Projet de loi sur l’économie numérique : un droit spécifique de l’internet se profile en France
Publié le 21/12/2003 par Thibault Verbiest, Janice Dervaux
Ce mercredi 10 décembre 2003, la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale examinait, en deuxième lecture, le projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) tel que modifié par le Sénat en milieu d’année (pour une analyse détaillée du projet de loi initial, voyez le dossier qui lui a été consacré). En…
Ce mercredi 10 décembre 2003, la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale examinait, en deuxième lecture, le projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) tel que modifié par le Sénat en milieu d’année (pour une analyse détaillée du projet de loi initial, voyez le dossier qui lui a été consacré).
En préparation de la discussion en séance publique, qui devrait se tenir les 7 et 8 janvier 2004 à l’Assemblé Nationale, la Commission des affaires économiques a introduit plusieurs amendements touchant notamment au rattachement de l’internet à l’audiovisuel, à la responsabilité des hébergeurs et à la lutte contre le spam.
Le rattachement de l’internet à l’audiovisuel est rejeté
L’amendement phare apporté par la Commission des affaires économiques tend à créer un droit spécifique de l’internet plutôt que de rattacher celui-ci au domaine de l’audiovisuel. Il a été considéré que le domaine juridique de l’internet doit être défini « dans ce qu’il comporte de véritablement spécifique, tout le reste étant renvoyé au droit commun ». Les professionnels du secteur se seraient par ailleurs accordés quant à la nécessité d’une définition autonome de la communication publique en ligne qui, dans le projet initial, était définie comme étant « toute communication audiovisuelle transmise sur demande individuelle formulée par une procédé de télécommunication ».
La Commission des affaires économiques réaffirme donc la position qu’elle avait déjà soutenue en première lecture. A l’époque, l’amendement qui avait été proposé avait ensuite été retiré en séance publique.
Les industries culturelles ont d’ores et déjà réaffirmé leur hostilité à ce droit de l’internet. Lors de la phase de première lecture, leur opposition se justifiait par trois arguments : le phénomène de convergence technique qui empêche la distinction entre ce qui relève de l’internet et ce qui relève de l’audiovisuel, la menace pesant sur la propriété intellectuelle qui nécessite une régulation forte, semblable à celle en matière audiovisuelle et enfin, la fragilisation des positions françaises relatives à l’exception culturelle dans les négociations internationales.
Il semble que seul ce dernier argument soit encore avancé à l’heure actuelle. Il a néanmoins été jugé peu pertinent par la Commission des affaires économiques lors de cette deuxième lecture.
Responsabilité des hébergeurs : une obligation spécifique de surveillance
Il s’agit ici d’imposer un contrôle des pages stockées en vue de prévenir la diffusion de contenus qui serait constitutive de certaines infractions particulièrement odieuses, comme par exemple la diffusion d’information faisant l’apologie des crimes de guerre ou incitant à la haine raciale.
Ce principe avait été adopté par l’assemblée nationale en première lecture mais avait été supprimé par le Sénat qui considérait qu’il s’agissait d’une obligation de surveillance de type général, contraire à la directive sur le commerce électronique.
A nouveau, la Commission des affaires économiques réaffirme sa position initiale, considérant qu’il n’y a pas contrariété avec le droit européen puisqu’il s’agirait selon elle d’une obligation spécifique et non générale.
La lutte contre le spam : un opt-in présumé pour les fichiers déjà constitués
La Commission des affaires économiques a tenu à adoucir le régime strict de l’opt-in pour ce qui concerne les fichiers déjà constitués par les entreprises dans le respect de la législation actuellement en vigueur.
La Commission considère en effet que ces fichiers représentent des actifs économiques importants dont l’utilisation doit pouvoir continuer.
A défaut de pouvoir appliquer un régime transitoire dès lors que le délai de transposition de la directive « vie privée dans les communications électroniques » est expiré depuis le 31 octobre dernier, la Commission propose un nouvel amendement, qui prévoit que le régime de l’opt-in pour la prospection directe au moyen d’un courrier électronique ne s’applique pas aux fichiers déjà existants. Voilà certainement de quoi contenter le secteur du marketing direct…
Ces divers amendements doivent encore passer le cap de la discussion en séance publique de l’Assemblée Nationale. Le Sénat devra ensuite se prononcer à nouveau. Il serait cependant utile que la navette parlementaire ne s’éternise pas trop.
La France a déjà fait l’objet d’un rappel à l’ordre des institutions européennes pour son retard dans la transposition de la directive commerce électronique.
Et elle se trouve à nouveau dans la ligne de mire de la Commission européenne pour défaut de transposition de la directive vie privée dans les communications électroniques (voyez l’actualité consacrée à ce sujet).