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Uber sera autorisé (mais régulé) à Bruxelles !

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Le gouvernement bruxellois vient de trancher : en modifiant son plan taxi, il va encadrer les activités d’Uber. Il préfère réguler qu’interdire. Le secteur est furieux. Pourtant, cette stratégie n’est pas dénuée de pertinence et pourrait donner des idées à d’autres villes européennes.

Le nouveau plan mobilité

Cette semaine, le gouvernement bruxellois a adopté son nouveau plan mobilité.

Signalons au passage que ce plan fait la part belle aux nouvelles technologies, notamment via l’introduction d’un taximètre numérique sécurisé, la mise au point d’une application intégrée ou l’obligation d’accepter les paiements électroniques pour toutes les courses.

C’est une petite phrase du nouveau plan qui a mis le feu aux poudres et fait réagir le secteur au quart de tour : il s’agit d’encadrer « le transport entre particuliers ».

L’arbitrage politique est donc clair : le gouvernement va cesser de lutter contre Uber et change de stratégie : réguler et encadrer plutôt qu’interdire.

Uber légal ou pas ?

Les taxis ont très mal vécu l’arrivée de ce qu’ils considèrent comme un concurrent.

À Bruxelles en particulier, ils ont reçu l’appui de l’ancien ministre de la mobilité, qui n’a jamais été avare de commentaires très acerbes sur ce service qu’elle considère comme une violation grave et caractérisée de la législation relative aux taxis. La ministre avait été jusqu’à saisir plusieurs véhicules privés de conducteurs affiliés à Uber.

Parallèlement, la principale société bruxelloise de taxis avait introduit une action judiciaire en vue d’obtenir la cessation des activités d’Uber. La société, d’origine américaine, n’a pas comparu à l’audience d’introduction et été condamné par défaut.

En avril 2014, la justice bruxelloise a dans ces conditions ordonné à la société Uber de « cesser de proposer des courses à des chauffeurs qui ne disposent pas de l’autorisation visée à l’article trois de l’ordonnance [applicable], sous peine d’une astreinte de 10.000 euros par infraction constatée. ». Par ailleurs, la même décision a ordonné la publication du jugement, aux frais d’Uber, dans trois quotidiens francophones, aussi bien dans leur édition papier que sur les sites Web.

Uber a fait opposition et un débat contradictoire est en cours.

Avec quelles chances de succès ?

Les problèmes que pose Uber sont de trois ordres :

Vis-à-vis des taxis. Le secteur craint de perdre des parts de marché. Uber se positionne à mi-chemin entre le transport en commun pas cher mais moins confortable, et le transport en taxi souvent considéré (sur le plan tarifaire) comme un produit de luxe. Le risque de perte de parts de marché est donc réel, mais ce n’est pas cela qui rend Uber illégal, sauf à entrer dans une logique de protection d’un marché difficile à défendre au niveau du droit de la concurrence. Le problème (réel) est socio-économique, pas juridique.

Vis-à-vis de l’Etat. En tant que particulier, j’ai parfaitement le droit d’embarquer mon voisin le matin, et de lui demander de participer aux frais. Le covoiturage est même encouragé au sein de certaines entreprises et par les pouvoirs publics. Le rôle d’Uber consiste à mettre en contact une offre et une demande émanant de deux particuliers, et à gérer certains aspects complémentaires telle la contribution financière. Le problème tient au fait qu’il arrive que des conducteurs d’Uber transforment ce qui doit demeurer une offre entre particuliers, en activité commerciale masquée. Exactement comme certains vendeurs particuliers sur eBay en font une activité tellement régulière et lucrative qu’elle en devient commerciale. D’où perte de taxes (TVA) et d’impôt sur le revenu. Par ailleurs, quand ce chauffeur ‘professionnel’ est un allocataire social (au chômage par exemple), la fraude fiscale se double d’une fraude sociale.

Vis-à-vis des clients. Il est important d’assurer la sécurité des voyageurs, notamment en terme d’assurance et de responsabilité en cas d’accident de la route. L’Etat ne peut pas tolérer que des chauffeurs non-assurés se livrent en cachette à une activité professionnelle non déclarée sans être dûment couverts en cas de sinistre.

                                                      oOo

On le voit, le problème n’est pas tellement Uber que ses conducteurs. D’où la question juridique centrale : peut-on agir sur l’intermédiaire pour empêcher les abus commis par les utilisateurs ?

La réponse à cette question implique de savoir, au préalable, si Uber est un « service de la société de l’information » et si oui, s’il est un des « intermédiaires » dont la responsabilité est encadrée par le cadre juridique européen sur le commerce électronique. Vu le nombre de procès en Europe et les réponses disparates, il est probable qu’un jour la Cour de justice de l’Union européenne soit chargée d’une question préjudicielle.

Encadrer ou interdire ?

Le choix entre la régulation ou l’interdiction dépend évidemment de la réponse juridique posée ci-dessus.

Mais dans l’intervalle, il s’agit aussi d’un choix politique.

Exemple : la commissaire européenne Neelie Kroes, dont on connaît le tempérament latin malgré son origine nordique, s’était à l’époque fendue d’un tweet critiquant dans des termes explicites la décision rendue par le tribunal bruxellois. L’ancienne ministre bruxelloise avait choisi son camp aussi, ce que la nouvelle majorité semble avoir fait, mais d’une autre façon.

Le problème n’est pas sans rappeler AirBnb. Là aussi, le site est sur la sellette car certains propriétaires vont trop loin et vident la maison occupée par une famille depuis des années, pour la rentabiliser plus fortement via AirBnb. Ici aussi l’Etat (ou la ville) qui se plaint car cette pratique lui fait perdre des taxes de séjour et pourrait mettre à mal sa politique de gestion des quartiers, outre la fureur des hôtels qui y voient une forme de concurrence déloyale.

Après avoir hésité longtemps, San Francisco (ville d’origine de AirBnb) a suivi le mouvement initié par d’autres villes, et décidé de réguler (Enregistrement : les habitants qui souhaitent louer leurs logements doivent s’inscrire sur un registre. Le droit d’enregistrement est de 50 dollars par an. Assurance : les habitants qui souhaitent louer leur logement doivent souscrire une assurance destinée à couvrir les risques habituels en la matière, par exemple l’incendie. Taxation : la taxe des hôtels (équivalent de notre taxe de séjour) sera due. Elle sera récoltée par Airbnb qui la reversera à la ville. Spéculation : la loi impose une limite à la location sous la forme d’un nombre de jours par an).

Bruxelles a choisi : elle régulera Uber. Nous ne serions pas étonné que passé le moment de fureur du secteur des taxis professionnels, d’autres villes suivent le mouvement…

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