TVA du commerce électronique : les règles changent le 1er janvier
Publié le 10/12/2014 par Etienne Wery
Le 1er janvier 2015 entre en vigueur le dernier volet du nouveau paquet TVA. Cette fois, ce sont les services en ligne qui sont touchés : dorénavant la TVA sera due dans le pays du client. De quoi mettre un frein à certains abus ?
Si vous faites partie de ceux qui achètent régulièrement des services électroniques en ligne, vous aurez probablement remarqué que votre facture arrive souvent au nom d’une société située dans un pays dans lequel le taux de TVA est faible. Le Grand-Duché de Luxembourg par exemple, bien connu pour être l’un des plus généreux en la matière.
L’ancien système
L’intervention d’une société luxembourgeoise est une des conséquences directes de l’ancien système TVA, dans lequel la TVA s’applique dans le pays du distributeur, aussi bien pour les produits en dur (chaussures, livres, etc.) que pour les services électroniques (fichier musical, livre électronique, etc.) :
- Quand l’opération porte sur un produit en dur, il est difficile de délocaliser l’ensemble de la chaine (fabrication, distribution, logistique d’envoi, etc.) pour des questions exclusivement fiscales. Il y a donc moins de tentation ;
- Par contre, pour les services électroniques, il est très simple d’organiser le groupe de sociétés de telle manière que même si les services techniques et commerciaux sont situés dans un pays A, la vente soit juridiquement faite (et facturée) par une société établie dans un pays B proposant un taux de TVA faible. D’où une tentation très forte de délocaliser.
Pourquoi changer ?
Deux raisons principales ont amené les autorités européennes à changer le système applicable aux services électroniques.
- La première raison est économique. Si un livre électronique coûte 10 € HTVA, il revenait à 12,00 € TVAC s’il était vendu à partir d’un pays dans lequel taux de TVA et de 20 %. Par contre, il en coûtait 11 € TVAC s’il était vendu à partir d’un pays dans lequel taux de TVA est de 10 %. S’agissant du commerce électronique dans lequel on change de fournisseur moyennant un clic, qui serait assez fou de payer 1 euro en plus s’il peut obtenir le même livre moins cher sur un autre site ? La concurrence était donc faussée au profit de ceux qui ont la taille de s’offrir des conseils en vue de l’optimisation fiscale de leurs opérations.
- La seconde raison est fiscale. Plusieurs pays européens ne supportaient plus de voir échapper une manne fiscale au profit de pays européens plus cléments, dans lesquels 5 employés à peine gèrent une base de facturation de centaines de milliers de clients, alors que eux doivent construire des routes, financer des écoles et créer des hôpitaux pour prendre soin des 500 employés du centre opérationnel et technique qui assure l’essentiel des opérations. Le ministre de Finances du Grand-Duché de Luxembourg a ainsi eu le don d’énerver au plus haut point un certain nombre de collègues européens. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le dernier volet de la réforme entamée en 2010 n’entre en vigueur qu’en 2015, le Luxembourg ayant insisté et obtenu une entrée en vigueur étalée dans le temps.
Le changement à partir du 1er janvier 2015
A partir du 1er janvier 2015, la TVA s’appliquera dans le pays du client pour ce qui concerne les services électroniques. Sont visés :
· Services électroniques : services fournis sur Internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information. Sont par exemple visés : les informations sur le trafic et sur les conditions météorologiques en ligne, l’abonnement à des journaux et à des périodiques en ligne, les services de stockage de données en ligne, l’accès au téléchargement de logiciel, l’utilisation de moteurs de recherche, les jeux en ligne…
· Services de télécommunications : services ayant pour objet la transmission, émission et réception de signaux, écrits, images et sons ou informations de toute nature, par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques, y compris la cession et concession d’un droit d’utilisation de moyens pour une telle transmission, émission ou réception. Sont par exemple visés les services de téléphonie, d’accès à internet, voicemail…
· Services de radiodiffusion et de télévision : services consistant en la fourniture de contenus audio et audiovisuels, tels les programmes de radio ou de télévision qui sont sous la responsabilité éditoriale d’un fournisseur de services de médias sur la base d’une grille de programmes via des réseaux de communication qui sont fournis au grand public pour le visionnage ou l’écoute simultanés
La Commission européenne explique le changement comme suit : « À partir du 1er janvier 2015, les services de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision et les services électroniques seront toujours taxés dans le pays du client, indépendamment du fait que le client soit une entreprise ou un particulier et indépendamment du fait que le prestataire soit établi dans ou hors de l’UE.
Le pays du client signifie (i) pour une entreprise (personne assujettie à la TVA) : soit le pays où elle est immatriculée, soit le pays où elle a un établissement stable bénéficiaire du service ; (ii) pour un particulier (personne non assujettie à la TVA) : le pays où il est établi, ou a son domicile ou sa résidence habituelle. »
Un système parfait?
Le but du système est clairement de minimiser autant que possible les structures optimisées fiscalement.
Pour le dire autrement et de façon moins politiquement correcte : puisque les états européens ont été incapables de s’entendre sur un taux de TVA harmonisé, ils ont fermé une porte qui permettait aux entreprises de payer moins de TVA. Savoir si c’est un progrès ou non dépend essentiellement des convictions politiques de chacun. Il reste que ce système est clairement une façon de masquer un échec (il eut été tellement plus fort, symboliquement et économiquement, d’harmoniser les taux au sein de l’union européenne).
Par ailleurs, on l’oublie parfois, mais la concurrence fiscale ne doit pas être vue que sous le prisme déformant des abus qui peuvent en découler. Cette concurrence, comme toute forme de concurrence, a tendance à tirer le prix vers le bas et la qualité vers le haut. Appliqué à la fiscalité, cela signifie que les Etats mis en concurrence sont forcés d’offrir le meilleur service possible à leurs citoyens et entreprises, au prix (l’impôt) le plus bas possible. Si France Telecom n’avait pas été mis en concurrence dans les années 90, on paierait notre abonnement téléphonique trois fois plus cher qu’aujourd’hui. Il en va de même en matière fiscale. Si toute concurrence disparaît entre les Etats dans une Union européenne qui n’est pourtant pas harmonisée totalement, ceux-ci n’auront plus aucun incitant à bien gérer l’impôt. Le service que les citoyens et les entreprises recevront en échange de l’impôt risque alors de coûter, proportionnellement, plus cher.
Concrètement, pour l’acheteur
Pour l’acheteur Français, cela signifie concrètement que le prix qu’il verra s’afficher ne sera pas nécessairement le même que celui qui s’affichera pour son cousin qui vit à Bruxelles ou à Londres. En effet, les taux TVA ne sont pas harmonisés.
En outre, même s’il n’achète pas, il devra déclarer son lieu de résidence pour que s’affiche le prix TVAC, ce qui peut poser problème par rapport aux données à caractère personnel.
Enfin, cela signifiera une hausse du prix TVAC payé par ceux qui vivent dans des pays dans lesquels le taux TVA est élevé. Le prix HTVA reste le même, seule la TVA augmente.
Concrètement, pour le vendeur
C’est pour le vendeur que la situation est la plus complexe.
D’une part, il lui faudra gérer des taux de TVA distincts, ce qui n’est pas facile, surtout pour les petites sociétés. Pour une ou deux vente en Lituanie, le vendeur devra s’intéresser au taux de TVA applicable dans ce pays-là. Voilà qui n’est pas très stimulant pour le grand marché européen.
Le vendeur devra également conserver des traces de preuve permettant de justifier la localisation de l’opération en fonction de son client, ce qui peut s’avérer problématique sur le plan informatique mais aussi administratif.
Enfin, le système impose des démarches administratives supplémentaires puisque le vendeur devra effectuer des déclarations TVA dans chacun des Etats dans lesquels au moins une vente a eu lieu. Certes, un système européen de Mini One Stop Shop (MOSS) a été mis en place, en vue de permettre une déclaration globale en un seul endroit, mais il n’empêche que cela constitue une démarche de plus et que le MOSS ne peut pas être toujours utilisé.
Plus d’infos ?
En consultant la page spéciale mise en ligne par la commission européenne.