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Soumettre à un tribunal une œuvre protégée, est-il un acte de contrefaçon?

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Dans le cadre d’un litige judiciaire, le défendeur produit dans son dossier de pièces, une photo extraite du site du demandeur …. qui contre-attaque en dénonçant une contrefaçon. Mal lui en a pris ! La CJUE rappelle que la propriété intellectuelle n’est pas intangible et sa protection ne doit donc pas être assurée de manière absolue, dès lors qu’il convient de mettre ce droit en balance avec les autres droits fondamentaux dont le droit à un procès équitable. Or, comment garantir ce droit s’il faut l’accord de l’adversaire pour déposer des pièces protégées ?

Deux personnes se disputent dans un litige commercial.

Dans le cadre de sa défense, le défendeur envoie au tribunal par voie électronique, en tant que pièce de son dossier, une photo extraite du site Internet du demandeur.

Celui-ci hurle à la contrefaçon : il affirme être titulaire du droit d’auteur sur cette photographie, et demande que le défendeur au principal soit condamné à lui verser des dommages-intérêts pour contrefaçon.

En première instance, le juge valide le raisonnement en tenant compte d’une particularité du droit suédois : puisque la photographie (protégée) a été transmise à une juridiction dans le cadre d’un acte de procédure, il en découle que quiconque peut en demander la communication en application des dispositions légales applicables. Le juge y voit donc une distribution au public. Toutefois, il estime que le préjudice est égal à … zéro.

En appel, la juridiction s’interroge sur la portée de la notion de communication au public, et en particulier la notion de « public » : cela comprend-il une juridiction à qui on envoie par voie électronique une photo en tant que pièce d’un dossier ?

« Distribution » ou « communication » au public  ?

La juridiction de renvoi fondait sa question aussi bien sur la “distribution” que la “communication” au public. (notions que le juriste français connait mieux au travers de la “représentation de l’oeuvre”).

La CJUE tient à préciser que selon sa jurisprudence constante, « la communication au public d’une œuvre, autre que la distribution de copies physiques de celle-ci, relève non pas de la notion de « distribution au public », visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, mais de celle de « communication au public », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers, C‑263/18, EU:C:2019:1111, points 45, 51 et 52). »

Relevant que la photographie en cause a été transmise à la juridiction saisie par courrier électronique, sous forme de copie électronique, la Cour aborde donc la question préjudicielle sous l’angle de la « communication au public ».

Il y a un acte de « communication » …

Selon la jurisprudence constante de la Cour, la notion de « communication au public » associe deux éléments cumulatifs, à savoir un acte de communication d’une œuvre et la communication de cette dernière à un public.

Y a-t-il communication en l’espèce ?

La CJUE répond affirmativement : « tout acte par lequel un utilisateur donne, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, accès à des œuvres protégées est susceptible de constituer un acte de communication (…) ».

Tel est le cas de la transmission par voie électronique à une juridiction, à titre d’élément de preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire entre particuliers, d’une œuvre protégée.

Mais il n’y a pas de « public »

Selon la jurisprudence de la Cour, la notion de « public » vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important.

S’agissant du caractère indéterminé du nombre de destinataires potentiels, la Cour a souligné qu’il s’agit de rendre perceptible une œuvre de toute manière appropriée à des personnes en général, par opposition à des personnes déterminées appartenant à un groupe privé.

Or, en l’espèce, la communication a eu lieu vers un « groupe clairement défini et fermé de personnes investies de fonctions de service public au sein d’une juridiction, et non un nombre indéterminé de destinataires potentiels. »

La Cour précise qu’est dénuée de pertinence à cet égard l’existence, dans le droit national, de règles en matière d’accès aux documents publics. En effet, un tel accès est octroyé non pas par l’utilisateur qui a transmis l’œuvre à la juridiction, mais par cette dernière aux particuliers qui en font la demande, en vertu d’une obligation et selon une procédure prévues par le droit national relatif à l’accès aux documents publics, dont les dispositions ne sont pas affectées par la directive 2001/29, ainsi que le prévoit expressément l’article 9 de celle-ci.

La recherche de l’équilibre

La CJUE profite de l’occasion pour envoyer à nouveau un message auquel elle tient beaucoup, et même de plus en plus : la propriété intellectuelle n’est ni au-dessus des autres droits et libertés, ni intangible.

Elle souligne l’importance « de maintenir, notamment dans l’environnement électronique, un juste équilibre entre l’intérêt des titulaires de droits d’auteur et de droits voisins à la protection de leur droit de propriété intellectuelle (…), et la protection des intérêts et des droits fondamentaux des utilisateurs d’objets protégés ainsi que l’intérêt général ».

Et elle enfonce le clou : il ne ressort d’aucune disposition que le droit de propriété intellectuelle « serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue, dès lors qu’il convient de mettre ce droit en balance avec les autres droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Pelham e.a., C‑476/17, EU:C:2019:624, points 33 et 34 ainsi que jurisprudence citée), parmi lesquels figure le droit à un recours effectif garanti à l’article 47 de la Charte. Or, un tel droit serait sérieusement compromis si un titulaire de droit était en mesure de s’opposer à la communication d’éléments de preuve à une juridiction, au seul motif que ces éléments de preuve contiennent un objet protégé au titre du droit d’auteur. »

Plus d’infos ?

Arrêt de la CJUE et conclusions de l’avocat général, sont disponibles en annexe.

Disposition impactée : L 122-1 CPI ; L. 122-2 CPI.

Droit & Technologies

Annexes

Conclusions-de-lavocat-général

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