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Préactiver un service payant peut constituer une pratique déloyale

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La mise sur le marché de cartes SIM contenant des services payants préinstallés et préalablement activés constitue une pratique commerciale agressive déloyale lorsque les consommateurs n’en sont pas informés préalablement. Une telle conduite constitue notamment une « fourniture non demandée » qui peut être sanctionnée par une autorité nationale autre que celle prévue par le droit de l’Union en matière de communications électroniques. Tel est en substance la portée de l’arrêt rendu par la CJUE ce 13 septembre.

Les faits

En 2012, l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (autorité italienne garante de la concurrence et du marché, AGCM) a infligé des amendes aux sociétés Wind Telecomunicazioni (actuellement Wind Tre) et Vodafone Omnitel (actuellement Vodafone Italia) pour avoir commercialisé des cartes SIM (Subscriber Identity Module) sur lesquelles étaient préinstallés et préalablement activés des services de navigation sur Internet et de messagerie vocale, dont les frais étaient facturés à l’utilisateur dans le cas où ce dernier ne demandait pas expressément leur désactivation.

L’AGCM reprochait aux deux sociétés de ne pas avoir préalablement informé de manière adéquate les consommateurs du fait que ces services étaient préinstallés et préalablement activés et qu’ils étaient payants. Le service de navigation sur Internet pouvait même conduire à des connexions effectuées à l’insu de l’utilisateur, notamment par des applications dites « always on » (toujours activées).

La procédure

Saisi par Wind Tre et Vodafone Italia, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) a annulé les décisions de l’AGCM en déclarant que de telles sanctions relevaient de la compétence d’une autre autorité, l’Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni (autorité garante des communications, AGCom).

Saisi de ces affaires en appel, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a soumis des questions préliminaires à son assemblée plénière. Par arrêts rendus en 2016, celle-ci a préalablement établi que, selon le droit italien, la compétence pour sanctionner la simple violation de l’obligation d’information dans le secteur des communications électroniques appartient à l’AGCom, alors que la sanction d’une « pratique commerciale agressive en toutes circonstances » (comme notamment une « fourniture non demandée ») relève de la compétence de l’AGCM, y compris dans le secteur des communications électroniques 1.

Le Consiglio di Stato s’interroge toutefois sur la compatibilité avec le droit de l’Union de cette interprétation donnée par l’assemblée plénière. Il a ainsi décidé de poser des questions préjudicielles sur l’interprétation, d’une part, de la directive sur les pratiques commerciales déloyales (laquelle a pour objectif d’assurer un niveau élevé de protection de l’ensemble des consommateurs) et, d’autre part, du droit de l’Union en matière de communications électroniques (plus particulièrement la directive « cadre » et la directive « service universel » qui visent à assurer la disponibilité de services de bonne qualité accessibles au public grâce à une concurrence et à un choix effectifs, en confiant aux autorités réglementaires nationales (ARN) – en Italie, l’AGCom – la tâche d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs dans le secteur spécifique des communications électroniques).

En particulier, le Consiglio di Stato demande à la Cour de justice si le comportement en cause des opérateurs de téléphonie peut être qualifié de « fourniture non demandée » ou, plus largement, de « pratique commerciale agressive » au sens de la directive sur les pratiques commerciales déloyales et si le droit de l’Union en matière de communications électroniques s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle une « fourniture non demandée » relève de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, avec la conséquence que l’ARN n’est pas compétente pour sanctionner un tel comportement.

L’arrêt rendu

La Cour observe que la demande d’un service doit consister en un choix libre de la part du consommateur.

Or, lorsque le consommateur n’a été informé ni des coûts des services ni même de leur préinstallation et de leur activation préalable sur la carte SIM qu’il a achetée (ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier), il ne saurait être considéré que celui-ci a librement choisi la fourniture de tels services.

À cet égard, il est indifférent que l’utilisation des services ait pu, dans certains cas, nécessiter une action consciente de la part du consommateur. De même, il est indifférent que le consommateur ait eu la possibilité de faire désactiver ou de désactiver lui-même ces services, dès lors qu’il n’avait pas été préalablement informé de leur existence.

La Cour relève que, bien qu’il appartienne à la juridiction nationale de déterminer la réaction typique du consommateur moyen, il n’est pas évident qu’un acheteur moyen de carte SIM puisse être conscient du fait que celle-ci contient des services préinstallés et préalablement activés susceptibles de générer des frais additionnels ou du fait que des applications ou l’appareil lui-même sont susceptibles de se connecter à son insu à Internet ni qu’il ait une maîtrise technique suffisante pour désactiver ces services ou ces connections automatiques sur son appareil.

La Cour en conclut que, sous réserve de vérification par la juridiction nationale, des comportements tels que ceux reprochés aux opérateurs de téléphonie en cause constituent une « fourniture non demandée » et donc, selon la directive sur les pratiques commerciales déloyales, une pratique déloyale – et plus précisément une pratique agressive – en toutes circonstances.

Par ailleurs, la Cour constate qu’il n’existe pas de conflit entre la directive sur les pratiques commerciale déloyales et la directive « service universel » en ce qui concerne les droits des utilisateurs finals. En effet, cette dernière impose au prestataire de services de communications électroniques de fournir certaines informations dans le contrat, alors que la première régit des aspects particuliers des pratiques commerciales déloyales, telles que la « fourniture non demandée ». La Cour déclare par conséquent que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle une « fourniture non demandée » doit être appréciée au regard de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, avec la conséquence que, selon cette réglementation, l’ARN au sens de la directive « cadre » n’est pas compétente pour sanctionner un tel comportement.

Plus d’infos ?

L’arrêt et les conclusions de l’avocat général sont joints en annexe.

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