La cour d’appel de Versailles énonce, le 4 mars 2009, la relaxe du Groupe Partouche International et de Patrick Partouche alors qu’ils ont participé à une offre illégale de poker en ligne à destination de la France.
A la suite d’une décision rendue par le
TGI de Nanterre le 15 mars 2007condamnant Raymond, Pascal, Patrick ainsi que le Groupe Partouche à des délits pénaux, les prévenus ont interjeté appel de la décision.
Ils leur ont été respectivement reprochés la participation à la tenue d’une maison de jeu ouverte au public ainsi que la complicité pour Patrick Partouche et le groupe. A ce titre et selon le tribunal du premier degré, ils violaient la
loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard. Les actes prohibés accomplis par les prévenus se sont déroulés de 2005 à 2006. Il s’agissait de l’exploitation du site "www.poker770.com" qui comme son nom l’indique proposait et organisait des parties de poker
Texas hold’em à des internautes situés sur le territoire français (
il convient d’observer plus en détail les faits au regard des décisions CA Versailles, 4 mars 2009 et TGI Nanterre, 15 mars 2007 en raison de la longueur et de la complexité des faits. Plusieurs montages juridiques ont été élaborés notamment en positionnant des sociétés et holdings au sein de paradis fiscaux. La simple lecture des pays mentionnés dans l’arrêt d’appel suffit à nous faire voyager et réaliser un tour du monde).
La décision de la cour d’appel de Versailles ici étudiée présente plusieurs intérêts tant sur le plan juridique que sur le marché économique des jeux de hasard. En effet, cet arrêt offre des solutions juridiques satisfaisantes tout au long de sa lecture. Néanmoins, le dénouement apparaît illogique sur le plan du droit mais s’explique aisément par les impacts économiques néfastes qu’aurait eu une décision a contrario.
La discussion se structure en quatre parties, toutefois la première d’entre elle ne mérite pas que l’on s’y attarde. En réalité, les appelants ont soulevé in limine litis des exceptions de nullités qui ne reflètent qu’un aspect procédural pour lequel aucun intérêt de doit être porté dans l’analyse de cette affaire.
La compétence des juridictions françaises
En revanche, la deuxième partie de la discussion pose la question de savoir si une juridiction française est bien compétente. Aussi, à la lumière du 1er alinéa de l’
article 113-2 du code pénal "
la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République". La difficulté réside alors dans la forme d’application d’une telle disposition à l’égard d’un site internet, en l’espèce "poker770". A ceci il faut néanmoins ajouter le second alinéa de ce même article sur lequel la cour d’appel de Versailles s’est fondée pour reconnaître la compétence de la juridiction française. Le second alinéa pose que "
l’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ces éléments constitutifs a eu lieu sur ce territoire".
Les magistrats en s’appuyant sur les éléments de l’enquête en relèvent quatre qui convergent directement vers le territoire français. En premier lieu, l’extension du nom de domaine est en ".fr". En deuxième lieu, la mention "premier club de poker français" apparaît sur le site. En troisième lieu, le numéro de téléphone indiqué dans les contacts est un numéro localisé dans la région parisienne. Enfin quatrièmement point, le site est accessible depuis la France sans aucune restriction. Il en résulte que la cible est bien l’internaute français et le territoire français, permettant de considérer ces agissements comme désireux d’entraîner les cyberjoueurs français à jouer au poker sur site illégal en vue d’en tirer profit. Dès lors, les juridictions françaises sont compétentes.
Les faits reprochés aux prévenus sont la participation à la tenue d’une maison de jeu de hasard accessible au public et la complicité du même chef d’accusation. Ainsi, les conseils des appelants insistent sur le terme "maison" énoncé par l’article premier de loi du 12 juillet 1983. La notion de "maison" ne peut pas s’appliquer en l’espèce puisqu’il s’agit d’un cybercasino. En effet, le droit pénal impose par principe une interprétation stricte des dispositions qui s’y rattachent si bien que selon eux, un casino virtuel ne doit pas être considéré comme une maison de jeu.
La cour d’appel rejette cet argument en raison de l’impossibilité du législateur de l’époque de se prémunir contre les cybercasinos sur le simple constat de la naissance du Web dans les années 90.
Le second point qui mérite d’être abordé est le rangement du jeu de poker dans la catégorie des jeux de hasard. En effet, il est réfuté devant la cour d’appel l’appartenance du poker Texas hold’em à la catégorie des jeux de hasard. Les joueurs et certains spécialistes classent cette activité récréative avec les jeux d’adresse considérant que l’habileté et la ruse du joueur dominent l’aléa qui réside dans ce divertissement.
C’est analyse n’est pas partagé par la cour d’appel de Versailles qui à la lumière de jurisprudences anciennes énonce que le poker est un jeu de hasard. La juridiction ne remet pas en question le talent que possède un joueur dans un tel jeu mais estime que le hasard est prépondérant face à l’habileté, la ruse et l’adresse des participants. (
Une cour d’appel de Caroline du nord en était arrivée à la même conclusion le 1er mai 2007, joker club v.Hardin).
Cependant, il est admis que la belote ou le bridge ne sont pas des jeux de hasard pur. L’aléa n’intervient qu’au moment de la distribution des cartes, ensuite se sont les joueurs qui agissent sur le déroulement du jeu. En conséquence, ces jeux de carte contrairement au poker subissent largement l’influence des participants que l’on parle de ruse, d’adresse intellectuelle ou d’habileté.
En toutes hypothèses, la cour d’appel considère que les modalités de fonctionnement des parties de poker sur le site en question ne sont ni contrôlés, ni contrôlables. Ce constat conduit à penser que les cyberjoueurs sont en danger car les chances de gains peuvent être modifiées par l’organisateur dans la mesure où il aurait des intentions malicieuses ou frauduleuses.
Jusqu’ici tous les éléments soulevés sont défavorables à l’égard des prévenus, en ce qui concerne la compétence territoriale et l’application de la loi du 12 juillet 1983 à l’affaire. Désormais, abordons les éléments d’implication des appelants dans les faits au regard des preuves.
L’imputabilité des faits reprochés
Au regard des faits et des preuves recueillis par les enquêteurs, les magistrats déduisent la culpabilité de Raymond Partouche pour participation à la tenue d’une maison de jeu accessible au public. Tous les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis. Toutefois, en raison du décès de Raymond Partouche le 5 janvier 2009, l’action publique est ipso facto éteinte.
En ce qui concerne Pascal Partouche la décision de première instance est infirmée par l’arrêt d’appel.
Pour Patrick Partouche et le groupe Partouche International, la décision est également infirmée. Cependant, la solution semble peu étayée par la cour d’appel de Versailles. Cette dernière souligne que "le groupe GPI que Patrick P. ne pouvaient ignorer le risque résultant de la signature de cette convention". Selon la cour cela ne suffit pas pour en conclure une infraction de complicité. Néanmoins, l’arrêt rendu s’explique aisément et s’impose logiquement.
Cette décision est rendue la veille des déclarations du ministre du budget, Eric Woerth, sur
la procédure d’ouverture du secteur des jeux et paris en France. De plus, le Conseil d’Etat est toujours dans l’attente de réponses aux questions préjudicielles posées à la CJCE (
CE 9 mai 2008) relatives au monopole sur les courses hippiques mais également sur les autres monopoles étatiques de jeu sur le territoire français. En définitive, il aurait été mal venu qu’une décision, comme celle-ci, désigne coupable un ou plusieurs des futurs intervenants du marché des jeux d’argent par l’application d’une loi qui sera modifiée dans quelques mois et offrira sûrement une solution inverse.
Aussi, un arrêt confirmatif de la
décision du TGI de Nanterre aurait eu pour effet d’affaiblir le groupe Partouche à l’heure de l’ouverture des monopoles. Dès lors, l’arrêt s’inscrit dans une logique économique égalitaire afin de pas pénaliser un groupe français à l’égard de ses futurs concurrents européens en quête de part de marché pour le 1er janvier 2010.