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Une peine minimale de cinq ans de prison pour contrefaçon, est disproportionnée

Publié le par 3686 vues

Le droit bulgare est radical : 5 ans de prison en cas de contrefaçon de marque. C’est le tarif minimal. Un juge bulgare s’interroge sur la compatibilité de cette peine avec la directive sur les marques. La CJUE rappelle que si les Etats sont libres de prévoir les sanctions en cas de contrefaçon, leur action est encadrée par le principe général de proportionnalité. Or, une peine de 5 ans minimum peut s’avérer disproportionnée.

Une procédure pénale pour contrefaçon de marques est engagée en Bulgarie contre le propriétaire d’une entreprise de vente de vêtements. Les autorités bulgares ont effectué un contrôle dans un local commercial loué par l’entreprise. Elles ont constaté que les signes apposés sur les produits étaient similaires à des marques déjà enregistrées.

Le commerçant a été renvoyé devant le tribunal bulgare compétent pour utilisation des marques sans le consentement de leurs titulaires. La législation bulgare prévoit des dispositions définissant le même comportement tant comme infraction pénale que comme infraction administrative.

Ce tribunal demande à la Cour de justice des éclaircissements sur la compatibilité du droit bulgare réprimant la contrefaçon de marques avec le droit de l’Union, étant donné que les sanctions prévues sont sévères et que l’absence de critère clair et précis de qualification en tant qu’infraction pénale ou administrative conduit à des pratiques contradictoires et à un traitement inégal entre personnes ayant commis pratiquement les mêmes actes.

Le cumul entre les sanctions administratives et pénales

Le cas est de plus en plus fréquent : un même comportement peut faire l’objet de sanctions pénales et administratives. Que l’on songe à la protection du consommateur, au RGPD, à la propriété intellectuelle, etc. Il s’agit d’une évolution significative (et parfois préoccupante selon nous) du droit.

Ce double mécanisme a déjà été validé par la CJUE, qui le répète : « sous réserve du respect des principes généraux du droit de l’Union, dont le principe de proportionnalité, qui fait l’objet de la quatrième question, les États membres peuvent imposer, pour les mêmes faits, une combinaison de sanctions administratives et pénales (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 34, et du 24 juillet 2023, Lin, C‑107/23 PPU, EU:C:2023:606, point 84 ainsi que jurisprudence citée). »

Il y a toutefois une condition : la disposition pénale doit, en tant que telle, être conforme aux exigences découlant du principe de légalité des délits et des peines, qui implique, notamment, que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette exigence se trouve remplie lorsque « le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux et d’un avis juridique, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale ».

Cinq ans minimum pour une contrefaçon ?

La Cour est plus choquée par la peine pénale minimale de cinq ans : « une disposition nationale qui, en cas de contrefaçon d’une marque à plusieurs reprises ou qui entraîne des conséquences préjudiciables importantes, prévoit une peine minimale de cinq ans d’emprisonnement est contraire au droit de l’Union. »

Ce n’est pas tant la directive qui pose souci puisqu’elle ne s’applique pas en matière pénale : c’est de l’accord ADPIC/TRIPS qui lie tant l’Union que ses États membres, que ces derniers tirent le droit d’imposer une peine d’emprisonnement pour certains actes de contrefaçon de marques.

Pour la Cour, « en l’absence de législation au niveau européen, les États membres sont compétents pour déterminer la nature et le niveau des sanctions applicables. »

Oui mais … cette liberté est encadrée par les limites découlant de l’Etat de droit, dont le principe de proportionnalité :

  • Les « mesures répressives permises par une législation nationale ne doivent pas excéder les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation. La rigueur des sanctions doit être en adéquation avec la gravité des violations qu’elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif ».
  • Lorsque la réglementation nationale prévoit « un cumul de sanctions de nature pénale, tel que le cumul de sanctions pécuniaires et de peines privatives de liberté, les autorités compétentes ont l’obligation de s’assurer que la sévérité de l’ensemble des sanctions imposées n’excède pas la gravité de l’infraction constatée, sous peine de méconnaître le principe de proportionnalité ».
  • Le principe de proportionnalité « exige que, lors de la détermination de la sanction ainsi que de la fixation du montant de l’amende, il soit tenu compte des circonstances individuelles du cas d’espèce. »

Il s’ensuit, pour la CJUE, que prévoir une peine minimale de cinq ans d’emprisonnement pour l’ensemble des cas d’usage non consenti d’une marque dans la vie des affaires ne satisfait pas à cet impératif de proportionnalité en ce qu’une telle réglementation ne tient pas compte des spécificités éventuelles des circonstances de la commission de ces infractions.

Plus d’infos en lisant l’arrêt, disponible en téléchargement ci-dessous.

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