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Uber entrainera-t-elle l’économie collaborative dans sa chute ?

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Ironie de l’histoire : si la justice européenne fait chuter Uber en Europe, celle-ci pourrait entraîner dans sa chute une partie significative de l’économie collaborative. C’est en effet l’ensemble des « services mixtes » qui se mettent à trembler ! Ceux qui pourfendaient Uber adoucissent quelque peu leur discours face aux enjeux économiques et sociétaux.

Nous nous sommes déjà intéressés aux conclusions de l’Avocat général européen dans le dossier Uber : celles-ci sont assez inquiétantes pour l’avenir d’Uber en Europe. Il considère que, tout en étant un concept innovant, Uber relève du domaine du transport, et non des services de la société de l’information. Uber peut, à ce titre, être obligée de posséder les licences taxis requises par le droit national.(notre actu précédente)

Le cas soumis à la Cour vise les services d’Uber à Barcelone, et plus particulièrement le transport effectué par des chauffeurs non professionnels. Une organisation de taxis s’est plainte d’actes de concurrence déloyale, et l’affaire a terminé à Luxembourg devant la justice européenne.

Pour l’Avocat général, tout dépend de la question suivante : Uber doit-elle être qualifiée de « service de la société de l’information », au sens de la directive e-commerce ?

Dans l’affirmative, Uber bénéficie du principe de libre prestation des services qui lui permet d’échapper en bonne partie au droit local. Une réponse négative permet, au contraire, aux autorités locales d’imposer pleinement leur loi. Et, pour l’Avocat général, la réponse est résolument négative.

Il rappelle qu’Uber est un service dit « mixte » : une partie est réalisée par voie électronique (la mise en relation, le paiement, le suivi, etc.) et l’autre non (le transport proprement dit).

La question reformulée devient donc : à partir de quand un service mixte est-il assimilé à un service de la société de l’information ?

Selon l’Avocat général, le service mixte sera un « service de la société de l’information » uniquement dans les cas suivants :

  • La partie du service non fournie par voie électronique est économiquement indépendante du service fourni par voie électronique : elle ne dépend pas du service fourni par voie électronique pour être prestée (ce sera le cas par exemple pour les plateformes de réservation d’hôtels : l’hôtel continue à proposer ses services avec ou sans la plateforme intermédiaire). Dans cette hypothèse, la partie fournie par voie électronique pourra être qualifiée de service de la société de l’information.
  • Les différentes composantes du services mixte forment un tout indissociable et ne peuvent se concevoir l’une sans l’autre. Dans ce cas, c’est l’élément principal du service mixte, c’est-à-dire celui qui donne son sens économique au service, qui doit emporter ou non la qualification de l’ensemble du service en « service de la société de l’information ».

Pour l’Avocat général, Uber exerce un influence telle sur les chauffeurs, que les services prestés hors ligne ne peuvent se concevoir sans la plateforme (Uber détermine les prix, impose les conditions de l’accès à la plateforme, contrôle indirectement les chauffeurs, pouvant même aller jusqu’à les expulser, etc.).

Pour l’Avocat général, l’élément principal du service d’Uber est la composante non électronique, à savoir le service de transport. Il estime que les utilisateurs, via Uber, ne recherchent les chauffeurs que dans un seul but : celui d’être transportés d’un point A à un point B. Il en conclut qu’il s’agit là de la prestation principale qui donne son sens économique à l’ensemble du service. Uber relève donc, pour l’ensemble de son service, du domaine du transport et n’est, à ce titre, pas un « service de la société de l’information ».

Il découle de cette interprétation qu’Uber n’est donc pas régie par le principe de la libre prestation des services bénéficiant aux « services de la société de l’information ». Elle peut donc être soumise aux conditions locales pour pouvoir offrir ses prestations de transport urbain.

Si la Cour de Justice adopte une position similaire, c’est tout le secteur naissant des plateformes dites « collaboratives », mêlant services physique et électroniques, qui pourrait devoir être repensé et redéfini.

C’est donc le sort d’Uber en Europe qui est entre les mains de la Cour, mais aussi le sort d’une partie significative de l’économie dite collaborative  dans laquelle une plateforme électronique met en relation une offre et une demande qui se déroulent, eux, dans le monde réel.

La Cour suit souvent l’avis de son avocat général, mais n’y a pas tenue.

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