Pratiques anticoncurrentielles: comment se comporte le commerce électronique en Europe ?
Publié le 21/09/2016 par Etienne Wery
La Commission a publié son pré-rapport. Mis à part le géoblocage des contenus numériques, le plus gros point noir porte sur la distribution sélective. Les fabricants tentent en effet de reprendre la main sur le commerce en ligne et flirtent avec les limites de la loi. Au menu des restrictions imposées aux détaillants et points de vente : prix imposé, interdiction de vente en ligne et/ou de comparaison des prix, restrictions territoriales.
Le rapport préliminaire de la Commission européenne concernant son enquête sectorielle sur le commerce électronique confirme la croissance rapide du secteur dans l’UE et recense les pratiques commerciales susceptibles de restreindre la concurrence et de limiter le choix des consommateurs.
La Commission a lancé l’enquête sectorielle sur le commerce électronique en mai 2015 dans le cadre de sa stratégie pour un marché unique numérique. L’un des principaux volets de cette stratégie consiste à améliorer l’accès des consommateurs et des entreprises aux biens et aux services.
L’enquête sectorielle vient compléter les propositions législatives de la Commission en la matière.
L’objectif de l’enquête sectorielle est de permettre à la Commission de recenser les éventuels problèmes de concurrence sur les marchés européens du commerce électronique. Au cours de l’enquête, la Commission a recueilli des données fournies par près de 1 800 entreprises opérant dans le commerce électronique de biens de consommation et de contenus numériques et a analysé environ 8 000 contrats de distribution. Le rapport préliminaire publié aujourd’hui présente les premières conclusions de la Commission sur ces questions.
Le rapport recense les pratiques commerciales susceptibles de poser des problèmes de concurrence. La Commission pourrait ouvrir des enquêtes sur des cas spécifiques afin de garantir le respect des règles de l’UE concernant les pratiques commerciales restrictives et les abus de position dominante.
Principales conclusions
Le rapport préliminaire confirme l’importance croissante du commerce électronique. Il indique que plus de la moitié des adultes européens ont commandé des biens de consommation ou des services en ligne en 2015, ce chiffre passant à plus de huit personnes sur dix dans certains États membres. Le commerce électronique constitue un moteur important de la transparence des prix et de la concurrence par les prix, qui augmentent le choix des consommateurs et leur capacité à trouver les meilleures offres. Cette transparence a également des effets du côté de l’offre: le rapport constate, par exemple, que plus de la moitié des détaillants suivent les prix des concurrents et que la grande majorité d’entre eux réagissent aux changements de prix des concurrents.
Le rapport préliminaire met également en évidence certaines pratiques commerciales susceptibles de limiter cette concurrence en ligne. Ce rapport devrait amener les entreprises à revoir leurs contrats de distribution actuels et à se mettre en conformité avec les règles de concurrence de l’UE si tel n’est pas le cas.
Vente en ligne de biens de consommation
Les fabricants ont réagi à la croissance du commerce électronique en adoptant un certain nombre de pratiques leur permettant de mieux contrôler la distribution de leurs produits et le positionnement de leurs marques. Les systèmes de distribution sélective, en vertu desquels les produits ne peuvent être vendus que par des vendeurs agréés présélectionnés, sont utilisés de plus en plus fréquemment et les fabricants vendent de plus en plus leurs produits en ligne directement aux consommateurs.
Les fabricants recourent aussi de plus en plus souvent à des restrictions contractuelles des ventes dans leurs accords de distribution.
Le rapport constate que :
· plus de deux détaillants sur cinq doivent faire face à une certaine forme de recommandation de prix ou de limitation de prix imposée par les fabricants ;
· près d’un détaillant sur cinq est contractuellement empêché de vendre sur les marchés en ligne ;
· près d’un détaillant sur dix est contractuellement empêché de soumettre des offres à des sites web de comparaison des prix ;
· plus d’un détaillant sur dix déclare que ses fournisseurs imposent des restrictions contractuelles aux ventes transfrontières.
La Commission note que « Toutes les restrictions contractuelles des ventes de ce type peuvent, dans certaines circonstances, compliquer les achats transfrontières ou les achats en ligne en général et, en fin de compte, porter préjudice aux consommateurs en les empêchant de bénéficier d’un choix élargi et de prix plus bas dans le secteur du commerce électronique. »
Traduction en langage simple : on touche ici aux limites de ce qui est légal, et la Commission va suivre cela de très près.
Contenus numériques
La disponibilité de licences auprès de titulaires de droits d’auteur portant sur des contenus numériques est essentielle pour les fournisseurs de contenus numériques et un facteur de concurrence déterminant sur le marché.
Le rapport constate que les accords de licence en matière de droits d’auteur sont complexes et souvent exclusifs. Ces accords prévoient les territoires, les technologies et les fenêtres de mise à disposition que les fournisseurs de contenus numériques peuvent utiliser.
Blocage géographique
En lien avec les contenus numériques, la Commission a publié en mars 2016 ses premières conclusions sur le blocage géographique, selon lesquelles ces pratiques étaient répandues dans le secteur du commerce électronique dans l’ensemble de l’UE, en particulier en ce qui concerne les contenus numériques. Plus de 60 % des accords de licence soumis par des titulaires de droits sont limités au territoire d’un seul État membre. Près de 60 % des fournisseurs de contenus numériques ayant participé à l’enquête ont convenu contractuellement avec des titulaires de droits de mettre en œuvre un blocage géographique.
Si le blocage géographique résulte d’accords entre fournisseurs et distributeurs, il est susceptible de restreindre la concurrence au sein du marché unique, en violation des règles de concurrence de l’UE. Toute mesure concernant le blocage géographique qui viserait à faire respecter les règles de concurrence devrait être fondée sur une évaluation au cas par cas, notamment des possibles justifications aux restrictions repérées.
Plus d’infos ?
En lisant le pré-rapport, disponible en annexe à la présente actu.
(Source : CE)