Vente de billets d’avion en ligne : des compagnies aériennes condamnées
Publié le 28/06/2001 par Etienne Wery
Les agences de voyages belges ne sont pas contentes, et leur organisme central de représentation (Belgian Travel Agent Organisation : en abrégé BTO) l’a fait savoir. La vente de billets d’avion en ligne Il existe, en gros, deux moyens d’acheter un billet d’avion : passer directement par la compagnie aérienne, ou passer par une agence…
Les agences de voyages belges ne sont pas contentes, et leur organisme central de représentation (Belgian Travel Agent Organisation : en abrégé BTO) l’a fait savoir.
La vente de billets d’avion en ligne
Il existe, en gros, deux moyens d’acheter un billet d’avion : passer directement par la compagnie aérienne, ou passer par une agence de voyage.
L’activité de ces agences est réglementée en Belgique par la loi du 16 février 1994 qui prévoit notamment leur rémunération sous forme d’un pourcentage du billet vendu. Ce pourcentage est faible et ne permet que rarement aux agences de vivre. Celles-ci gagnent leur argent grâce aux services annexes : réservation d’hôtels, de voiture, etc.
Aussi bien les compagnies que les agences ont développé ces dernières années la vente en ligne, qui est du reste un des secteurs qui gagne le plus d’argent sur l’internet.
Les billets d’avions sont souvent accompagnés de programme visant à fidéliser la clientèle. Les « Miles » en sont l’exemple parfait : chaque fois qu’un client achète un billet, que se soit pour son travail ou à titre privé, il reçoit des « Miles ». Lorsque ces Miles atteigent un certain montant, il peut les convertir en billet gratuit. Tous ceux qui voyagent beaucoup savent que ces Miles sont vite gagnés, et qu’il n’est pas rare que de gros voyageurs à titre professionnel payent de la sorte les billets des vacances de toute leur famille.
Le litige
Les Miles sont au centre des trois actions intentées par le BTO contre Lufthansa, American Airlines et Sabena.
Ces compagnies proposent en effet au client d’acheter directement sur leur site les bilets convoités, et pour le récompenser d’avoir traité directement avec la compagnie, elles lui offre des Miles surnuméraires. Bref, un aller-retour pour New-York donne droit à 2.500 Miles si la vente est conclue via une agence, mais à 3.500 Miles si le client passe directement par le site web de la compagnie aérienne.
Les agents de voyage ne sont pas contents du tout : d’une part ils perdent la commission sur le billet, mais surtout ils perdent une chance de vendre des services accessoires (réservation, etc.) beaucoup plus lucratifs.
Le BTO assigne donc les compagnies sur base de la loi sur les pratiques du commerce. Motif : en proposant aux clients finaux des conditions plus favorables que celles qu’elles imposent unilatéralement aux agences, et en interdisant à ces agences de bénéficier de ces conditions, les compagnies adoptent un comportement déloyal contraire aux usages honêtes en matière commerciale.
L’ordonnance Lufthansa
Le tribunal rappelle que Lufthansa peut en principe vendre directement aux voyageurs : ni la loi du 16 février 1994 ni aucun autre texte ne le lui interdit. Que cette vente ait lieu dans un bureau de représentation ou via le web ne change rien.
D’un point de vue économique, le tribunal semble même assez compréhensif face à l’attitude de Lufthansa : vendre en ligne aux consommateurs est de nature à réduire directement les coûts en épargnant une commission, et a un effet bénéfique indirect car à la longue il allège le coût de tout le réseau de distribution que Lufthansa pourrait très bien vouloir concurrencer le plus possible.
Dans les principes, donc, rien à redire.
Par contre, le tribunal fustige la compagnie qui fausse le jeu de la concurrence.
C’est que Lufthansa est à la fois transporteur et distributeur de ses billets. Elle est donc maître de tout le jeu puisqu’elle fixe le prix du billet et le nombre de Miles, etc. C’est ici que le tribunal intervient et reproche à la compagnie de s’accaparer et fidéliser le client par une offre artificielle que les agences ne peuvent pas concurrencer. Il s’agit d’un comportement déloyal contraire aux usages honêtes en matière commerciale, dont le tribunal ordonne la cessation immédiate.
L’ordonnance Sabena
L’ordonnance Sabena, rendue par une chambre flamande, va dans le même sens que l’ordonnance Lufthansa. Les faits sont similaires et le raisonnement du juge est, grosso modo, identique.
L’ordonnance American Airlines
Le cas « American Airlines » est particulier car la vente se fait via un site web http://www.aa.com localisé aux USA, réservé aux nord-américains.
Les agences prétendent que le juge belge est néanmoins compétent car la clientèle de prédilection (hommes d’affaires) peut facilement contourner cette exigence et ne s’en prive d’ailleurs pas. Par exemple, il suffit qu’une société nord-américaine du groupe de l’acheteur soit facturée pour que l’interdictions oit contournée. Selon les agences, l’attrait des Miles est tel que les voyageurs seraient prêts à tout. Du reste, la compagnie elle-même serai, aux dires des agences de voyage, très conciliante sur ce point.
Le juge voit les choses d’un autre oeil : selon lui, les demandeurs ne prouvent pas qu’une vente « belge » ait eu lieu, et il se déclare incompétent.
En savoir plus
En consultant les trois ordonnances commentées, toutes disponibles sur notre site, en gardant à l’esprit que ces décisions sont toujours susceptibles d’appel à l’heure d’écrire ces lignes :