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Revenge porn : la Cour de cassation s’emmêle les pinceaux

Publié le par

Catastrophe, la Cour de cassation envoie le plus mauvais message possible, et elle le motive mal. Des années d’efforts et d’éducation qui volent en éclat. Le revenge porn a encore de beaux jours devant lui sauf si le législateur se décide d’agir.

Les faits

Les faits sont d’une banalité affligeante. Un homme diffuse sur Internet des photos de son ex compagne nue et enceinte. Plus tard, le couple se sépare. Monsieur décide de se venger en balançant sur Internet la photo. C’est fin, c’est malin, c’est plein d’empathie, c’est super pour l’enfant à naître (ou né) qui aura ainsi une image tellement valorisante de son paternel.

Madame porte plainte.

La plainte se fonde sur l’article 226-1 du code pénal

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :

1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. »

M. X est déclaré coupable du chef d’utilisation d’un document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1 du code pénal.

Il fait appel ; la Cour confirme la décision.

Il va en cassation.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation relève d’abord que l’arrêt de la Cour d’appel « énonce que le fait, pour la partie civile, d’avoir accepté d’être photographiée ne signifie pas, compte tenu du caractère intime de la photographie, qu’elle avait donné son accord pour que celle-ci soit diffusée. »

Pour la Cour de cassation, il en va autrement.

Après avoir rappelé que le droit pénal et d’interprétation restrictive, la juridiction suprême juge que « en se déterminant ainsi, alors que n’est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. » (Cass., ch. criminelle, 16 mars 2016, disponible sur legalis.net)

Commentaires

Personne n’est infaillible, pas même la Cour de cassation.

L’article 226-1, alinéa 2 incrimine le fait de fixer, enregistrer ou transmettre, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

La cour de cassation semble considérer que le consentement sur la fixation lève l’interdiction.

Ce faisant, la Cour s’emmêle les pinceaux. Il y a bel et bien trois actes distincts visés par cette disposition. Chacun doit être couvert par le consentement.

On peut suivre la cour suprême lorsqu’elle considère que le fait de se laisser prendre en photo dans un lieu privé et dans un cadre intime permet de déduire le consentement sur la fixation et l’enregistrement.

Mais la course se trompe lorsqu’elle en déduit que ce consentement s’étend à la transmission de l’image. En diffusant sur Internet, l’ex-mari transmet l’image à autrui. Dans le monde de la propriété intellectuelle, on dirait qu’il effectue une communication au public. Si cette transmission n’est pas protégée par le consentement de la personne, elle tombe dans le champ de l’article 226-1.

Le principe d’interprétation restrictive du droit pénal n’y change rien. La transmission est bel et bien visée dans cette disposition.

A l’heure où les réseaux ont tendance à devenir un défouloir des haines et frustrations, c’est un message très malheureux que la Cour envoie.

Certes, les dégâts seront probablement limités car le Sénat est en train de discuter d’un amendement à cette disposition qui précise encore plus la portée du texte, mais il n’empêche que celles et ceux qui luttent contre le harcèlement en ligne, le revenge porn et autres comportements nocifs de cet acabit, auront du mal à digérer cet arrêt amère et inexact.

Et en Belgique ?

Précisons à destination de nos lecteurs belges que le droit belge appréhende différemment la question du revenge porn.

Les poursuites sont habituellement fondées sur l’article 442bis du code pénal qui punit le harcèlement dans les termes suivants : « Quiconque aura harcelé une personne alors qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de la personne visée, sera puni d’une peine d’emprisonnement de quinze jours à deux ans et d’une amende de cinquante [euros] à trois cents [euros], ou de l’une de ces peines seulement. »

On considère généralement qu’il faut démontrer les éléments constitutifs suivants pour entrer en voie de condamnation :

·         un comportement harcelant. Il n’y a pas de définition légale. Le but est d’évoluer avec la société et de pouvoir s’adapter aux faits. On considère généralement que tout comportement (oral, écrit, une attitude, un fait ou un geste) peut être visé à la condition qu’il soit négatif, destructeur, blessant, hostile. Les travaux préparatoires expliquent que le but est de vérifier que le comportement vise à importuner une personne de manière irritante pour celle-ci.

·         Une répétition. Bien que la doctrine soit divisée sur cette question, la répétition du comportement permet de démontrer plus aisément son côté harcelant. D’un simple comportement inapproprié ponctuel, la répétition donne à la démarche le côté harcelant puni par la loi.

·         Il faut une démarche volontaire. Celle-ci ne doit pas nécessairement être méchante ou intentionnelle mais elle doit être volontaire.

À partir de là, la plupart des cas de revenge porn ont pu être poursuivis efficacement.

Il n’empêche que le législateur belge est lui aussi actuellement occupé à créer une incrimination plus explicite de ce comportement inapproprié.

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