Racisme et Internet : première condamnation belge
Publié le 12/01/2000 par Thibault Verbiest
Le 22 décembre 1999, le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis un officier de police judiciaire et ancien candidat sur les listes du Vlaams Blok à Bruxelles-Villes pour avoir tenu des propos racistes dans divers groupes de discussion (loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés…
Le 22 décembre 1999, le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis un officier de police judiciaire et ancien candidat sur les listes du Vlaams Blok à Bruxelles-Villes pour avoir tenu des propos racistes dans divers groupes de discussion (loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, modifiée par la loi du 12 avril 1993).
Le prévenu a en outre été condamné à payer 100.000 FB de dommages et intérêts à la partie civile, à savoir le Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme.
Il s’agit d’une première en Belgique.
Le jugement est disponible en ligne.
La condition de publicité
Le tribunal considère à juste titre que les « newsgroups » ou forums de discussion « sont des lieux non publics mais ouverts à un certain nombre de personnes » et qui réunissent donc la condition de publicité requise par l’article 444 du code pénal.
La compétence territoriale
A l’instar du tribunal parisien dans l’affaire Faurisson (voir notre précédente actualité), le tribunal se déclare compétent territorialement pour connaître de l’infraction au motif que « les faits calomnieux , la diffamation, les injures étant accomplis en tous lieux où leur diffusion est apte à être reçue ou entendue, l’imputabilité publique ayant été réalisée de cette manière (ibidem page221) ; qu’en l’espèce, il est constant que la réception des messages et la participation au Newsgroup est possible en tous points du territoire belge et a fortiori dans l’arrondissement judiciaire de Bruxelles ».
L’imputabilité des faits
Contrairement à l’affaire Faurisson, le tribunal correctionnel de Bruxelles n’a pas hésité à fonder la culpabilité du prévenu, qui niait l’essentiel des faits, sur un jeu de présomptions.
En effet, aucune investigation n’avait été effectuée par le parquet quant l’identification de l’adresse TCP/IP attribuée à l’ordinateur utilisé par le prévenu. Cette identification aurait pu être opérée moyennant la coopération du fournisseur d’accès, lequel n’a pas été requis par le ministère public de ce faire.
Il convient de noter à cet égard que le Conseil des Ministres a adopté un projet de loi sur la criminalité informatique, déposé à la Chambre en octobre 1999. Le projet prévoit notamment que les fournisseurs d’accès auront l’obligation d’identifier leurs abonnés, de retracer leurs communications via leurs numéros de TCP/IP, et de conserver ces données pendant une durée déterminée par arrêté royal (voir à ce sujet notre article « La criminalité informatique : comment la réprimer ? », L’Echo du 18 novembre 1999, également disponible sur ce site ).
Nonobstant le défaut d’information judiciaire précité, le tribunal considère « qu’une analyse du contenu des messages indique qu’aucun doute n’est possible quant au fait que c’est bien le prévenu qui en est l’auteur » et « qu’il est clair que le prévenu. qui est officier de police judiciaire et qui ne conteste par ailleurs nullement être un adepte assidu des groupes de discussion sur INTERNET, n’aurait certainement pas manqué de protester devant une pareille accumulation de messages signés de son nom, s’il n’en avait pas été l’auteur. »
Pour plus d’informations sur la jurisprudence belge en matière de lutte contre le racisme : voir l’excellent site du Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme