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Punir l’actionnaire pour les fautes commises à l’antenne sur une chaine TV ?

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Tout en limitant la prise de pouvoir au sein de l’actionnariat des chaines de TV – et donc le pouvoir effectif de l’actionnaire sur la direction – la loi grecque prévoit plusieurs sanctions contre les actionnaires si la chaine elle-même viole des règles de la législation nationale ou de déontologie. Inacceptable a décidé la cour de justice de l’UE, qui n’exclut pas pour autant qu’un actionnaire puisse être tenu responsable d’une amende infligée à une société.

La loi grecque définissant le régime juridique et le cadre de fonctionnement de la télévision privée et de la radio locale limite à 25 % la participation maximale qu’une personne physique ou morale peut détenir dans le capital d’une société exploitant une chaîne de télévision. En cas de violation dans une émission des règles de la législation nationale ou de déontologie (respect de la personnalité, de l’honneur, de la réputation, de la vie privée et familiale, de l’activité professionnelle de toute personne dont l’image apparaît à l’écran), la loi prévoit des sanctions, non seulement à l’encontre de la société, mais aussi des actionnaires qui détiennent plus de 2,5% des actions.

Idryma Typou S.A. est actionnaire de la société anonyme Nea Tileorasi AE, propriétaire à son tour de la chaîne de télévision Star Channel. En 2001, le ministre de la Presse et des Médias lui a infligé une amende d’un montant de près de 30 000 euros conjointement et solidairement avec la société Nea Tileorasi, ainsi qu’aux autres actionnaires et membres du conseil d’administration de celle-ci, au motif que, au cours du principal bulletin d’information de Star Channel du 14 février 2000, elle aurait commis une violation du respect de l’honneur et de la réputation de diverses personnalités.

Idryma Typou a contesté la décision devant le Symboulio Epikrateias (Conseil d’État, Grèce). Certains conseillers considèrent que la loi nationale peut être interprétée en ce sens que les actionnaires sont tenus, non sur leur propre dette, mais sur la dette de la société, ce qui pourrait être contraire au principe ─ valable pour les sociétés anonymes ─ de l’absence de responsabilité de l’actionnaire pour les dettes de la société. Ils s’interrogent sur la compatibilité du droit national avec les règles communautaires.

La Cour de justice rappelle que la première directive sur les sociétés anonymes a pour but de protéger les intérêts tant des associés que des tiers. Elle ne prévoit pas de notion uniforme de société par actions ni de société à responsabilité limitée, fondée sur le principe selon lequel seules les sociétés seraient tenues de répondre sur leur patrimoine social de leurs dettes envers les tiers. Elle en déduit que la directive n’impose pas de règle selon laquelle un actionnaire ne pourrait jamais être tenu responsable d’une amende infligée à une société, notamment dans l’hypothèse où celle-ci serait infligée conjointement et solidairement à une société anonyme et à l’actionnaire.

En revanche, une législation nationale qui n’a pas vocation à s’appliquer aux seules participations permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions d’une société, mais s’applique indépendamment de l’ampleur de la participation détenue par un actionnaire, relève aussi bien des principes sur la liberté d’établissement que de la libre circulation des capitaux.

Dans le cas d’espèce, la législation grecque limite, d’une part, à 25 % la participation maximale qu’une personne physique ou morale peut détenir dans le capital social d’une société exploitant une chaîne de télévision et prévoit, d’autre part, qu’une amende peut être infligée à un actionnaire dès qu’il détient plus de 2,5 % des parts de la société. Selon la manière dont le reste du capital social est réparti, une participation de 25 % peut être suffisante pour détenir le contrôle ou, à tout le moins, influencer les décisions d’une société. En revanche, une participation de plus de 2,5 % du capital social ne serait pas suffisante pour permettre à l’actionnaire d’exercer son contrôle sur la société.

Selon la jurisprudence constante de la Cour, les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement, ou qui sont susceptibles d’empêcher ou de limiter l’acquisition d’actions dans des entreprises, ou de dissuader les investisseurs des autres États membres d’investir dans le capital de celles-ci comportent des « restrictions » à la liberté d’établissement ou à la libre circulation des capitaux.

La loi grecque instaure une responsabilité des actionnaires d’une société anonyme de télévision, afin qu’ils fassent en sorte que la société respecte la législation et les règles de déontologie nationales, alors même que les pouvoirs qui leur sont reconnus dans le cadre des organes sociétaires ne leur en donnent pas la possibilité matérielle. En induisant ainsi les actionnaires à conclure des alliances, la loi a un effet dissuasif sur les investisseurs et affecte leur accès au marché des participations dans les sociétés. Cet effet dissuasif est plus important pour les investisseurs des autres États membres, qui sont moins au courant des réalités de la vie des médias en Grèce et rencontrent plus de difficultés à la respecter – bien qu’il frappe indistinctement ces derniers et les investisseurs helléniques.

Ainsi que la juridiction de renvoi l’a exposé, l’objectif de la loi ─ par ailleurs légitime ─ est de faire respecter la législation et la déontologie des journalistes par les sociétés de télévision, afin d’éviter qu’il soit porté atteinte à l’honneur ou à la vie privée des personnes dont l’image apparaît à l’écran. La Grèce a indiqué à l’audience qu’à l’époque de l’adoption de la loi, de nombreux journalistes étaient également actionnaires, possédant plus de 2,5 % de participations dans les sociétés de télévision.

La Cour observe que la loi hellénique prévoit d’autres sanctions plus appropriées, frappant non la simple détention du capital social, mais l’activité de la télévision ─ suspension ou interruption de la diffusion d’une émission, retrait de l’autorisation d’exploitation de la chaîne, sanctions à caractère éthique. Par ailleurs, supposer que tous les actionnaires d’une société anonyme sont des journalistes serait la négation même de la libre circulation des capitaux, qui vise les investissements effectués dans la seule intention de réaliser un placement financier et sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise.

Il en résulte que les principes de liberté d’établissement et de libre circulation des capitaux s’opposent à une réglementation nationale qui inflige des amendes pour violation de la législation et des règles de déontologie régissant le fonctionnement des chaînes de télévision, non seulement à la société titulaire d’une autorisation de créer et d’exploiter une chaîne de télévision, mais aussi conjointement et solidairement à l’ensemble des actionnaires qui détiennent un pourcentage d’actions supérieur à 2,5 %.

(Source : CJUE)

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