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TVA et commerce électronique : quelles règles appliquer ?

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Depuis le Conseil européen ECOFIN du 6 juillet 1998 et la Conférence de l’OCDE d’Ottawa des 7 et 8 octobre 1998, un consensus politique existe au niveau international quant à la nécessité d’une révision des règles fiscales existantes face au développement des réseaux numériques et des transactions en ligne (voir notre chronique Quelle fiscalité sur…

Depuis le Conseil européen ECOFIN du 6 juillet 1998 et la Conférence de l’OCDE d’Ottawa des 7 et 8 octobre 1998, un consensus politique existe au niveau international quant à la nécessité d’une révision des règles fiscales existantes face au développement des réseaux numériques et des transactions en ligne (voir notre chronique Quelle fiscalité sur Internet ?).

Dans le cadre de la présente chronique, nous examinerons l’application de la TVA au commerce électronique et les projets de réforme en cours. Nous consacrerons de prochaines chroniques à l’analyse des autres domaines de la fiscalité du commerce électronique.

Livraison de biens commandés en ligne

Le système de la TVA, uniformisé au niveau communautaire, repose sur une distinction fondamentale entre les livraisons de biens et les prestations de services.

Lorsque la transaction électronique se limite à passer commande d’un produit qui fera l’objet d’une livraison physique (par exemple un CD), il s’agira d’une livraison de biens « classique », soumise aux règles habituelles de localisation pour la perception de la TVA .

Sans entrer dans les détails, la TVA est due à chaque fois que la livraison a lieu sur le territoire de l’Union européenne. Dans les relations intracommunautaires, les achats effectués par des assujettis à la TVA sont en principe soumis à un régime de report.

Le consommateur particulier acquitte généralement la TVA dans le pays d’achat, mais les fournisseurs étrangers qui effectuent des livraisons en faveur de particuliers, et au-delà d’un certain montant annuel, sont soumis à une règle spéciale en vertu de laquelle la TVA imputée est celle de l’Etat membre du consommateur (ventes à distance).

Pour les importations en provenance de pays tiers, la règle générale prévoit le paiement de la TVA au moment de l’introduction des biens sur le territoire de l’Union européenne.

Prestations de services en ligne

Lorsque la transaction est totalement dématérialisée, par exemple lorsqu’un livre, un disque ou un logiciel est directement téléchargé sur l’ordinateur du client, la qualification s’avère plus délicate.

Une première approche serait de considérer que la qualification de l’opération doit dépendre de la « cause » réelle du contrat dans l’intention commune des parties. Ainsi, le consommateur qui achète un CD sur support physique ou le télécharge contre paiement dans sa version numérisée entend « acquérir » le même bien.

De surcroît, de nombreux sites marchands permettent d’obtenir livraison d’un CD ou d’un CD-Rom en tant que copie de sauvegarde d’un fichier téléchargé, parfois contre paiement d’une somme supplémentaire.

Ce faisant, l’acheteur a d’autant plus la conviction qu’il achète le même bien, mais livré sur des supports différents.

Toutefois, les instances européennes (la Commission et le Conseil), s’inspirant de la position de l’administration française en matière de fourniture de logiciels, ont clairement opté pour la qualification de prestation de services dès lors que l’opération porte sur la livraison de biens dématérialisés.

En matière de droit d’auteur, où le même problème s’était posé en ce qui concerne la question de l’épuisement communautaire, cette interprétation a été également consacrée dans la directive sur la protection des bases de données ainsi que dans la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (voir à ce sujet notre chronique, https://www.droit-technologie.org/fr/1_/dossier/?actu_id=429&motcle=auteur&mode=motamot » target= »_blank »> « Droit d’auteur et société de l’information : une synthèse »).

Les conséquences au regard du taux de TVA sont importantes. Ainsi, le taux applicable à l’acquisition d’un livre électronique par voie de téléchargement sera très supérieur à celui dont bénéficie la vente d’un livre sur support imprimé.

La position européenne s’avère donc discriminatoire à l’égard du commerce électronique de biens digitalisés.

Prestations de conception et d’hébergement de sites web

La règle de principe en matière de TVA applicable aux prestations de services est l’imposition au lieu d’établissement du prestataire (article 9 § 1 de la sixième directive TVA).

Cette règle par défaut ne s’applique pas aux cessions de biens dématérialisés. Ces prestations font partie de la liste spécifique de l’article 9 § 2, e) de la sixième directive énumérant les prestations de services pour lesquelles l’imposition a lieu dans l’Etat du preneur de services (à savoir « l’acheteur » des biens digitalisés).

Par contre, la règle de l’article 9 § 1 s’applique aux prestations de conception de sites web (« webdesign ») et d’hébergement (« webhosting »).

Cette localisation au siège de l’activité économique du prestataire est de nature à créer d’importantes distorsions de concurrence. En effet, la TVA communautaire ne sera pas due si le preneur du service contracte avec une entreprise établie en dehors de l’Union européenne.

Ainsi, si un bénéficiaire belge ou français fait appel à une société américaine pour la conception d’un site web, la TVA ne sera pas due, tandis que, si une société belge ou française contracte avec une société allemande, elle recevra une facture mentionnant la TVA allemande, qu’il ne pourra récupérer que moyennant le respect de la procédure de remboursement (longue et fastidieuse) prévue par les articles 3 et suivants de la huitième directive TVA.

Les règles actuelles favorisent donc les entreprises d’outre-Atlantique au détriment des sociétés établies dans l’Union européenne, et préjudicient par voie de conséquence le budget des États-membres ainsi que les ressources communautaires constituées à 44 % des recettes TVA.

Les propositions de réforme de la Commission européenne

Le 7 juin 2000, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement modifiant le règlement n° 218/92 du Conseil sur la coopération administrative dans le domaine des impôts indirects, ainsi qu’une proposition de directive modifiant la directive 388/77/CEE concernant le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable à certains services fournis par voie électronique ( documents disponibles sur le site de la Commission européenne).

L’objectif de la Commission est double : d’une part, il s’agit de mettre un terme aux discriminations frappant le commerce électronique en matière de TVA, conformément au principe de neutralité et de non discrimination affirmé lors de la Conférence ministérielle de l’OCDE tenue en octobre 1998 à Ottawa, et d’autre part, de mettre en place des mesures de facilitation et de simplification destinées à réduire autant que possible les formalités administratives à charge des entreprises.

La proposition de directive concerne pour l’essentiel la fourniture, par le biais de réseaux électroniques (livraison numérique), de logiciels, de services informatiques, de conception de sites web, ainsi que de services d’information, culturels, artistiques, sportifs, scientifiques, éducatifs, récréatifs ou analogues.

Elle ne concerne donc pas les produits achetés par voie électronique mais livrés par les canaux physiques traditionnels (par exemple un CD-ROM ou un DVD-ROM).

A l’instar de la réforme intervenue en 1997 en matière de TVA applicable aux services de télécommunication, la Commission propose que les services précités fournis par voie électronique soient considérés pour les besoins de la TVA comme localisés dans l’Union européenne lorsqu’ils sont fournis par un assujetti établi en dehors de l’Union européenne en faveur de preneurs établis dans l’Union européenne.

Si le preneur est un assujetti, il sera le redevable de la taxe (application du mécanisme de l’auto-liquidation). Si, en revanche, le preneur n’est pas un assujetti, le redevable serait le prestataire établi en dehors de l’Union européenne, lequel serait tenu de se faire identifier aux fins de la TVA dans un seul Etat membre pour s’acquitter de son obligation en tant que redevable de la taxe.

Même si elle présente l’avantage indéniable de la simplification, pareille proposition risque d’entraîner un certain forum shopping au sein même de l’Union européenne, et de créer une concurrence fiscale entre États membres. En effet, une entreprise nord-américaine aura tout intérêt à s’identifier au Luxembourg ou à Madère, dont les taux sont les plus bas d’Europe…

Cette obligation d’identification unique serait toutefois levée lorsque les assujettis extra-communautaires non-résidents n’assurent pas d’autres prestations dans l’Union européenne et que leur chiffre d’affaires annuel localisable dans l’Union ne dépasse pas 100.000 euros.

Par ailleurs au regard de la TVA, le prestataire de services établi en dehors d’Union européenne a l’obligation de vérifier le statut attribué au client.

Toutefois, selon la proposition de directive, lorsque ce prestataire non-résident « a agi avec toute la diligence normalement de mise dans la pratique commerciale d’un secteur déterminé et a vérifié sur la base d’un ensemble cohérent de données provenant d’une source indépendante (…) que le preneur est un assujetti établi dans la Communauté, la taxe est due par le destinataire de la prestation de services ».

Pour permettre cette vérification du statut, la proposition de modification du règlement 218/92 prévoit que les personnes concernées par des livraisons de biens ou des prestations de services intracommunautaires pourront obtenir une confirmation de la validité du numéro d’identification TVA par voie électronique (en ligne et en temps réel).

Les discussions en cours au sein de l’OCDE

En février 2001, le Comité des affaires fiscales de l’OCDE a approuvé un rapport contenant une série de propositions en vue d’une réforme du régime des impôts sur la consommation dans le cadre du commerce électronique transfrontalier.

Ce rapport a été soumis à consultation publique. Les travaux devraient se poursuivre jusqu’au moins 2003.

En substance, le Comité des affaires fiscales préconise les principes directeurs suivants:

  1. L’imposition doit avoir lieu dans le pays de consommation, afin de prévenir une double imposition ou une non-imposition involontaire lorsque deux pays appliquent des règles incompatibles concernant le lieu d’imposition (le principe de l’imposition à la source et au lieu de destination). En ce qui concerne les « services immatériels » (produits téléchargés ou fournis électroniquement), le Comité préconise que, dans le commerce B to B (transactions entre entreprises), ils soient considérés comme consommés là où le destinataire a établi sa présence commerciale. Dans les transactions B to C (entre entreprises et consommateurs), le Comité estime souhaitable que le lieu de consommation soit assimilé au lieu de résidence habituel du client. Toutefois, un problème existe en ce qui concerne la vérification par le fournisseur de la réalité du domicile déclaré par le consommateur (souvent via un formulaire de commande en ligne). Selon le Comité, à terme, la seule solution sûre passe par le recours aux certificats numériques, du type de ceux reconnus par la directive européenne sur les signatures électroniques. En effet, seuls ces certificats sont à même, en l’état actuel de la technique, d’identifier de manière certaine un client. Ce souci de vérification à des fins fiscales se heurte toutefois à des préoccupations, au moins aussi légitimes, relatives au respect de la vie privée des internautes….

  2. Au niveau du recouvrement, une distinction est à nouveau opérée entre le commerce électronique B to B et B to C. En ce qui concerne les transactions électroniques entre entreprises, il est recommandé d’appliquer un modèle d’auto-évaluation/auto-liquidation : les destinataires seraient tenus de déterminer l’impôt dû sur les importations de services et de biens incorporels et de remettre la somme correspondante aux autorités fiscales nationales. S’agissant des transactions entre entreprises et consommateurs, le Comité recommande d’utiliser à court terme un système d’enregistrement simplifié pour les fournisseurs non-résidents : l’enregistrement aurait lieu par voie électronique et ne porterait que sur des données de base (le nom, l’adresse et la nature de l’activité). Selon une telle procédure, le fournisseur serait redevable de l’impôt. La récupération de l’impôt versé en amont ne serait pas possible, sauf si le fournisseur opte pour un enregistrement normal complet. A moyen et long terme, le Comité des affaires fiscales n’exclut toutefois pas le recours à des solutions fondées sur les nouvelles technologies (par exemple utilisation de logiciels inviolables qui calculeraient automatiquement l’impôt dû et le remettraient au pays de destination via un intermédiaire financier ou un tiers de confiance).

Vers une facturation électronique ?

La modernisation du cadre juridique de la TVA ne serait pas complète si la possibilité de facturation électronique était laissée de côté.

La facturation est en effet au centre du système communautaire de la taxe sur la valeur ajoutée puisqu’elle remplit trois fonctions essentielles : elle contient les informations relatives au régime de la TVA applicable, elle permet à l’administration fiscale d’exercer son contrôle et au client de justifier le cas échéant son droit à déduction.

La notion de facturation électronique est absente de la sixième directive TVA, qui constitue le siège de la matière. Toutefois, le point c) de l’article 22 § 3 permet l’acceptation par les Etats membres de ce type de factures. Il n’existe donc pas de cadre juridique communautaire harmonisé en la matière, et les législations des Etats membres sont très diversifiées, allant de l’interdiction totale à la plus grande flexibilité.

Ainsi, en Belgique, une disposition a été insérée fin 1992 dans le Code de la TVA, qui habilite le Roi à fixer les conditions auxquelles la délivrance matérielle d’une facture peut être remplacée par la transmission des données de la facture « par une procédure utilisant les techniques de la télématique » (art. 53octies, §1, al.2 C.T.V.A).

Aucun arrêté royal n’a été pris à ce jour, mais l’administration fiscale a mis au point un système d’autorisation au cas par cas (  » Exigences en matière de facturation électronique » du 29 novembre 1999).

C’est notamment pour harmoniser les conditions imposées à la facturation électronique que la Commission a publié le 17 novembre 2000 une proposition de directive « modifiant la directive 77/388/CEE en vue de simplifier, moderniser et harmoniser les conditions imposées à la facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée ».

En substance, la Commission propose que les factures électroniques soient reconnues dès lors qu’elles sont assorties d’une « signature électronique avancée » au sens de la directive européenne sur les signatures électroniques (sur cette notion voir notre chronique « Quelle est la valeur juridique des contrats en ligne ? », sur Juriscom.net
). En l’état actuel de la technique, l’utilisation de la signature digitale sera donc suffisante, à l’exclusion de toute certification électronique, et sans que les administrations fiscales ne puissent soumettre la facturation électronique à aucune formalité préalable.

Ainsi, si la proposition de la Commission est adoptée, la facture électronique sera en réalité plus fiable que la facture sur support papier puisque celle-ci ne doit pas être signée pour être valable…

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