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Uber prend une (nouvelle) claque : l’avocat général valide la loi française

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Pour l’avocat général, la France ne devait pas notifier préalablement à la Commission européenne la loi pénale française qui sert d’assise pour poursuivre UberPop. Pour lui, ce n’est pas une « règle technique » au sens de la directive qui oblige les Etats membres à notifier tout projet de norme impactant les produits et services de la société de l’information.

Quelques semaines après avoir rendu un avis extrêmement impactant pour UberPop, l’avocat général de la Cour européenne de justice en remet une couche.

Les faits

La société française Uber France est l’opérateur d’une plateforme électronique qui permet, à l’aide d’un smartphone muni de l’application correspondante, de commander un service de transport urbain dans les villes desservies. Dans le cadre du service UberPop, ce sont des chauffeurs particuliers non professionnels qui assurent le transport des passagers au moyen de leurs propres véhicules.

Uber France est poursuivie au pénal pour avoir organisé, via le service UberPop, un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels qui transportent des personnes à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places. Uber France soutient que la réglementation française sur la base de laquelle elle est poursuivie constitue une règle technique qui concerne directement un service de la société de l’information au sens de la directive relative aux normes et réglementations techniques.

Cette directive oblige les États membres à notifier à la Commission tout projet de loi ou de réglementation édictant des règles techniques relatives aux produits et services de la société de l’information. Or, les autorités françaises n’ont pas notifié le projet de loi à la Commission avant sa promulgation. Uber France en déduit qu’elle ne saurait donc être poursuivie pour les charges précitées.

Saisi de l’affaire, le tribunal de grande instance de Lille (France) demande à la Cour de justice si les autorités françaises étaient tenues ou non de notifier préalablement le projet de loi à la Commission.

Première hypothèse : Uber n’est pas un service de la société de l’information

L’avocat général rappelle que, conformément à ses conclusions du 11 mai 2017 dans l’affaire Uber Espagne, il estime que le service UberPop relève du domaine du transport et ne constitue ainsi pas un service de la société de l’information au sens de la directive.

Dans une telle hypothèse, la directive ne serait pas applicable et une notification du projet de loi à la Commission ne serait pas nécessaire.

Nous avons déjà analysé l’avis de l’avocat général : nous vous y renvoyons. Rappelons que la cour n’a toujours pas tranché la question, ce qui explique l’avocat général prenne la peine d’analyser la seconde hypothèse : celle dans laquelle Uber est un service de la société de l’information.

Deuxième hypothèse : Uber est pas un service de la société de l’information

Dans cette hypothèse, l’avocat général conclut que le fait d’interdire et de réprimer l’activité d’un intermédiaire tel qu’Uber dans l’exercice illégal d’une activité de transport ne constitue pas une « règle technique » au sens de la directive, si bien qu’une notification du projet de loi à la Commission ne serait pas, là encore, nécessaire.

L’avocat général rappelle à cet égard que l’obligation de notification ne s’applique, entre autres, qu’aux règles techniques qui ont pour finalité et pour objet spécifiques de réglementer de manière explicite et ciblée l’accès aux services de la société de l’information et l’exercice de ceux-ci ; en revanche, les règles qui ne concernent ces services que de manière implicite ou incidente sont exclues de l’obligation de notification.

L’avocat général considère que la réglementation française en cause en l’espèce ne concerne les services de la société de l’information que de manière incidente : en effet, bien que touchant principalement un service de la société de l’information (à savoir un système de mise en relation par voie électronique), elle vise non pas à réglementer spécifiquement ce service (ce qui serait le cas si elle interdisait ou régissait d’une autre manière l’activité de mise en relation de clients avec des prestataires de services de transport en général), mais uniquement à assurer l’effectivité des règles relatives aux services de transport (services qui ne sont pas couverts par la directive).

Ainsi, le fait que le modèle économique d’UberPop soit inconciliable avec les règles françaises sur l’activité de transport des passagers (les chauffeurs non professionnels ne disposant pas des autorisations nécessaires en droit français pour exercer l’activité de transport) n’implique pas que la réglementation en cause constitue une règle technique qui régirait les activités d’intermédiation dans le domaine des transports en général.

L’avocat général précise que, si toute disposition nationale interdisant ou sanctionnant l’intermédiation dans des activités illégales devait être considérée comme une règle technique du seul fait que cette intermédiation se ferait, le plus probablement, par voie électronique, un grand nombre de règles internes des États membres devrait être notifié à ce titre. Cela conduirait à une expansion indue de l’obligation de notification, et ce, sans réellement contribuer à la réalisation des objectifs de cette procédure, laquelle vise à prévenir l’adoption par les États membres de mesures incompatibles avec le marché intérieur et de permettre une meilleure exploitation des avantages du marché intérieur par les opérateurs économiques.

Commentaires

La première hypothèse n’appelle pas beaucoup de commentaires. Tout dépend de ce que la cour décidera : UberPop est-il oui ou non un service de la société de l’information ?

La seconde hypothèse est beaucoup plus délicate.

La directive dite « notification » exclut de son champ d’application les règles qui ne visent pas spécifiquement les services de la société de l’information. Elle précise que « une règle vise spécifiquement les services de la société de l’information lorsque, au regard de sa motivation et du contexte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifique, dans sa totalité ou dans certaines dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services. »

Le 17e considérant de la directive 98/48 (venant modifier la directive 98/34 pour y insérer « les règles relatives aux services », dans l’obligation de notification) précise que cette obligation englobe également les règles qui frappent les services de la société de l’information « même si ces règles sont incluses dans une réglementation ayant un objet plus général ».

Bien malin celui qui peut prédire le sens en lequel la cour décidera.

Il nous semble toutefois qu’elle devra se montrer plus nuancée que l’avocat général.

L’inflation de notifications ne peut pas être un motif valable d’interprétation dans un sens ou dans l’autre de la portée de la directive.

C’est qu’au-delà du caractère formel de la notification, le système permet aux États membres et à leurs opérateurs économiques, d’être informés des initiatives législatives et réglementaires prises ailleurs que dans leur État d’origine, afin de réagir si besoin s’en fait sentir. Cela ressort explicitement des articles 8 et 9 et des considérants 6 et 7 de la directive : « les États membres doivent être également informés des réglementations techniques envisagées par l’un d’entre eux » ; en outre, pour « assurer un environnement favorable à la compétitivité des entreprises (…) il importe, par conséquent, de prévoir la possibilité pour les opérateurs économiques de faire connaître leur appréciation sur l’impact des réglementations techniques nationales projetées par d’autres États membres, grâce à la publication régulière des titres des projets notifiés ainsi qu’au moyen des dispositions concernant la confidentialité de ces projets ».

Il s’agit d’une règle fondamentale en matière de régulation des services de la société de l’information.

Dans la mesure où cet objectif participe à l’effectivité des quatre libertés fondamentales du traité fondateur de l’Union européenne, le législateur européen a adopté une définition aussi large que possible : « assez logiquement, le législateur communautaire, qui souhaitait soumettre le plus grand nombre de mesures restrictives au mécanisme de contrôle préventif, a opté pour une définition particulièrement large de la notion de règle technique ».

Bref, on est ici au cœur d’un équilibre particulièrement délicat entre les valeurs fondamentales des traités, la liberté des Etats, et la pénétration permanente des nouvelles technologies dans toutes les activités économiques du pays.

Rappelons que l’enjeu est clair : la Cour de justice a, de jurisprudence constante, jugé qu’une règle adoptée en violation de cette obligation de notification est absolument inopposable aux citoyens et aux entreprises, et ne peut sortir aucun effet juridique.

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