Responsabilité des fournisseurs de services – Belgique
Publié le 06/12/1998 par Nicolas Ide
Le Président du Tribunal de première instance de Courtrai a sanctionné la contrefaçon de logiciels sur Internet.Cette affaire concerne le service de la s.a. Ad Valvas par lequel elle propose aux internautes de faire figurer sur son site toutes sortes de petites annonces, publiées sous forme d’un journal virtuel appelé « Ad Valvas Bargains ». Un internaute…
Le Président du Tribunal de première instance de Courtrai a sanctionné la contrefaçon de logiciels sur Internet.
Cette affaire concerne le service de la s.a. Ad Valvas par lequel elle propose aux internautes de faire figurer sur son site toutes sortes de petites annonces, publiées sous forme d’un journal virtuel appelé « Ad Valvas Bargains ». Un internaute peu scrupuleux utilisait ce service gratuit pour proposer des copies de logiciels, apparemment illicites, à des prix très favorables.
Après avoir adressé une mise en demeure à la s.a. Ad Valvas, le titulaire des droits sur certains logiciels ainsi offerts au public, la s.a. Easy Computing, intente contre la s.a. Ad Valvas une action en référé sur base de la loi sur les pratiques du commerce et de son droit d’auteur pour faire interdire toute annonce de ses logiciels via « Ad Valvas Bargains ». Précisons que l’internaute qui vendait les logiciels présumés contrefaits pour son compte en utilisant le service offert par la s.a. Ad Valvas n’était pas à la cause.
Par ordonnance du 10 septembre 1998 (RG 98/275/C, non publiée), le Président du Tribunal de première instance de Courtrai, après avoir constaté l’urgence et l’atteinte sérieuse aux droits de la s.a. Easy Computing, interdit toute annonce par Ad Valvas de logiciels de la s.a. Easy Computing sous peine d’astreinte de 250.000,-BEF par annonce contrevenant à cette interdiction. On notera l’importance de l’astreinte ainsi que le choix d’une action en référé, au lieu d’une action en cessation civile sur base de l’article 87 de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, ou d’une action en cessation commerciale sur base de l’article 95 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur (la L.P.C.C.).
Vu qu’il s’agissait de mesures provisoires, le Président ne s’est pas prononcé sur les moyens de défense invoqués par la s.a. Ad Valvas (absence de qualité de vendeur au sens de l’article 1er, alinéa 6 de la L.P.C.C. – absence d’atteinte au droit d’auteur – impossibilité technique de contrôle du contenu des annonces – responsabilité exclusive dans le chef de l’internaute).
La s.a. Ad Valvas aurait pu éviter la condamnation sous peine d’astreinte en retirant les annonces litigieuses, ce qui aurait eu pour effet de supprimer la condition d’urgence et de rendre la demande de la s.a. Easy Computing non fondée (comme ce fût le cas dans l’affaire des « bootlegs » à Namur).
L’action ayant été intentée en référé, cette décision ne se prononce pas sur les questions de fond, telles que celles relatives à la contrefaçon ou à la responsabilité. Leur appréciation est laissée au juge du fond. Le Président a toutefois appliqué en référé la solution la plus souvent retenue au fond en matière de responsabilité des fournisseurs de services sur Internet, notamment que ceux-ci peuvent être tenus de payer des dommages et intérêts pour les actes illicites commis par des tiers utilisant leurs services, à partir du moment où ils ont eu connaissance de ces actes et où ils ont la possibilité d’y mettre fin.
Pour ceux que ce débat intéresse, tant Ad Valvas que Easy Computing incitent à réagir sur leurs sites respectifs.
Notons que la s.a. Ad Valvas a interjeté appel de cette décision et que la s.a. Easy Computing a introduit une action au fond qui, espérons le, apportera des réponses claires en la matière.