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Skype (VoIP) est soumis aux lois télécoms

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Tout le secteur du VoIP tremble sur ses bases : la Cour de justice a tranché. Elle juge que la fourniture, par l’éditeur d’un logiciel, d’une fonctionnalité offrant un service « Voice over Internet Protocol (VoIP), qui permet à l’utilisateur d’appeler un numéro fixe ou mobile d’un plan national de numérotation via le réseau téléphonique public commuté d’un État membre à partir d’un terminal, constitue un « service de communications électroniques » au sens du paquet télécom.

Le paquet télécom ?

De nouvelles règles encadrent depuis 2011 les droits des consommateurs et la concurrence dans le secteur des télécommunications et de l’internet. Ces règles sont regroupées dans diverses directives qui forment ensemble ce que l’on appelle le “paquet télécom”. Ce paquet est du reste à nouveau en pleine discussion car le secteur (et les technologies) évolue vite. Voir notre analyse.

Ce “paquet”, ainsi appelé parce qu’il est formé par un ensemble de directives et mesures qui interagissent les unes avec les autres, a pour strcture faitire la “directive cadre” (2002/21/CE du 7 mars 2002.

Qui est soumis au paquet télécom?

La directive vise les services de communications électroniques.

Aux fins de la directive-cadre, on entend par service de communications électroniques : « le service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus ; il ne comprend pas les services de la société de l’information tels que définis à l’article 1er de la [directive 98/34] qui ne consistent pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques ».

Le cas de Skype

La société Skype Communications est l’éditrice d’un logiciel de communication, dénommé Skype, qui permet à l’utilisateur l’installant sur un terminal, à savoir un ordinateur, une tablette ou encore un smartphone, de bénéficier d’un service de téléphonie vocale et de téléconférence, d’appareil à appareil.

SkypeOut est une fonctionnalité ajoutée au logiciel Skype qui permet à son utilisateur de passer des appels téléphoniques depuis un terminal vers une ligne de téléphone fixe ou mobile, en utilisant l’Internet Protocol (IP) et, plus précisément, la technique dite « Voice over IP » (VoIP). SkypeOut ne permet pas, en revanche, de recevoir des appels téléphoniques provenant d’utilisateurs de numéros de téléphone belges.

Skype est donc un logiciel/service à double étage :

  • Un étage “skype vers skype” : tout utilisateur qui dispose d’un compte skype, peut appeler un autre compte skype.
  • Un étage « skype out » : moyennant un abonnement, l’utilisateur peut en outre appeler des numéros normaux (lignes fixes et mobiles).

L’utilisation de SkypeOut nécessite, techniquement, une connexion à Internet, fournie par un fournisseur d’accès à Internet (ci-après le « FAI ») et l’intervention de fournisseurs de services de télécommunications dûment autorisés à transmettre et à terminer des appels vers le réseau téléphonique public commuté (RTPC), avec lesquels Skype Communications a conclu des accords et dont l’intervention est rémunérée par celle-ci sous la forme d’une charge de terminaison [fixed termination rate (FTR) ou mobile termination rate (MTR)].

Le litige

Une des obligations des opérateurs d’un service de communications électroniques consiste à effectuer une déclaration à l’autorité de régulation.

L’IBPT (autorité belge de régulation) a invité Skype Communications à lui notifier ses services conformément à la loi. (En France, l’ARCEP a fait la même demande.)

Skype a toujours refusé, affirmant ne pas opérer un service de communications électroniques. Derrière cela, le message de la société est donc qu’elle n’est pas soumise aux nombreuses obligations qui découlent du paquet télécom. L’enjeu n’est donc pas mince.

L’affaire se termine en justice et, dans ce cadre, le juge belge pose à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La définition du service de communications électroniques, édictée à [l’article 2, sous c), de la directive-cadre] doit-elle être comprise en ce sens qu’un service de voix sur IP offert via un logiciel terminé sur un réseau téléphonique public commuté vers un numéro fixe ou mobile d’un plan national de numérotation (sous la forme E.164) doit être qualifié de service de communications électroniques, nonobstant le fait que le service d’accès à Internet par le biais duquel un utilisateur accède audit service de voix sur IP constitue déjà lui-même un service de communications électroniques, mais alors que le fournisseur du logiciel offre ce service contre rémunération et conclut des accords avec les fournisseurs de services de télécommunications dûment autorisés à transmettre et à terminer des appels vers le réseau téléphonique public commuté qui permettent la terminaison des appels vers un numéro fixe ou mobile d’un plan national de numérotation ?

2)      En cas de réponse positive à la première question, la réponse demeure-t-elle inchangée si l’on tient compte du fait que la fonctionnalité du logiciel qui permet l’appel vocal n’est qu’une fonctionnalité de celui-ci, qui peut être utilisé sans elle ?

3)      En cas de réponses positives aux [première et deuxième] questions, la réponse à la première question demeure-t-elle inchangée si l’on tient compte du fait que le fournisseur du service prévoit dans ses conditions générales qu’il n’assume pas de responsabilité envers le client final pour la transmission des signaux ?

4)      En cas de réponses positives aux [première à troisième] questions, la réponse à la première question demeure-t-elle inchangée si l’on tient compte du fait que le service rendu répond également à la définition de “service de la société de l’information” ? »

La réponse de la CJUE

La Cour regroupe les quatre questions en une seule, résumée comme suit : la fourniture par l’éditeur d’un logiciel d’une fonctionnalité offrant un service VoIP, qui permet à l’utilisateur d’appeler un numéro fixe ou mobile d’un plan national de numérotation via le RTPC d’un État membre à partir d’un terminal, doit être qualifié de « service de communications électroniques », dès lors que la fourniture dudit service, d’une part, donne lieu à rémunération de l’éditeur et, d’autre part, implique la conclusion par ce dernier d’accords avec les fournisseurs de services de télécommunications dûment autorisés à transmettre et à terminer des appels vers le RTPC.

La Cour rappelle la distinction qu’elle a déjà effectuée dans d’autre affaire : le paquet télécom crée une distinction claire entre :

  • la production des contenus, impliquant une responsabilité éditoriale,
  • et l’acheminement des contenus, exclusif de toute responsabilité éditoriale, les contenus et leur transmission relevant de réglementations séparées poursuivant des objectifs qui leur sont propres.

La cour rappelle aussi qu’elle a jugé que, pour relever de la notion de « service de communications électroniques », un service devait comprendre la transmission de signaux, étant précisé que la circonstance que la transmission du signal a lieu par le truchement d’une infrastructure qui n’appartient pas au prestataire de services est sans pertinence pour la qualification de la nature du service, puisque seul importe à cet égard le fait que ce prestataire est responsable envers les utilisateurs finals de la transmission du signal qui garantit à ces derniers la fourniture du service auquel ils se sont abonnés.

Ayant posé le cadre, la Cour observe que :

  • Skype Communications perçoit une rémunération de la part de ses utilisateurs, l’utilisation de SkypeOut étant subordonnée soit à un prépaiement, soit à un abonnement.
  • L’utilisation de SkypeOut requiert l’intervention de fournisseurs de services de télécommunications, et Skype Communications conclut à cet effet des accords avec ces derniers, auxquels elle verse une rémunération sous la forme de tarifs de terminaison d’appel fixe [fixed termination rate (FTR)] ou d’appel mobile [mobile termination rate (MTR)].

Il s’en déduit, d’une part, que la fonctionnalité SkypeOut consiste principalement à transmettre les signaux vocaux émis par l’utilisateur appelant à destination de l’utilisateur appelé sur les réseaux de communications électroniques, à savoir sur Internet tout d’abord puis sur le RTPC ensuite, et, d’autre part, que Skype Communications doit être considérée comme assumant la responsabilité, envers les utilisateurs de la fonctionnalité SkypeOut, qui sont abonnés audit service ou ont prépayé l’utilisation dudit service, de la transmission des signaux vocaux sur le RTPC.

Skype est donc, pour ce service, un opérateur de service de communications électroniques.

La Cour précise qu’est sans impact le fait que : (i) le service d’accès à Internet au moyen duquel l’utilisateur accède au service VoIP constitue lui-même un service de communications électroniques ; (ii) ledit service VoIP est offert à travers une fonctionnalité additionnelle d’un logiciel qui peut être utilisé sans elle ; (iii) le fournisseur du service prévoit dans ses conditions générales qu’il n’assume pas la responsabilité de la transmission des signaux envers le client final et ; (iv) le service rendu relève également de la notion de « service de la société de l’information ».

l’affaire impacte très lourdement Skype, mais aussi le secteur du VoIP et les nouveaux services de communications tels que Whatsapp, Viber, Snapchat ou encore Facetime qui font face à des problématiques similaires.

Plus d’infos en lisant l’arrêt, disponible en annexe.

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