 mois encore en application aujourd’hui. Si le commerçant transmet finalement les informations dans les 12 mois, le délai normal court à nouveau à compter du jour où le consommateur reçoit les informations.
B – Un devoir d’information renforcé
En application de la directive, le droit de rétraction ne peut être correctement exercé sans une information préalable obligatoire du consommateur. Quel que soit le type de contrat, ces informations revêtent un caractère très formel garanti dans le texte. Il faudra toutefois attendre que la transposition du texte pour savoir quel régime sera appliqué en termes de sanction. C’est à l’article 6 que l’on retrouve les informations obligatoirement contenues dans les contrats concernés à distance et hors établissement et communiquées notamment sur un « support durable ».
Le texte insiste à titre préliminaire sur l’importance du caractère durable que doit revêtir le support choisi pour la communication de ces informations. Il est défini comme « tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement d’une manière permettant de s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées ».
CJUE, Arrêt du 5 juillet 2012, Content Services Ltd / Bundesarbeitskammer portant sur la communication des conditions générales de ventes.
II – Forme et fond du contrat à distance et du contrat hors établissement
A – Des obligations distinctes en fonction du type de contrat
Les articles 7 et 8 de la directive régissent ces obligations formelles. Les contrats hors établissement, soumis aux dispositions de l’article 7, n’ont que quelques obligations comme de fournir les informations de l’article 6 « sur sur papier ou, moyennant accord du consommateur, sur un autre support durable ». Des conditions de forme allégées peuvent être prévues pour certains contrats de faible montant et à l’exécution nécessairement immédiate.
Concernant les contrats à distance, l’article 8 est beaucoup plus détaillé et s’étale sur pas moins de dix paragraphes. Le septième fait écho à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à la détermination du support durable, notamment en ce qu’il doit porter la confirmation des informations de l’article 6 à l’issue de la conclusion du contrat. En effet, le commerçant doit confirmer ses conditions générales de ventes ou d’utilisation, par l’intermédiaire d’un support durable ou d’une version papier.
Le reste de l’article vise à prévoir le maximum de cas de figure. La lisibilité du langage est garantie, afin qu’il n’y ait pas d’ambigüité au moment de la réception des informations par le consommateur. Car ces informations lui permettent en pratique de connaître ses droits, d’où l’importance de leur lisibilité. De même, l’article 8 façonne ses dispositions en fonction du type de relation : contrat par voie électronique, dont dépend le commerce en ligne, par téléphone ou encore les contrats n’imposant pas des volumes déterminés.
B – La disproportion des différents droits du consommateur
Le chapitre IV « autres droits des consommateurs » ne comporte que six articles consacrés à différents droits mais beaucoup moins détaillés sur leurs modalités d’application. Pour la livraison par exemple, la directive dispose qu’elle doit intervenir « au plus tard trente jours après la conclusion du contrat ». Le but ici est essentiellement l’harmonisation des droits des Etats membres.
Sont également encadrés les frais liés au moyen de paiement, avec l’interdiction faites aux commerçants d’avoir une marge sur les frais supportés par le consommateur, les risques liés au transport des marchandises, qui sont transférés in extremis au consommateur, ou encore le prix des communications téléphoniques.
Finalement, la directive comporte également quelques interdictions, notamment sur les frais. L’article 27 de la directive en prévoit une dernière quant à la vente forcée, qu’elle interdit purement et simplement.