Skype en situation délicate : sa marque pose problème
Publié le 17/05/2015 par Etienne Wery
Le Tribunal de l’UE confirme l’existence d’un risque de confusion entre le signe figuratif et verbal SKYPE et la marque verbale SKY. Difficile de mesurer les conséquences et la stratégie qui sera suivie par Microsoft (propriétaire), mais c’est un coup dur.
Historique
En 2004 et 2005, la société Skype a demandé à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) d’enregistrer les signes figuratif et verbal SKYPE comme marque communautaire pour des produits d’équipement audio et vidéo, de téléphonie et de photographie ainsi que pour des services informatiques liés à des logiciels ou à la création ou à l’hébergement de sites Internet .
En 2005 et 2006, la société British Sky Broadcasting Group, devenue Sky et Sky IP International , a formé opposition en invoquant un risque de confusion avec sa marque verbale communautaire SKY déposée en 2003 pour des produits et services identiques.
Sky n’est pas très connue en France, mais n’importe quel anglais connait la société et ses produits. British Sky Broadcasting Group plc (alias BSkyB) est en effet un opérateur de télévision par satellite britannique qui a été créé en 1990 par fusion de Sky Television et British Satellite Broadcasting. En 2005, BSkyB commercialise le bouquet satellite le plus populaire au Royaume-Uni et en Irlande : Sky Digital. BSkyB est aussi l’éditeur de certaines chaînes de son bouquet. Selon Wikipedia, BSkyB (membre du groupe du magnat des médias Rupert Murdoch) compte 11 659 000 clients.
Les décisions
Par décisions de 2012 et 2013 , l’OHMI a fait droit à l’opposition, considérant en substance qu’un risque de confusion existait entre les signes en conflit du fait notamment de leur degré moyen de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et que les conditions permettant de constater une réduction de ce risque n’étaient pas réunies .
Skype demande l’annulation de ces décisions devant le Tribunal de l’Union européenne .
Par deux arrêts de ce mois de mai, le Tribunal rejette les recours de Skype et confirme ainsi qu’il existe un risque de confusion entre les signes figuratif et verbal SKYPE et la marque verbale SKY .
S’agissant de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, le Tribunal confirme que la prononciation de la voyelle « y » n’est pas plus brève dans le terme « skype » que dans le terme « sky » .
En outre, le terme « sky », qui fait partie du vocabulaire de base de la langue anglaise, reste clairement identifiable dans le terme « skype » malgré le fait que ce dernier soit écrit en un seul mot.
Enfin, l’élément « sky » dans le terme « skype » est tout à fait susceptible d’être identifié par le public pertinent , même si l ’élément restant « pe » n’a pas de signification propre ) .
Par ailleurs, le fait que, dans le signe figuratif demandé, l’élément verbal « skype » soit entouré d’un bord découpé sous forme de nuage ou de bulle ne remet pas en cause le degré moyen de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle . En effet, d’un point de vue visuel, l’élément figuratif se limite à mettre en évidence l’élément verbal et n’est donc perçu que comme une simple bordure.
Du point de vue phonétique, l’élément figuratif en forme de bordure n’est pas susceptible de produire une impression phonétique, laquelle reste déterminée exclusivement par l’élément verbal.
Enfin, sur le plan conceptuel, l’élément figuratif ne véhicule aucun concept, à part éventuellement celui d’un nuage, ce qui serait alors susceptible d’augmenter encore la probabilité d’identification de l’élément « sky » au sein de l’élément verbal « skype » , puisque les nuages se trouvent « dans le ciel » et peuvent ainsi facilement être associés au terme « sky ».
Le caractère distinctif très élevé de Skype
En ce qui concerne l’argument tiré du prétendu caractère distinctif élevé des signes « skype » en raison de leur connaissance par le public , le Tribunal déclare que , même dans l’hypothèse où le terme « skype » aurait acquis une signification propre pour identifier les services de télécommunication fournis par la société Skype, il s’agirait d’un terme générique et, par conséquent , descriptif pour ce genre de services.
Enfin, le Tribunal confirme qu’il n’est pas possible de prendre en compte la coexistence paisible des signes en conflit au Royaume – Uni comme facteur susceptible de réduire le risque de confusion , du fait que les conditions à cet égard ne sont pas réunies . En effet, la coexistence paisible de ces signes au Royaume – Uni ne concerne qu’un service isolé et très spécifique (à savoir les services de communication point – à – point) et n’est donc pas susceptible d’amoindrir le risque de confusion pour les nombreux autres produits et services revendiqués . En outre, cette coexistence n’a pas duré assez longtemps pour pouvoir supposer qu’elle reposait sur l’absence de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent .