Responsabilité pénale des hébergeurs : une nouvelle affaire en France.
Publié le 01/03/1999 par Thibault Verbiest
Dans son édition du 10 février 1999, le le Monde interactif a rapporté les faits suivants : Le 18 décembre dernier, quatre hommes de la police judiciaire de Rennes et un expert informaticien ont fait irruption dans les locaux de Cyberbrain, société bretonne qui héberge gratuitement 200.000 pages Web personnelles au sein d’une communauté virtuelle…
Dans son édition du 10 février 1999, le le Monde interactif a rapporté les faits suivants :
Le 18 décembre dernier, quatre hommes de la police judiciaire de Rennes et un expert informaticien ont fait irruption dans les locaux de Cyberbrain, société bretonne qui héberge gratuitement 200.000 pages Web personnelles au sein d’une communauté virtuelle baptisée « Le Village ».
Les policiers avaient reçu un mandat de perquisition d?un juge d’instruction, des images de films d’horreur ayant été découvertes sur un site du « Village ».
Le gérant de Cyberbrain, a ensuite été mis en examen pour complicité de diffusion « d’images à caractère violent de nature à choquer la sensibilité des mineurs » passible selon l’article 227-24 du Code pénal français de 3 ans de prison.
L?histoire est tout simplement incroyable : les policiers, qui avaient reçu ordre de supprimer l?accès aux sites « illégaux », exigèrent de débrancher les ordinateurs.
Le gérant expliqua que, s’il débranchait les machines, il couperait tous les services professionnels hébergés par sa société, et qu?en outre, la machine du Village était aux États-Unis pour des raisons d’économie sur les coûts de connexion.
L?un des agents ordonna en guise de réponse que les machines soient rapatriées des Etats-Unis par transporteur?
Refus d’obtempérer de l’intéressé au motif que débrancher 200.000 pages Web francophones constituerait un préjudice trop grand. Le gérant fut alors menotté, mains dans le dos, devant une bonne dizaine de clients et fournisseurs, et embarqué avec sa femme enceinte de 7 mois. Une partie du matériel informatique fut également saisi.
Le gérant de Cyberbrain fut libéré le 18 décembre au soir, seulement après avoir accepté, « contraint » selon ses propres dires, de mettre en place les fichiers informatiques (« log ») permettant de remonter la piste jusqu’aux auteurs de contenus contrevenants.
Techniquement, ces fichiers « log » contiennent l’adresse Internet d’une machine ainsi que ses dates et heures de connexion. Les sites hébergés, baptisés les « Villageois » furent immédiatement avertis par message qu’un tel système avait été mis en place.
Deux jours plus tard, le gérant fut à nouveau convoqué devant la police, puis devant le juge d’instruction, assisté de son avocat. Selon ce dernier, la fourniture des fichiers « log » tomberait sous le coup de la loi sur les interceptions de télécommunications, qui réglemente notamment les écoutes téléphoniques. Aussi, une demande de réquisition a-t-elle été envoyée au juge afin qu’il précise quel type « d’écoutes informatiques » pratiquer le cas échéant.
Sa défense vise aussi à établir que, techniquement, sur Internet, il n’agit pas en qualité de diffuseur mais de fournisseur d’hébergement. Il avance ainsi l?argument connu dans ce genre d?affaires, selon lequel il lui est difficile, voire impossible, techniquement de vérifier qu’aucun contenu illicite ne se glisse dans la masse des 200.000 pages Web que sa société héberge.
Un parallèle peut être fait avec l?affaire Estelle Hallyday, que nous avons déjà commentée (actualité du 27 février 1999), où un hébergeur a été condamné à payer une indemnité provisionnelle au mannequin Estelle Hallyday pour atteinte à son image. Dans son arrêt du 10 février 1999, la Cour d?appel de Paris, statuant en référé, avait retenu la responsabilité civile du fournisseur d?hébergement.
Gageons que les juges français n?aillent pas trop loin dans l?objectivation de la responsabilité des hébergeurs, et prennent soin de bien distinguer la responsabilité civile, qui ne requiert que la simple faute ou négligence, de la responsabilité pénale, qui exige bien plus, à savoir la conscience de participer ou de contribuer à la commission d?une infraction pénale.
Nous reviendrons bien entendu sur cette affaire en cas de nouveaux développements