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Uber perd son procès le plus important

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Le service de mise en relation avec des chauffeurs non professionnels fourni par Uber relève des services dans le domaine des transports, et non des services de la société de l’information. Les États membres peuvent par conséquent réglementer les conditions de prestation de ce service. Derrière Uber, c’est toute l’économie collaborative qui tremble.

Les faits

La plateforme électronique Uber fournit, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, un service rémunéré de mise en relation de chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes souhaitant effectuer des déplacements urbains.

En 2014, une association professionnelle de chauffeurs de taxi de la ville de Barcelone (Espagne) a formé un recours devant le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona (tribunal de commerce n° 3 de Barcelone, Espagne) visant à faire constater que les activités d’Uber Systems Spain, une société liée à Uber Technologies (ci-après, ensemble, « Uber »), constituent des pratiques trompeuses et des actes de concurrence déloyale. En effet, ni Uber Systems Spain ni les chauffeurs non professionnels des véhicules concernés ne disposeraient des licences et des agréments prévus par le règlement sur les services de taxi de l’agglomération de Barcelone.

Afin de vérifier si les activités d’Uber peuvent être qualifiées de déloyales et violent les règles de concurrence espagnoles, le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona estime nécessaire de vérifier si Uber doit ou non disposer d’une autorisation administrative préalable.

À cette fin, il estime nécessaire de déterminer si les services fournis par cette société doivent être regardés comme étant des services de transport, des services propres à la société de l’information ou une combinaison de ces deux types de services. En effet, de la qualification retenue dépendra la possibilité d’imposer à Uber l’obligation de disposer d’une autorisation administrative préalable. En particulier, si le service fourni par Uber relève de la directive relative aux services dans le marché intérieur ou de la directive sur le commerce électronique, les pratiques d’Uber ne pourraient pas être considérées comme déloyales.

L’arrêt rendu

Par son arrêt de ce 20 décembre 2017 (C-434/15), la Cour déclare qu’un service d’intermédiation, tel que celui en cause, qui a pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain, doit être considéré comme étant indissociablement lié à un service de transport et comme relevant dès lors de la qualification de « service dans le domaine des transports » au sens du droit de l’Union. Un tel service doit par conséquent être exclu du champ d’application de la libre prestation des services en général ainsi que de la directive relative aux services dans le marché intérieur et de la directive sur le commerce électronique.

Il s’ensuit que, en l’état actuel du droit de l’Union, il revient aux États membres de réglementer les conditions de prestation de tels services dans le respect des règles générales du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La Cour considère tout d’abord que le service fourni par Uber ne se résume pas à un service d’intermédiation consistant à mettre en relation, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, un chauffeur non professionnel utilisant son propre véhicule et une personne qui souhaite effectuer un déplacement urbain. En effet, dans cette situation, le fournisseur de ce service d’intermédiation crée en même temps une offre de services de transport urbain, qu’il rend accessible notamment par des outils informatiques et dont il organise le fonctionnement général en faveur des personnes désireuses de recourir à cette offre aux fins d’un déplacement urbain. La Cour relève à cet égard que l’application fournie par Uber est indispensable tant pour les chauffeurs que pour les personnes désireuses d’effectuer un déplacement urbain. Elle souligne également qu’Uber exerce aussi une influence décisive sur les conditions de la prestation des chauffeurs.

Par conséquent, la Cour estime que ce service d’intermédiation doit être considéré comme faisant partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service de transport et, partant, comme répondant à la qualification non pas de « service de la société de l’information », mais de « service dans le domaine des transports ».

La Cour déclare que, en conséquence, la directive sur le commerce électronique n’est pas applicable à un tel service, lequel est aussi exclu du champ d’application de la directive relative aux services dans le marché intérieur. Pour la même raison, le service en question relève non pas de la libre prestation des services en général, mais de la politique commune des transports. Or, les services de transport urbain non collectif ainsi que les services qui leur sont indissociablement liés, tels que le service d’intermédiation fourni par Uber, n’ont pas donné lieu à l’adoption de règles sur le fondement de cette politique.

Commentaires

La Cour s’est alignée sur l’avis de l’avocat général.

Celui-ci avait relevé que qu’Uber est un service mixte : une partie est réalisée par voie électronique (la réservation, l’approche, le paiement), et l’autre non (le trajet proprement dit).

Or, pour l’avocat général un service mixte peut relever du concept de « service de la société de l’information » lorsque :

  • la prestation qui n’est pas fournie par voie électronique est économiquement indépendante de celle fournie par cette voie (tel est le cas, notamment, des plateformes d’intermédiation pour l’achat des billets d’avion ou pour la réservation des hôtels) ou
  • le prestataire fournit l’intégralité du service (c’est-à-dire tant la partie du service fournie par voie électronique que celle fournie par voie non-électronique) ou exerce une influence décisive sur les conditions de la prestation de ce dernier, de sorte que les deux services forment un tout indissociable, à condition que l’élément principal (voire l’ensemble des éléments essentiels de la transaction) soit accompli par voie électronique (tel est le cas, par exemple, de la vente de biens en ligne).

Selon l’avocat général, aucune de ces deux conditions n’est remplie par le service offert par Uber.

L’avocat général observe que les chauffeurs qui roulent dans le cadre de la plateforme Uber n’exercent pas une activité propre qui existerait indépendamment de cette plateforme. Au contraire, cette activité ne peut exister que par l’intermédiaire de la plateforme, sans laquelle elle n’aurait aucun sens. L’avocat général remarque également qu’Uber contrôle les facteurs économiquement importants du service de transport urbain offert dans le cadre de cette plateforme.

Quel impact sur l’économie collaborative ?

Ironie de l’histoire : Uber pourrait entraîner dans sa chute une partie significative de l’économie collaborative. C’est en effet l’ensemble des « services mixtes » qui se mettent à trembler ! Ceux qui pourfendaient Uber adoucissent quelque peu leur discours face aux enjeux économiques et sociétaux.

Droit & Technologies

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