Twitter deviendra-t-il un enjeu lors des grèves et mouvements sociaux ?
Publié le 28/11/2013 par Etienne Wery
A l’occasion d’une grève locale impopulaire à Bruxelles, le rôle de Twitter comme outil de communication et de pression sur les grévistes a pu être démontré. D’habitude, ce sont les grévistes qui bénéficient de l’aide des réseaux. Ici, les pouvoirs publics ont découvert la puissance de Twitter face à un mouvement impopulaire. Les réseaux sociaux seront-ils le prochain enjeu des grèves et mouvements sociaux ?
Saviez-vous que la ville de Bruxelles a décidé récemment d’imposer un compteur numérique à tous les taxis ?
Vous me direz que cette information ne change pas votre vie, et vous avez probablement raison.
Cela étant, à l’occasion d’une grève locale causée par ce changement, le rôle de Twitter dans les mouvements sociaux s’est manifesté de façon très claire.
Les faits
Les faits sont relativement simples. Le gouvernement bruxellois a adopté une nouvelle réglementation qui impose à tous les taxis de remplacer leur ancien taximètre par un compteur numérique.
Pour le gouvernement, les avantages sont multiples : moins de paperasserie, systématisation du paiement par carte avec émission automatique d’un reçu, meilleure gestion pour l’exploitant du taxi, et diminution des risques de fraude.
La grève
Cela représente toutefois un investissement de l’ordre de 1500 à 2500 € par taxi, ce qui a amené un petit nombre d’entre eux à s’opposer à la nouvelle réglementation.
N’obtenant pas satisfaction, cette minorité a décidé de bloquer la ville. Avec moins de 250 voitures, ils ont réussi l’exploit de bousculer la vie d’un million d’habitants pendant une journée. Un mouvement très impopulaire, d’autant qu’il était critiqué par la majorité des taxis. Même le prof de gym de Monique est arrivé en retard à cause de cela. (private joke)
C’est ici que Twitter entre en jeu.
La ministre bruxelloise responsable des transports est également responsable de l’informatique locale, et bien connue pour apprécier les nouveaux outils de communication.
Rien d’étonnant dès lors à ce que dans les semaines et les mois qui ont précédé l’introduction de la nouvelle réglementation, elle ait utilisé les canaux sociaux pour promouvoir son initiative. Elle a d’ailleurs créé le #taxibru destiné à soutenir son projet.
On a vu ci-dessus que la grève a été provoquée par une minorité de taxis et était largement impopulaire.
Qu’a-t-on dès lors vu le jour de la grève ?
Une recrudescence des consultations de #taxibru avec un nombre important d’utilisateurs qui ont exprimé par ce canal leur ras-le-bol devant ce qu’ils considéraient comme un abus du droit de grève.
La grève virtuelle aura-t-elle lieu ?
Le mouvement de grève qui devait durer jusqu’au finish a fini comme un pétard mouillé : les grévistes ont mesuré toute l’impopularité de leur initiative, ce qui a permis aux pouvoirs publics de durcir le ton et de les déloger par la force si nécessaire. Le gouvernement était sur du velours : il pouvait sentir de façon presque palpable, via Twitter notamment, que la population le soutenait pleinement.
À l’occasion de cet événement relativement local, on observe donc un phénomène relativement neuf.
Que les réseaux sociaux et les nouvelles technologies soient utilisés dans le milieu syndical, est un phénomène bien connu. Plusieurs juges ont d’ailleurs eu à s’exprimer sur la légalité du procédé, notamment lorsque les outils et l’infrastructure technique de l’entreprise sont utilisés pour cette communication.
Tout autre chose est la situation de la direction ou des pouvoirs publics qui sont traditionnellement plus frileux dans l’utilisation des nouvelles technologies comme moyen de pression sur les grévistes.
Or, la grève des taxis bruxellois montre qu’une communication bien préparée et bien gérée peut faire pression sur les grévistes lorsque le mouvement est impopulaire, et qu’à ce niveau Twitter est un rêve absolu pour les communicants : il permet à la fois une communication dans l’instant, et la manifestation en quelques mots du ras-le-bol des usagers.
En l’espèce, cerise sur le gateau, ce ras-le-bol s’est exprimé principalement via le #taxibru, qui est le canal officiel du projet de la ministre! Un vrai rêve de communication politique.
De là à voir demain la direction où les pouvoirs publics confrontés à un mouvement de grève impopulaire, utiliser massivement les réseaux sociaux, il y a évidemment un pas.
Le risque est réel : une communication mal maîtrisée peut faire plus de tort que de bien. La banque JP Morgan l’a encore récemment appris à ses dépens. Lorsqu’elle a voulu redorer son blason via les réseaux sociaux, cette initiative mal conçue s’est retournée contre elle : en quelques heures, la population a retourné la campagne de publicité et l’a utilisée pour exprimer parfois agressivement ses sentiments à l’égard des riches banquiers qui ont provoqué une crise financière mondiale dont la population souffre encore aujourd’hui…
Il n’empêche que l’affaire de taxis bruxellois montre très clairement la puissance de Twitter dans les situations d’urgence impactant fortement la population, tel une grève. Et cette puissance peut être utilisée non seulement par les grévistes, mais aussi par la direction ou les pouvoirs publics. A méditer …