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Pour la Cour d’appel, la compétence des juges français nécessite un lien substantiel des faits délictueux avec la France.

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Dans un arrêt du 14 février 2008, la Cour d’Appel de Paris a rappelé les conditions dans lesquelles les juridictions françaises sont compétentes par rapport à un site web opéré par une société étrangère. A bon droit, la Cour consacre la théorie dite du lien substantiel.

L’arrêt rendu est dénué de toute ambigüité : la cour rappelle que la compétence des juges français est conditionnée à la réalité d’un « lien suffisant, substantiel ou significatif des faits délictuels avec le territoire français ».

Les faits de la cause

Les faits de la cause sont les suivants :

– Divers clubs de football et joueurs professionnels, extrêmement célèbres, se sont lancés depuis deux ans dans une croisade contre les sites de jeux en ligne.

– Leur objectif : faire cesser la possibilité de paris en ligne les concernant.

– Leur moyen : invoquer le droit à la marque des clubs de football, et le droit à l’image des joueurs professionnels. Les plaignants estiment en effet que l’utilisation de la marque des clubs sur les sites de jeux en ligne, et la reproduction de photos des joueurs (dont la provenance légale n’est pas remise en cause), constituent une infraction qu’il convient de faire cesser sous le bénéfice du référé.

L’action est caractérisée par le fait qu’elle implique plusieurs pays. Pour des motifs qui leur appartiennent, les plaignants ont en effet assigné simultanément plusieurs sociétés de jeux en ligne qui relèvent de différents droits, dont le droit anglais et le droit maltais. Un défendeur est une société établie hors de l’UE.

Il n’en fallait pas plus pour que la compétence soit très rapidement au centre des débats.

Par ordonnance du 31 mai 2006, le juge de la mise en état a rejeté les différentes exceptions d’incompétence soulevées par les défendeurs.

C’est cette ordonnance qui est soumise à la Cour.

S’agissant des défenderesses européennes, on sait que la base de la matière réside dans l’article 5-3 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000, qui stipule qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un état membre de l’Union Européenne peut être attraite dans un autre état membre en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le Tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

S’agissant de la société défenderesse non-européenne, le règlement précité ne lui est bien entendu pas applicable, et en ce cas c’est l’article 46 du Code de procédure civile qui est le siège de la matière. Cette disposition stipule que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.

Tout cela est très bien, mais où le fait dommageable s’est-il produit dès lors que l’on parle de l’internet ? Et où le dommage est-il subi ?

La Cour l’affirme : « l’existence d’un fait dommageable susceptible de s’être produit en France suppose que soit constatée la réalité d’un lien suffisant, substantiel ou significatif des faits délictuels invoqués avec les territoires français ».

Cet attendu est fondamental.

La Cour se livre en effet à une analyse détaillée du fonctionnement des sites impliqués, pour conclure que (1) aucun d’eux n’est hébergé en France ; (2) en ce qui concerne les litiges relatifs aux paris réalisés, les sites se placent sous la compétence de juridictions étrangères ; (3) deux des sites ne comprennent aucune rubrique en français, alors que leurs pages peuvent être lues en de nombreuses autres langues ; (4) un des sites n’est quant à lui rédigé qu’en langue espagnole ; (5) au moins un des sites impliqués ne propose aucun paris sur les matchs de football français ; (6) pour ceux qui proposent de parier sur des matchs de football français, la cour relève que l’activité française est extrêmement réduite (la cour analyse ici le nombre de paris effectués, leur impact économique, et le nombre de matchs concernés).

Pour la Cour, il se déduit de l’ensemble de ces éléments que, « par leur mode de fonctionnement et leur contenu, les sites internet en cause ne sont pas destinés au public français autrement que de façon marginale, ainsi que le soutiennent d’ailleurs les exploitants eux-mêmes de ces sites ; que le fait dommageable invoqué ne présente pas, dans ces conditions, un lien suffisant, substantiel ou significatif avec le territoire français ».

Cet arrêt, parfaitement clair, nous semble devoir être approuvé.

Il met un terme à certaines dérives jurisprudentielles passées, selon lesquelles la simple accessibilité d’un site à partir du territoire français suffit à fonder la compétence des juridictions françaises. Il substitue à ces égarements la théorie dite du lien substantiel, nettement plus compatible avec le règlement européen et les développements internationaux.

Plus d’informations ?

En lisant la décision commentée, disponible dans notre rubrique jurisprudence.

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