Téléphonie mobile et protection du consommateur
Publié le 04/09/2003 par Thibault Verbiest
Les téléphones portables ne se limitent plus à offrir des services vocaux, ils sont devenus aussi le vecteur de nouvelles formes de commerce électronique : téléchargement de sonneries, jeux et concours, réservations de spectacles etc. Les messages courts SMS, et plus récemment les MMS, forment déjà une nouvelle « économie », bien plus rentable que…
Les téléphones portables ne se limitent plus à offrir des services vocaux, ils sont devenus aussi le vecteur de nouvelles formes de commerce électronique : téléchargement de sonneries, jeux et concours, réservations de spectacles etc.
Les messages courts SMS, et plus récemment les MMS, forment déjà une nouvelle « économie », bien plus rentable que la première du nom, née avec l’ère internet.
Mais comme dans toute activité humaine, des règles doivent être respectées. Ces règles résultent tantôt de la simple application du droit commun, tantôt de textes nouveaux spécialement conçus pour réguler de tels services.
Notre propos n’est pas de dresser un tableau exhaustif du cadre juridique applicable, mais de mettre l’accent sur quelques contraintes marquantes.
La publicité par SMS
Les envois de SMS publicitaires se multiplient. Parfois sans le consentement préalable du destinataire. Il s’agira alors d’un cas de « spam ». Le débat devenu classique entre régime « opt-in » et régime « opt-out » se pose dés lors aussi en matière de téléphonie mobile. La solution de l’opt-in interdit les envois de courriers électroniques publicitaires non sollicités, sauf si le destinataire y a préalablement consenti. La solution de l’opt-out autorise de tels envois sauf si le destinataire s’y est expressément opposé.
Jusqu’à aujourd’hui, et contrairement à de nombreux Etats européens, la législation française sur la protection du consommateur a privilégié le système de l’opt-out. Certes, les principes de la loi Informatique et Libertés s’appliquent à la collecte et au traitement des adresses emails et des numéros de téléphone portable, mais en dehors de la doctrine de la CNIL, l’envoi non sollicité de messages électroniques promotionnels est encore permis.
Cette situation devrait changer radicalement avant la fin de l’année. En effet, la France est en passe d’adopter la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui vise notamment à transposer une directive européenne consacrant l’opt-in pour tous les courriers électroniques à but publicitaire.
Or, la future loi définit un courrier électronique comme « tout message sous forme de texte, de voix, de son ou d’image envoyé par un réseau ouvert au public qui peut être stocké dans le réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère.
Seront donc indubitablement visés les SMS et MMS.
La loi prévoira toutefois une exception : la prospection directe par courrier électronique sera autorisée si les coordonnées du destinataire ont été recueillies directement auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi Informatique et Libertés, à l’occasion d’une vente ou d’une prestation de services, si la prospection directe concerne des produits ou services fournis par la même personne physique ou morale, et si le destinataire se voit offrir, de manière expresse et dénuée d’ambiguïté, la possibilité de s’opposer, sans frais, hormis ceux liés à la transmission du refus, et de manière simple, à l’utilisation de ses coordonnées lorsque celles-ci sont recueillies et chaque fois qu’un courrier électronique de prospection lui est adressé.
La loi ajoute qu’il est interdit d’émettre, à des fins de prospection directe, des messages au moyen de courriers électroniques, sans indiquer de coordonnées valables auxquelles le destinataire puisse utilement transmettre une demande tendant à obtenir que ces communications cessent. Il sera en outre interdit de dissimuler l’identité de la personne pour le compte de laquelle la communication est émise et de mentionner un objet sans rapport avec la prestation ou le service proposé.
Un décret en Conseil d’Etat pourra toutefois préciser en tant que de besoin les conditions d’application de ce nouveau régime, notamment eu égard aux différentes technologies utilisées. Sont évidemment visées les technologies publicitaires sur téléphones portables.
Les contrats conclus par téléphones portables
Des contrats peuvent être conclus par SMS (voir par exemple le site www.mobiquid.com). Le vendeur sera soumis à des règles strictes en matière d’information du consommateur, et ce en vertu du Code de la consommation.
En outre, la future loi sur l’économie numérique alourdira encore les obligations d’information du vendeur. Cette multiplication d’informations à afficher par le vendeur posent des problèmes pratiques considérables dans le cas du commerce par téléphonie mobile (aussi appelé M-commerce), car les portables sont ne sont pas conçus pour afficher autant de données à l’écran (conditions générales, informations sur le vendeur, sur le processus de commande etc).
C’est la raison pour laquelle il est prévu qu’un décret pourra préciser les modalités de transmission des conditions contractuelles au destinataire de l’offre en cas d’impossibilité technique. Il est en outre précisé que, dans les cas d’impossibilité technique, cette obligation ne s’applique pas aux services dont le montant est inférieur à un seuil fixé par arrêté ministériel. Seront visées les micro-transactions , courantes dans le cadre du M-commerce.
Les jeux et concours SMS
Les jeux, loteries et concours par SMS « surtaxés » se multiplient. Le marché est juteux, tant pour les organisateurs que pour les opérateurs de téléphonie mobile.
La loi française prohibe, en principe, l’organisation de jeux de hasard et de loteries. Les jeux d’adresse, à savoir ceux qui font appel à la culture générale ou à la sagacité du joueur plutôt qu’au hasard sont légaux.
Tout sera donc affaire d’appréciation au cas par cas. En outre, les loteries sont légales si elles sont gratuites. Toutefois, dans le cas de loteries » gratuites » organisées par correspondance, téléphone ou minitel, les tribunaux ont considéré que le simple coût de l’affranchissement ou de la communication téléphonique constituait un » prix de participation » suffisant pour rendre la loterie onéreuse et donc illicite.
C’est la raison pour laquelle des opérateurs de sites web et de loteries par SMS ont imaginé de proposer aux joueurs le remboursement de leurs frais de connexion ou d’envoi.
Même dans le cas de loteries gratuites, des règles s’appliquent, issues du Code de la consommation. Ainsi, un règlement doit être déposé chez un huissier. Il devra reproduire la mention suivante : « le règlement des opérations est adressé, à titre gratuit, à toute personne qui en fait la demande », et préciser, en outre, l’adresse à laquelle peut être envoyée cette demande ainsi que le nom de l’officier ministériel auprès de qui ledit règlement a été déposé.
En pratique, le règlement sera également publié sur le site web de l’organisateur, et un SMS devra préciser au joueur l’adresse URL où est publié ce règlement.
Pour plus d’informations :
– L’ouvrage paru chez Litec : La protection juridique du cyber-consommateur.
– L’article Les casinos virtuels : une nouvelle cybercriminalité ? .