Tinder va devoir (mieux) expliquer les différences de prix entre utilisateurs

Publié le 10/03/2024 par Etienne Wery 1192 vues

Tinder, tout le monde connait ou en a entendu parler. La plateforme de rencontre a permis à de nombreux couples de se rencontrer, et aux âmes seules de trouver de la compagnie. Une enquête suédoise a établi que la plateforme pratiquait une personnalisation poussée du prix, sans explication ni tendance claire. Tinder s’est engagée à modifier les choses.

Quel est le modèle économique ?

Le modèle économique de Tinder repose principalement sur trois éléments :

1. Abonnements payants : Tinder offre un service de base gratuit, mais propose également des abonnements payants, tels que Tinder Plus et Tinder Gold. Ces abonnements offrent des fonctionnalités supplémentaires telles que des likes illimités, la possibilité de rembobiner un swipe, des Super Likes supplémentaires, la visualisation des personnes qui vous ont déjà swipé vers la droite, etc.
2. Publicités : Tinder affiche des publicités à ses utilisateurs. Les annonceurs paient pour diffuser leurs annonces sur la plateforme, en ciblant généralement des utilisateurs en fonction de leurs préférences et de leurs habitudes de navigation.
3. Fonctionnalités premium : En plus des abonnements payants, Tinder propose des fonctionnalités supplémentaires à acheter à la carte. Par exemple, la possibilité d’envoyer des Super Likes supplémentaires ou de participer à des événements spéciaux.

Les fonctionnalités premium

Les fonctionnalités premium ont attiré l’attention des régulateurs qui ont constaté d’étonnantes disparités dans les prix au sein de l’UE.

Voici quelques exemples de ces fonctionnalités :

1. Likes illimités : Les utilisateurs gratuits sont limités dans le nombre de likes qu’ils peuvent envoyer chaque jour. Avec un abonnement premium, les utilisateurs peuvent envoyer des likes sans restriction, ce qui augmente leurs chances de trouver des correspondances.
2. Rewind : Cette fonctionnalité permet aux utilisateurs de revenir en arrière et de réviser un swipe précédent. Cela peut être utile si un utilisateur a accidentellement rejeté une personne qu’il souhaitait en fait liker.
3. Super Likes supplémentaires : Les Super Likes sont une façon de montrer à quelqu’un que vous êtes particulièrement intéressé par lui. Avec un abonnement premium, les utilisateurs ont souvent un nombre plus élevé de Super Likes à envoyer chaque jour.
4. Passport : Cette fonctionnalité permet aux utilisateurs de Tinder de changer leur emplacement pour se connecter avec des personnes dans d’autres régions ou pays. Cela peut être utile pour les voyageurs ou les personnes qui souhaitent élargir leurs options de correspondance.
5. Tinder Boost : Cette fonctionnalité met temporairement le profil de l’utilisateur en haut de la pile de cartes de profil pendant une certaine période, ce qui augmente considérablement leur visibilité et leurs chances d’obtenir des correspondances.
6. Tinder Gold : Tinder Gold est une version premium qui offre toutes les fonctionnalités de Tinder Plus, ainsi que des fonctionnalités supplémentaires telles que la possibilité de voir qui vous a aimé avant même de liker leur profil, et des profils sélectionnés spécialement pour vous chaque jour.

Des prix variables au sein de l’UE

En 2022, une étude de l’association suédoise de consommateurs a démontré que Tinder pratiquait des prix différents d’une personne à l’autre.

Cette pratique de prix différentié est souvent scrutée par les autorités car le marché unique se méfie des différences de traitement, qui doivent répondre à des motifs pertinents étant entendu que la nationalité ne fait pas partie des motifs admis (voir le Règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) n° 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE.)

Si l’enquête semble voir rapidement montré que ce n’était pas la nationalité ou le lieu de résidence qui était déterminant, il reste que l’autorité suédoise a été intriguée par l’absence d’explication et le fait qu’aucune tendance claire ne se dégageait quant aux variables déterminant le prix.

Or, en vertu des règles de l’UE, les entreprises doivent fournir des informations véridiques aux consommateurs et s’abstenir d’induire les consommateurs en erreur pour influencer leurs choix. La directive sur les pratiques commerciales déloyales prévoit que les professionnels doivent fournir des informations substantielles sur les prix de manière claire et intelligible.  La directive relative aux droits des consommateurs oblige les entreprises à informer les consommateurs de toute tarification personnalisée fondée sur des moyens automatisés.

Le prix personnalisé n’est pas, en tant que tel, une pratique interdite. Du reste, plusieurs secteurs fonctionnement essentiellement sur ce mécanisme (billets d’avion, hôtellerie, etc.). Par ailleurs, si le vendeur sait, par exemple parce qu’il connait l’acheteur, qu’une petite réduction peut entrainer un achat, il a le droit de pratiquer un prix personnalisé. Enfin, il y a aussi la force de persuasion qui joue : tel consommateur, habile négociateur, va convaincre un vendeur de baisser son prix davantage (phénomène courant dans l’automobile).

Si la personnalisation n’est pas interdite, il reste que pour la Commission européenne, « les techniques de personnalisation annulent la possibilité de comparer les prix, ce qui prive les consommateurs, dans les faits, de leur pouvoir de décision en matière d’achats. C’est la raison pour laquelle le droit des consommateurs de l’UE exige maintenant que les professionnels indiquent si leur prix est personnalisé par des moyens automatisés. » (Commissaire Reynders).

Des engagements de transparence accrue

L’association suédoise de consommateurs a contacté les autorités des autres Etats membres dans le cadre du réseau de coopération en matière de protection des consommateurs.

Au terme d’un dialogue, Tinder a pris les engagements suivants, à respecter pour mi-avril 2024 :

• Ne pas appliquer une tarification personnalisée fondée sur l’âge sans en informer clairement et d’emblée les consommateurs ;
• Informer clairement les consommateurs que les réductions de prix sur les services premium sont personnalisées par des moyens automatisés ; et
• Informer les consommateurs des raisons pour lesquelles on leur propose des réductions personnalisées, par exemple parce qu’ils ne souhaitaient pas s’abonner à des services premium de Tinder au tarif normal.

Plus d’infos

Directive sur les pratiques commerciales déloyales

Directive relative aux droits des consommateurs