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Tablettes et presse en ligne : Apple sauve sa peau pour l’instant

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Après le lancement par Apple du service d’abonnement en ligne sur sa plateforme iTunes, la Commission européenne, gendarme européen de la concurrence, a été saisie de plusieurs questions concernant d’éventuelles infractions aux règles européennes de concurrence, notamment à l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La Commission européenne a récemment publié un communiqué de presse estimant qu’Apple ferait l’objet d’une concurrence accrue, notamment de la part de Google, sur le marché des tablettes numériques et des services d’abonnements de presse en ligne. En conséquence, selon la Commission européenne, il serait prématuré à ce stade de lancer une quelconque enquête préliminaire pour infraction aux règles de concurrence à l’encontre d’Apple. La Commission européenne est d’avis qu’il serait trop tôt pour prendre une position alors que le marché des tablettes est « relativement nouveau et en évolution » et que  « des plates-formes d’applications alternatives existent et plusieurs sociétés ont récemment lancé, ou devraient lancer dans un avenir proche, un certain nombre de dispositifs similaires en termes de fonctionnalités à l’iPad ».

Pour rappel, Apple a lancé un service d’abonnements en ligne le 15 février dernier et entend percevoir 30% du prix sur tous les abonnements contractés sur sa plateforme iTunes. En outre, les éditeurs qui participeront se verront dans l’obligation contractuelle d’offrir leurs meilleurs prix sur l’Apple Store… La réponse de la concurrence ne s’est pas faite attendre et le lendemain du lancement annoncé par Apple, Google décidait d’offrir un service similaire pour la presse mais qui n’exigera que 10% du prix de vente. Un service prévu pour les tablettes fonctionnant sous Android, le système d’exploitation de Google déjà intégré notamment chez HTC et Samsung.

Les récentes déclarations de la Commission européenne soulignent la nécessité de repenser fondamentalement la politique de concurrence en tant que moyen de maximiser le bien-être des consommateurs : doit-on privilégier l’efficacité économique à court terme (gains d’efficacité allocatifs) ou l’efficacité économique à long terme (gains d’efficacité dynamiques) ? Nous pensons que l’efficacité économique à long terme doit être le principe sous-jacent à toute politique de concurrence en tant que moyen d’améliorer le bien-être des consommateurs qui constitue – l’on s’excuse d’énoncer une telle évidence – la finalité du droit de la concurrence. Cette question se pose avec encore plus d’acuité dans les industries à haute innovation technologique – comme les marchés sur lesquels évoluent Apple et Google – où les entreprises luttent pour le marché en tant que tel et non pour des parts de marché, selon l’enseignement bien connu de Schumpeter. Il appartient donc à l’Autorité européenne de la concurrence de mener cette réflexion fondamentale dans l’intérêt d’une meilleure sécurité juridique pour les entreprises et, in fine, dans l’intérêt bien compris des consommateurs. Le débat s’annonce d’ores et déjà difficile…

En tout état de cause, il convient de réserver un accueil favorable à la nouvelle position exprimée par la Commission européenne qui procède d’une analyse économique plus affinée des règles de concurrence. En effet, l’on constate avec satisfaction que les marchés à haute innovation technologique sont désormais appréhendés dans une perspective dynamique par la Commission européenne. Pour illustrer ce qui précède, un exemple parlant de l’analyse statique en droit de la concurrence est l’affaire Microsoft où les plus hauts cadres dirigeants du géant de l’informatique tentaient d’expliquer en vain, lors d’un colloque en droit de la concurrence, à quelques juges du Tribunal de première instance des Communautés européennes que les consommateurs étaient libres de télécharger sur Internet un lecteur média autre que le Windows Media Player installé d’office sur leurs systèmes d’exploitation… Cette nouvelle déclaration de la Commission européenne annonce-t-elle un revirement vers une politique de concurrence plus orientée vers une analyse dynamique des marchés concernés ? On peut raisonnablement l’espérer.

Droit & Technologies

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