Quelles seront les technologies clés à l’horizon 2020 ? Une étude française tente d’y voir clair.
Publié le 02/06/2016 par Etienne Wery
Si les investisseurs avaient une boule de cristal, leur vie serait plus simple. Il pourraient par exemple anticiper ce que seront les technologies à succès d’ici quelques années, et se focaliser sur celles-ci et leurs applications. C’est précisément ce que le rapport « Technologies Clés 2020 » essaie de faire.
Technologies Clés 2020 est la cinquième édition de l’étude du même genre. Il s’agit d’une initiative du ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique.
L’objectif ? Tenter d’anticiper les technologies les plus prometteuses et leurs applications, en utilisant une démarche scientifique et en gardant à l’esprit que le guide doit poursuivre une finalité opérationnelle et « guider dans leurs choix stratégiques les acteurs de l’innovation technologique, au premier plan desquels on trouve les chefs d’entreprise, les chercheurs académiques et les décideurs publics. »
La cinquième édition de l’analyse s’est focalisée tout particulièrement sur les petites et moyennes entreprises.
Philippe Varin, président du comité stratégique, explique que les domaines applicatifs ont été recensés à partir des besoins primaires pour l’homme et la société que sont l’alimentation, l’habitat, la sécurité, la santé et le bien-être, puis des besoins secondaires que sont l’énergie, la mobilité et l’environnement et enfin avec un besoin de nos sociétés évoluées au travers du domaine de la culture et des loisirs. Un dernier domaine applicatif a été retenu, le numérique, correspondant moins à un besoin qu’à un moyen pour catalyser les autres.
Au final, l’étude met en avant 47 technologies clés répondant à 9 domaines applicatifs.
9 domaines applicatifs
- alimentation
- santé et bien-être
- sécurité
- environnement
- habitat
- énergie
- mobilité
- numérique
- loisirs et culture
47 technologies clés
- Matériaux avancés et actifs
- Capteurs
- Valorisation et intelligence des données massives
- Modélisation, simulation et ingénierie numérique
- Internet des objets
- Infrastructures de 5ème génération
- Systèmes embarqués et distribués sécurisés et sûrs
- Procédés relatifs à la chimie verte
- Fabrication additive
- Robotique et humain augmenté
- Intelligence artificielle
- Robotique autonome
- Communications sécurisées
- Technologies immersives
- Procédés relatifs à la chimie du pétrole
- Recyclage des métaux critiques et terres rares
- Microfluidique
- Métaomique
- Analyse comportementale
- Nouvelles intégrations matériel-logiciel
- Supercalculateurs
- Réseaux électriques intelligents
- Batteries électrochimiques de nouvelle génération
- Carburants de synthèse
- Technologies de l’hydrogène
- Ingénierie génomique
- Solutions innovantes de protection et de stimulation des végétaux
- Souches de probiotiques pour la biopréservation et la nutrition
- Ingénierie tissulaire et cellulaire
- Nouvelles modalités d’immunothérapie
- Dispositifs bio-embarqués
- Technologies d’imagerie pour la santé
- Exploitation numérique des données de santé
- Authentification forte
- Gestion intelligente de l’eau
- Technologies de diagnostic rapide (eau, air, sol)
- Traitement des sols pollués
- Systèmes de rénovation du bâti existant
- Systèmes constructifs à haute qualité environnementale pour le neuf
- Systèmes énergétiques intégrés à l’échelle du bâtiment
- Technologies de récupération de chaleur à basse température
- Solaire photovoltaïque
- Énergies éoliennes
- Technologies pour l’énergie nucléaire
- Technologies pour la propulsion
- Nanoélectronique
- Technologies de conception de contenus et d’expériences
Focus sur quelques technologies
Internet des objets
Concernant l’Internet des objets, l’étude relève qu’Internet devient progressivement un réseau étendu reliant entre eux les objets connectables. Ce réseau constitue l’Internet des objets. Les objets le constituant sont le plus souvent qualifiés de « connectés », mais aussi « communicants » ou « intelligents ». Leur nombre est estimé à 50 à 80 milliards dans le monde d’ici 2020 (15 milliards en 2014). Le rapport insiste sur le fait qu’en se connectant à Internet, les objets connectés génèrent des informations qui augmentent leur valeur intrinsèque, et qu’on assiste très rapidement à un effet de masse qui crée une valeur très élevée.
Outre le poids économique de cette technologie, celle-ci présente la particularité d’interagir avec plusieurs autres technologies clés 2020 : Capteurs ; Nanoélectronique ; Infrastructures mobiles de 5ème génération (5G) ; Exploitation numérique des données de santé ; Valorisation et intelligence des données massives (Big Data) ; Intelligence artificielle (IA) et machine learning.
Au titre des enjeux majeurs de cette technologie, l’étude insiste évidemment sur le fait que l’Internet des objets ne peut pas se développer au détriment de l’usager, qui n’a pas le contrôle ni la connaissance de certaines utilisations de ses données personnelles (mise à disposition auprès de tiers, publicités ciblées, etc.).
Analyse comportementale
La présence de l’analyse comportementale parmi les technologiques clés peut surprendre. L’analyse serait-elle une technologie ? Sa présence dans le rapport s’explique par le fait que cette notion fait référence « aux traitements logiciels visant à détecter un ou plusieurs scenarii complexes mettant en œuvre une succession d’évènements non corrélés dans le temps et l’espace et issus de capteurs/sondes hétérogènes (physiques ou logiques). » Dans l’esprit des auteurs de l’étude, la finalité et les outils sont à ce point indissociables que l’analyse comportementale elle-même se transforme en technologie clé. C’est un point de vue.
Pour les auteurs de l’étude, l’analyse comportementale ouvre la voie à de nouvelles parades en termes de sécurité de par sa capacité préventive, voire prédictive, des menaces auxquelles la société est exposée. Les enjeux sont immenses, qu’il s’agisse des coûts financiers liés aux actions curatives liées à la cybercriminalité (fraude bancaire, usurpation d’identité, vol de données…), ou des conséquences d’actes de malveillance ou de terrorisme (attentats, détérioration d’infrastructures critiques…). Pour ce qui est des autres secteurs (moins critiques) l’analyse comportementale permet notamment de contribuer à l’amélioration du développement marketing et commercial d’une entreprise grâce à une meilleure modélisation et compréhension de chaque client ou groupes de clients.
Les défis technologiques liés à l’analyse comportementale comprennent la maîtrise et l’amélioration des algorithmes.
Sur le plan juridique et réglementaire, le rapport admet qu’il y a une réelle problématique d’ordre éthique qui s’oppose. C’est le moins que l’on puisse dire. La lecture de ce chapitre du rapport fait tout de même furieusement penser au film Matrix.
La santé
La santé est au cœur des technologies clés mentionnées. Cela va des dispositifs bio-embarqués à l’imagerie, en passant par l’exploitation des données de santé, la recherche génomique, l’amélioration du diagnostic, etc.
Plusieurs technologies sont consacrées à la santé.
Le domaine de la santé regroupe également plusieurs types d’industries : l’industrie du médicament, mais aussi le monde du dispositif médical, du diagnostic, des applications cliniques, de l’hygiène et la cosmétique, etc.
Le vieillissement de la population est un facteur accélérant, tout comme l’aversion au risque dans une société qui considère de plus en plus qu’être malade ou physiquement déficient est une anomalie qui doit être corrigée.
La santé est d’autant plus importante pour l’économie française et européenne que le marché et les offreurs sont proches géographiquement. La population européenne est, heureusement, globalement riche et en demande de santé. C’est la notion de marché. Quant aux offreurs, ils ont besoin de cerveaux pour développer les technologies de demain. Or, la qualité des cerveaux est précisément l’un des atouts de l’Union européenne. Il y a longtemps que l’Europe a perdu le combat sur le plan de la production de masse en raison de coûts salariaux le plus souvent plus élevés que dans d’autres régions géographiques du monde ; elle a par contre conservé une position très appréciable sur le plan de la recherche, de l’enseignement et de façon générale de la connaissance.
Il reste alors à renforcer cette position par des mesures publiques stimulant l’innovation, et permettant ensuite la commercialisation et la croissance.
Authentification forte
Enfin, on soulignera parmi les 47 technologies clés, la mise en avant de l’authentification forte.
L’authentification est le processus permettant de garantir qu’une entité (personne, machine etc.) est bien celle qu’elle prétend être. Elle permet par exemple de déterminer si une personne qui cherche à accéder à certaines données ou lieux (compte bancaire, profil internet, compte/abonnement divers, té-léphone ou ordinateur personnel, etc.) est bien habilitée à le faire. Il ne faut pas confondre cette notion avec l’identification. L’identification permet donc à une entité d’annoncer son identité et l’authentification permet de la vérifier.
Pour les auteurs, traditionnellement, trois types de facteurs permettent d’authentifier un individu : ce qu’il sait (mot de passe, code pin, question secrète, etc.), ce qu’il possède (jetons, cartes, etc.) et ce qu’il est (iris, voix, empreinte digitale, etc.). L’authentification est alors qualifiée de forte lorsqu’elle a recours à une combinaison d’au moins deux de ces méthodes.
L’importance de l’authentification forte est une évidence dans une société qui tend à numériser de plus en plus d’informations.
On peut tenter un parallèle avec le billet de banque laissé sur le siège d’une voiture garée dans la rue. Le voleur qui passe va se livrer à un « risk assesment » : vu la configuration des lieux, quel est le risque de me faire prendre et si je suis pris, quelles seront les conséquences ? Bien entendu, la valeur de l’objet convoité influence l’analyse du risque : pour une même situation, la conclusion de l’analyse du risque ne sera pas la même selon que le billet est de 5 euros ou de 500 euros.
Il en va exactement de même au niveau de l’authentification forte. Plus on se dirige vers des centres de données qui contiennent des informations à valeur ajoutée, plus on tente le diable, et plus on a besoin de protection. Or, l’augmentation du nombre de données collectées et leur centralisation sont des réalités depuis bien longtemps.
Les défis sont évidemment technologiques, mais aussi réglementaires en raison des impacts sur la vie privée, par exemple lorsque la biométrie entre en jeu. Il y a également le rôle de l’État qu’il faut régler dans le cadre des schémas d’authentification et la certification des technologies et des entreprises qui les proposent.
Plus d’infos ?
En lisant le rapport, dont une copie est jointe en annexe de cette actualité.
Il faut compter tout de même quelques heures puisque le rapport fait plus de 600 pages, mais cela se lit presque comme un roman.