Secret professionnel et Snapchat
Publié le 07/07/2022 par Etienne Wery
Il n’y a pas de révélation punissable lorsque le dévoilement du secret a échoué, fût-ce pour des raisons indépendantes de la volonté de l’auteur.
Les faits
Un avocat est poursuivi du chef de violation du secret professionnel, pour avoir, en sa qualité d’avocat, adressé au frère de son client un message l’informant de l’arrestation de ce dernier et de l’imminence d’une perquisition.
Expédié avec l’application « Snapchat », le message n’a pas été lu par son destinataire : avant que celui-ci ait pu en prendre connaissance, les policiers dépêchés sur les lieux ont saisi son téléphone portable et photographié le message litigieux qui s’est ensuite effacé. (On sait en effet que Snapchat efface automatiquement les messages une fois qu’ils sont lus mais les policiers ont eu la présence d’esprit de le prendre en photo).
Le message a donc bel et bien été envoyé mais, par un concours de circonstances (perquisition rapide, saisie du téléphone et lecture/effacement du message Snapchat), son destinataire n’en a pas pris connaissance.
Le droit
Selon l’article 458 du Code pénal belge, « Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d’enquête parlementaire et celui où la loi, le décret ou l’ordonnance les oblige ou les autorise à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende de cent euros à mille euros ou d’une de ces peines seulement. »
Il faut donc que le secret soit « révélé » pour que l’infraction soit caractérisée.
Y a-t-il révélation lorsque, comme en l’espèce, un concours de circonstances empêche le destinataire d’en avoir connaissance ?
La Cour de cassation
D’un côté, la thèse du ministère public : s’agissant d’un délit instantané, la violation du secret professionnel est consommée par le seul envoi de l’information confidentielle, quand bien même le destinataire n’en a pas pris connaissance.
D’un autre côté, la thèse du prévenu : le destinataire n’ayant pas eu connaissance du secret que l’avocat entendait révéler, l’infraction n’est pas caractérisée même si l’empêchement découle d’une circonstance qui échappe aussi bien au gardien du secret qu’au destinataire.
Pour la Cour de cassation, « L’acte réprimé par la disposition légale visée au moyen consiste dans le fait de révéler volontairement, hors des hypothèses où la communication est obligatoire ou permise, un secret dont l’agent est dépositaire par état ou par profession, alors qu’il sait ou doit savoir que sa révélation est prohibée par la loi.
Quels qu’en soient le véhicule ou le support, la révélation est accomplie dès l’instant où les données couvertes par le secret sont parvenues à la connaissance de la personne à qui l’auteur a voulu les divulguer alors qu’elle n’y avait pas droit.
Il n’y a donc pas de révélation punissable lorsque le dévoilement a échoué, fût-ce pour des raisons indépendantes de la volonté de l’auteur. »
L’avocat est acquitté ; il s’en sort plutôt bien …
Plus d’infos ?
En lisant l’arrêt de la cour, disponible en annexe.