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Quelle responsabilité pour le fournisseur d’une solution de paiement électronique ?

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Un juge correctionnel vient d’acquitter le fournisseur d’une solution de paiement électronique, poursuivi pour avoir fourni sa solution à un site sur lequel un mineur a téléchargé moyennant paiement des vidéos pornographiques. L’on sait que les intermédiaires situés en France sont régulièrement poursuivis : il s’agit parfois de l’hébergeur, parfois du fournisseur d’accès ou, lorsqu’un…

Un juge correctionnel vient d’acquitter le fournisseur d’une solution de paiement électronique, poursuivi pour avoir fourni sa solution à un site sur lequel un mineur a téléchargé moyennant paiement des vidéos pornographiques.

L’on sait que les intermédiaires situés en France sont régulièrement poursuivis : il s’agit parfois de l’hébergeur, parfois du fournisseur d’accès ou, lorsqu’un paiement a lieu, du fournisseur de la solution de paiement. Plusieurs procédures existent contre ces derniers, surtout dans le domaine des jeux en ligne et des services dits « conviviaux » [lire : pour adulte]. Cette décision éclaire ces poursuites d’un œil neuf.

Les faits – rappel concernant l’article 227-24 du Code pénal

Les faits soumis au tribunal sont classiques : à la lecture de leur facture téléphonique, des parents constatent que leur enfant mineur a téléchargé du matériel pour adulte (en l’espèce, une vidéo à caractère pornographique). Ils dénoncent les faits au Comité de la Télématique Anonyme qui transmet le dossier à la justice, laquelle poursuit … la société commercialisant l’outil de paiement (numéros téléphoniques surtaxés).

C’est ainsi que la personne physique assurant la gérance de la société de paiement électronique est poursuivie pénalement sur base de l’article 227-24 du code pénal. Cette disposition prévoit deux hypothèses :

  1. le fait de fabriquer, transporter, diffuser, par tout moyen et sur tout support, un message à caractère violent ou pornographique ou gravement attentatoire à la dignité humaine,

  2. le fait d’en faire commerce.

Pour que l’incrimination soit retenue, il faut en outre que le message soit susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.

La décision d’acquittement

Le tribunal évacue rapidement la première hypothèse visée par l’article 227-24, relevant « qu’il n’est pas contesté, en l’espèce, que la société dont Laurent B. est le gérant, n’a ni fabriqué, ni transporté ni diffusé de messages à caractère pornographique mais qu’il lui est reproché d’en avoir fait commerce. »

Traduction : le prévenu n’a fait que fournir un outil de paiement ; en aucun cas il n’a participé de près ou de loin à l’élaboration ou la diffusion de la vidéo pornographique. Mais, dans la mesure où son logiciel de paiement a permis d’en faire commerce, c’est la deuxième branche de l’article 227-24 qui sert de fondement aux poursuites.

Sur les éléments matériels de l’infraction, le tribunal retient que le système proposé permet aux visiteurs du site de voir des messages à caractère pornographique auxquels ils n’auraient pas accès, à défaut de son utilisation. Certes, le prévenu mettait en avant les clauses contractuelles qu’il avait pris soin de rédiger et certaines mesures de précautions adoptées, mais le tribunal confirme l’infraction matérielle.

L’intérêt de la décision est ailleurs ; il porte tout d’abord sur l’élément moral de l’infraction. On sait en effet que selon l’article 121-3 alinéa 1 du code pénal, il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.

Le juge relève tout d’abord que l’article 227-24 est un régime d’exception qui doit être appliqué restrictivement, et ce en particulier afin de ne pas porter atteinte au principe de la liberté de communication subsistant entre majeurs.

Et le juge de retenir que la qualité de simple prestataire technique de la société dont le prévenu est le gérant ne permet pas de considérer que Laurent B. avait l’intention de permettre un accès des mineurs à des messages pornographiques dès lors qu’en sa qualité de simple fournisseur d’un mode de paiement, il est, d’une part, tenu d’une certaine neutralité à l’égard des contenus des sites édités par ses clients, aucune obligation de surveillance générale ne pesant sur lui et que, d’autre part, il justifie avoir pris des précautions en imposant contractuellement aux dits éditeurs de sites de « prendre toute mesure nécessaire pour empêcher l’accès de mineurs à tout élément à caractère érotique ou pornographique diffusé sur les pages facturées par le système Allopass ».

Il n’est donc pas établi que le prévenu avait conscience [nous soulignons] de faire commerce de messages pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par des mineurs ; dès lors, à défaut d’élément intentionnel démontré, le délit n’est pas constitué.

Le deuxième intérêt de la décision réside dans le fait de souligner « (…) au surplus, qu’en l’espèce, l’enquête n’a pas permis de mettre en évidence l’accès effectif d’un mineur (…) ».

Quel est le sens de cette précision sachant que l’article 227-24 stipule que le message doit être seulment susceptible [nous soulignons] d’être vu ou perçu par un mineur, et que la jurisprudence habituelle ne s’est jamais attardée sur la question de savoir si le risque s’était matérialisé ou non ?

Assistons-nous à un assouplissement de la jurisprudence sur ce point ? Il est trop tôt pour l’affirmer mais la décision commentée pourrait annoncer les prémisses d’une application raisonnée et raisonnable de l’article 227-24. De plus en plus de voix réclament cette évolution. Dans sa recommandation du 11 février 2004 intitulée « Les enfants du Net », le très sérieux Forum des droits sur l’internet recommandait déjà aux magistrats « que soient privilégiées des solutions réalistes en ce domaine », et les invitait « à privilégier une interprétation des dispositions de l’article 227-24 du Code pénal prenant en compte l’état de l’art des moyens permettant de satisfaire à ses dispositions ».

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