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Publicité et vente de médicaments sur l’internet : un commerce légal en droit belge ?

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La question du commerce de médicaments prend à l’heure des nouvelles technologies un essor particulier. En effet, l’internet constitue un formidable réseau de vente à distance pour tous produits ; pour les médicaments également. Si l’enjeu est colossal, les risques sont majeurs en termes de santé publique. La présente chronique sera consacrée à la légalité…

La question du commerce de médicaments prend à l’heure des nouvelles technologies un essor particulier. En effet, l’internet constitue un formidable réseau de vente à distance pour tous produits ; pour les médicaments également. Si l’enjeu est colossal, les risques sont majeurs en termes de santé publique. La présente chronique sera consacrée à la légalité du commerce en ligne de médicaments sous l’angle du droit belge.

Nous renvoyons à notre précédente chronique pour ce qui concerne le droit français.

La publicité auprès du public

Tout site web commercial est soumis au respect des lois du 11 mars 2003 sur le commerce électronique, qui impose notamment des obligations d’information sur le vendeur. Mais la publicité pour les médicaments est encadrée par une réglementation sectorielle, très stricte et précise. Ce sont les lois du 25 mars 1964 et du 20 octobre 1998 qui régissent la matière. S’y ajoute un arrêté royal du 7 avril 1995. Il en découle les prescrits suivants :

Interdictions de diffuser :

  1. Toute publicité d’un médicament non enregistré auprès du Ministère de la Santé publique.
  2. Toute publicité destinée au public d’un médicament soumis à prescription médicale.
  3. Toute publicité notamment dans les publications destinées aux enfants et dans les programmes informatiques. Les sites web destinés aux enfants devraient être également concernés.
  4. Toute recommandation par « publipostage », ce qui devrait viser aussi la publicité par courrier électronique.

Diverses obligations :

  1. Tous les éléments de la publicité doivent être conformes à ceux acceptés lors de l’enregistrement du produit.
  2. La publicité doit être contrôlable.
  3. La publicité doit favoriser l’usage rationnel du médicament.
  4. La publicité doit mentionner la mention « ceci est un médicament, pas d’utilisation prolongée sans avis médical ».

Il est en outre interdit aux publicitaires d’user d’arguments suggérant que la sécurité et l’efficacité du médicament sont dues au fait qu’il s’agit d’une substance naturelle ou d’arguments qui suggèrent que la bonne santé normale du sujet puisse être affectée en cas de non utilisation.

La publicité auprès des professionnels

La publicité auprès des professionnels de la santé est toutefois possible par publipostage, mais à condition qu’il s’agisse d’un réseau fermé et que les personnes en aient fait la demande.

Comment assurer le respect de cette obligation dans un réseau fermé qui serait disponible sur l’internet (via un extranet par exemple) ?

En France, afin de clarifier l’application sur l’internet des règles de publicité à l’adresse des professionnels de la santé, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et le Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (SNIP) ont élaboré une « Charte pour la communication sur internet des entreprises pharmaceutiques ».

La Charte préconise notamment des « restrictions réelles d’accès » à l’entrée du site, à savoir l’attribution d’un code d’accès personnel, remis après avoir vérifié la qualité de professionnel de santé (numéro d’inscription au conseil de l’Ordre par exemple).

L’obligation de notification

La publicité télévisée et radiodiffusée sont des matières relevant de la compétence des trois Communautés. Ces dernières interdisent toute publicité ayant trait à des médicaments nécessitant une prescription médicale. De plus, l’arrêté royal de 1995 prévoit que ces formes de publicité requièrent l’obtention d’un visa d’une durée de validité de deux ans. Ce visa est délivré par le Ministre de la santé après avis de la Commission de contrôle et son numéro doit apparaître dans la publicité.

L’exigence d’un visa n’est toutefois pas requise pour les publicités auprès du public autres que radiophoniques ou télévisuelles. Cette exigence ne concernera donc pas la publicité au cinéma ou via les services de la société de l’information. Seule une obligation de notification préalable devra être respectée par l’annonceur, 30 jours avant la diffusion, auprès du Ministre de la santé.

La déontologie

Outre la législation précitée, il convient de signaler les règles d’autodiscipline dont les professionnels du médicament se sont dotés. L’Association générale de l’Industrie du médicament (AGIM) dispose en effet d’un Code de déontologie conforme à celui de l’Association européenne de l’industrie pharmaceutique (AFPIA) et de l’Association internationale de l’industrie pharmaceutique (FIIM).

En matière d’usage de l’internet, la déontologie insiste sur les obligations suivantes :

  1. l’identité de la société pharmaceutique et du public cible doit apparaître clairement ;
  2. le contenu devrait être adapté au public cible ;
  3. les liens devraient être adéquats et visibles pour le public cible
  4. les informations spécifiques au pays devraient répondre aux exigences locales.

En France, dans le cas de publicité légale auprès du public qui serait diffusée par bandeaux publicitaires sur le web, la Charte précitée relative à la communication sur internet admet que seules les mentions obligatoires allégées (c’est à dire l’indication thérapeutique et « ceci est un médicament ») figurent sur le bandeau d’appel si l’ensemble des mentions obligatoires requises par le Code de la santé publique apparaît clairement dans les pages promotionnelles proposées en hyperlien. Le bandeau devra clairement inciter l’internaute à cliquer pour accéder aux informations.

La vente

Dans quelle mesure de tels produits peuvent-ils être vendus sur l’internet ?

La directive européenne sur les contrats à distance n’exclut pas les ventes de médicaments, mais permet aux Etats membres, qui le souhaitent, de prévoir pareille exclusion pour des raisons d’intérêt général (art. 14). La Belgique n’a pas fait usage de cette faculté, de sorte que le régime des contrats à distance (intégré dans la loi du 14 juillet 1991) s’appliquera pleinement à la commercialisation à distance de produits pharmaceutiques.

Toutefois, avant d’appliquer la réglementation des contrats à distance, encore faut-il déterminer si la vente en ligne de médicaments soumis à prescription est permise au regard des dispositions légales propres à la matière ainsi que des règles déontologiques applicables aux pharmaciens et médecins prescripteurs.

L’analyse juridique s’inscrit bien entendu dans une problématique plus vaste de santé publique, qui a été parfaitement résumée par l’Organisation Mondiale de la Santé dans une résolution du 12 mai 1997 : “…la publicité, la promotion et la vente par Internet risquent de déboucher sur un commerce transfrontière incontrôlé de produits médicaux susceptibles de ne pas être évalués ni approuvés et d’être dangereux ou inefficaces ou encore d’être mal utilisés ».

L’ouverture d’une officine virtuelle en Belgique

En Europe, de manière générale, les autorités publiques et ordinales sont réticentes à accepter l’idée d’une officine pharmaceutique virtuelle.

Une seule certitude : seuls des personnes disposant des diplômes et des titres requis pour exercer la profession de pharmacien pourraient envisager, en toute hypothèse, d’administrer le site d’une officine électronique.

Une vente en dehors de l’officine « physique » est-elle légale en Belgique ?

La réponse négative semble s’imposer dans la mesure où la loi du 31 mai 1885 dispose que « tout médicament est délivré en mains propres au malade ou à son mandataire » (article 26bis).

Toutefois, depuis la reconnaissance légale de la signature électronique, rien ne s’oppose en théorie à ce que des prescriptions médicales soient transmises en ligne par le médecin prescripteur au pharmacien.

L’Ordre national des Médecins lui-même estime que « la transmission d’une prescription par voie électronique pourrait se réaliser sous le respect des conditions de sécurité prévues par le Conseil national pour l’échange de données médicales. Ceci nécessite un réseau de communications protégées. S’il s’agit d’adresser ces prescriptions électroniques à un pharmacien déterminé, une infrastructure technique devra également être prévue pour sauvegarder le libre choix du pharmacien par le patient. ».

De fait, l’Ordre s’est déjà doté d’une infrastructure de certification électronique des médecins.

Il resterait donc à permettre la délivrance par voie postale des médicaments après vérification de l’identité des parties et de l’intégrité et authenticité de la prescription. Mais cela demanderait manifestement une modification législative, que les mentalités ne sont pas encore prêtes à accepter…

La consultation médicale en ligne

Envoyer une prescription par internet au pharmacien, et livrer le médicament prescrit par voie postale sont une chose ; permettre une vraie consultation en ligne – sans contact physique – suivie d’une prescription électronique en est une autre.

En août 2000, le Conseil national de l’Ordre des médecins a adopté un avis intitulé “ Consultations médicales et la vente par correspondance de médicaments via internet ».

L’opinion exprimée est sans équivoque :

« 1. Une consultation médicale nécessite un interrogatoire et un examen clinique par un médecin qualifié, autorisé à pratiquer l’art de guérir, et qui engage sa responsabilité. Des consultations médicales par internet sont en opposition formelle avec ces principes. Elles posent par ailleurs des problèmes de responsabilité non résolus. Il faut distinguer la consultation médicale, entre un médecin et un patient, de la télémédecine. Cette dernière constitue une communication à distance entre médecins au sujet d’un problème médical défini ou encore entre un médecin et un patient éloigné et/ou isolé. Dans ces cas, le médecin consulté ne peut formuler qu’une opinion relative.

2. La prescription fait partie de la consultation médicale et ne peut concerner que des patients qui font ou qui ont fait l’objet d’une consultation par le médecin. »

Les sites étrangers

En termes de protection du consommateur, le plus grand danger provient certainement de ces centaines de sites web étrangers, souvent soumis à des législations moins contraignantes, et qui permettent de se procurer librement des médicaments qui sont soit non autorisés soit soumis à prescription en Belgique.

En droit, ces agissements sont pénalement sanctionnés, qu’il s’agisse d’une atteinte au monopole pharmaceutique, de la délivrance d’un médicament non autorisé ou de la délivrance d’un médicament sans prescription médicale. Dans la mesure où des consommateurs belges peuvent acheter des médicaments sur de tels sites, les tribunaux répressifs compétents seront compétents, par application de la théorie de l’ubiquité.

La question est plus délicate lorsque le site web litigieux est établi dans un Etat membre de l’Union européenne et vend des médicaments autorisés ou non soumis à prescription dans cet Etat. Si ces mêmes médicaments ne sont pas autorisés en Belgique ou y sont soumis à prescription, des poursuites sont-elles néanmoins possibles ? L’hypothèse n’est pas théorique, compte tenu du faible degré d’harmonisation des législations européennes relatives aux conditions de vente au détail des médicaments.

Le monopole dont bénéficient les pharmaciens dans certains Etats membres en matière de distribution de médicaments au public a été jugé conforme au droit communautaire par la Cour de justice. En serait-il de même dans le cas d’une officine virtuelle autorisée dans un seul Etat membre, et s’adressant à des consommateurs d’autres Etats membres, comme la Belgique ?

La réponse doit être trouvée dans la directive sur le commerce électronique, qui est applicable à la distribution en ligne de médicaments.

En effet, l’article 4 de la directive dispose que « Les États membres veillent à ce que l’accès à l’activité d’un prestataire de services de la société de l’information et l’exercice de celle-ci ne puissent pas être soumis à un régime d’autorisation préalable ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent. ». Le principe de non autorisation préalable ne fait toutefois pas obstacle aux « régimes d’autorisation qui ne visent pas spécifiquement et exclusivement les services de la société de l’information ». Or, tel est bien le cas du monopole pharmaceutique.

S’agissant de la vente de médicaments par l’internet au sein de l’Union européenne, la Cour de justice a rendu un arrêt de principe en date du 11 décembre 2003 : une interdiction nationale de vente par correspondance des médicaments dont la vente est réservée exclusivement aux pharmacies dans l’État membre concerné constitue une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 28 CE.

Toutefois, selon la Cour de justice, l’article 30 CE peut être invoqué pour justifier une interdiction nationale de vente par correspondance des médicaments dont la vente est réservée exclusivement aux pharmacies dans l’État membre concerné, pour autant qu’elle vise les médicaments soumis à prescription médicale. En revanche, l’article 30 CE ne peut être invoqué pour justifier une interdiction absolue de vente par correspondance des médicaments qui ne sont pas soumis à prescription médicale dans l’État membre concerné.

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