Site Internet syndical : la primauté est donnée à la liberté d’expression
Publié le 10/10/2006 par fabrice FEVRIER
Pour la cour, un syndicat comme tout citoyen a toute latitude pour créer un site internet pour l’exercice de son droit d’expression directe et collective. Par un arrêt du 15 juin 2006 , la 18ème chambre C de la Cour d’appel de Paris vient ainsi rappeler la nécessaire protection qui doit être accordée au droit…
Pour la cour, un syndicat comme tout citoyen a toute latitude pour créer un site internet pour l’exercice de son droit d’expression directe et collective. Par un arrêt du 15 juin 2006 , la 18ème chambre C de la Cour d’appel de Paris vient ainsi rappeler la nécessaire protection qui doit être accordée au droit constitutionnel que constitue la liberté d’expression, droit d’autant plus fondamental pour les organisations syndicales pour qui cette liberté constitue l’essence même de leur action de défense des intérêts des salariés.
Etait en cause en l’espèce le site internet d’une organisation syndicale de branche sur lequel était diffusé un certain nombre d’informations relatives à une entreprise, et notamment un bilan économique, un rapport de gestion accompagné des avis rendus par un expert mandaté par le comité d’entreprise, mais également des comptes-rendus de négociations salariales et des procès-verbaux de réunions des institutions représentatives du personnel. Informée de cette publication, la Direction de cette entreprise a saisi la justice pour obtenir la suppression de ces rubriques sur le site internet de l’organisation syndicale.
Le Tribunal de Grande Instance de Bobigny devait, par jugement en date du 11 janvier 2005, faire droit en partie à ces demandes par une motivation tout à fait critiquable fondée essentiellement sur une conception extensive et contestable de l’obligation de discrétion et de confidentialité.
Les premiers juges ont en effet considéré que les documents diffusés constituaient des informations soumises à l’obligation de discrétion ou à des règles de confidentialité. Ils avaient ajouté pour retenir la responsabilité de l’organisation syndicale de branche propriétaire du site que cette dernière ne pouvait soutenir utilement que les règles de discrétion résultant du contrat de travail ou les règles de confidentialité résultant des textes spécifiques du Code du travail ne s’appliquaient pas à elle, alors que cette organisation tenait ses informations des salariés de l’entreprise et qu’elles devaient représenter leurs intérêts et non les amener à violer leurs obligations contractuelles ou légales.
La Cour d’appel de Paris infirme logiquement cette décision en rappelant les contours précis de l’obligation de discrétion qui, constituant une limite à l’exercice de la liberté d’expression, doit être interprétée restrictivement : « Un syndicat comme tout citoyen a toute latitude pour créer un site internet pour l’exercice de son droit d’expression directe et collective. Aucune restriction n’est apportée à l’exercice de ce droit et aucune obligation légale de discrétion ou confidentialité ne pèse sur ses membres à l’instar de celle pesant, en vertu de l’article L 432-7 alinéa 2 du code du travail, sur les membres du comité d’entreprise et représentants syndicaux, quand bien même il peut y avoir identité de personnes entre eux. »
La 18ème Chambre C retient pour rejeter les demandes de l’entreprise tendant à la suppression de rubriques sur le site internet que « si l’obligation de confidentialité s’étend également aux experts et techniciens mandatés par le comité d’entreprise, force est de constater qu’aucune disposition ne permet en revanche de l’étendre à un syndicat de surcroît, comme en l’espèce, syndicat de branche n’ayant aucun lien direct avec l’entreprise, et ce, alors même que la diffusion contestée s’effectue en dehors de la société ».
La Cour d’appel de Paris vient ainsi très justement rappeler que la confidentialité dans les rapports entre les partenaires sociaux de l’entreprise doit rester une exception cantonnée à des documents et des personnes clairement identifiés, et que l’obligation de discrétion prévue par la loi ne saurait recevoir une application extensive, qui plus est en dehors de l’enceinte de l’entreprise, ce qui aboutirait in fine à porter atteinte à la liberté d’expression des organisations syndicales et à la collectivité des salariés.
Décision salutaire pour l’action syndicale pour qui le site internet s’avère aujourd’hui un moyen de communication incontournable.