PMU contre ZETURF: l’arrêt de la Cour d’appel de Paris est cassé. Les monopoles mis à mal
Publié le 10/07/2007 par Thibault Verbiest, Anouk Abrahams
Dans un arrêt de principe du 10 juillet 2007, la Cour de Cassation a repris l’argumentation des arrêts de la CJCE Gambelli et Placanica, en retenant que le juge national doit examiner si les restrictions apportées à la libre prestation de service sont conformes conditions de l’article 49 du Traité de Rome. La Cour a également enjoint le juge national de vérifier si la protection de l’intérêt général n’est pas déjà sauvegardée par les règles respectée par l’opérateur dans l’Etat membre où il est établi.
La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation s’est prononcée aujourd’hui sur les conditions dans lesquelles peut être réservée à un seul opérateur une activité de paris en ligne, monopole susceptible de constituer une atteinte au principe de la libre prestation de services en vigueur dans l’Union européenne.
L’affaire opposait la société ZETURF, une société maltaise engagée dans une activité d’organisation et d’exploitation de paris en ligne sur des courses hippiques se déroulant notamment en France. Saisie par le groupement d’intérêt économique Pari Mutuel urbain (le PMU), le juge des référés avait ordonné sous astreinte l’arrêt de cette activité en ce qu’elle portait atteinte au droit exclusif réservé par la loi au PMU pour organiser, hors des hippodromes, des paris sur les courses de chevaux se déroulant en France.
La Cour de cassation a censuré cette décision en rappelant l’interprétation donnée par la Cour de justice des communautés européennes à l’article 49 du traité instituant la communauté européenne, qui garantit la libre prestation de services.
Selon la jurisprudence de la Cour européenne, une restriction à la libre prestation de services, découlant d’une autorisation limitée des jeux d’argent dans le cadre de droits spéciaux ou exclusifs accordés ou concédés à certains organismes, ne peut être justifiée que si elle est nécessaire pour atteindre l’objectif consistant à prévenir l’exploitation des jeux de hasard à des fins criminelles ou frauduleuses en les canalisant dans des circuits contrôlables ou l’objectif tenant à la réduction des occasions de jeux . Pour la réalisation de ce second objectif, la réglementation qui prévoit une restriction doit répondre véritablement, au vu de ses modalités concrètes d’application, au souci de réduire véritablement les occasions de jeux et de limiter les activités dans ce domaine d’une manière cohérente est systématique, ce qui est exclu lorsque les autorités nationales adoptent une politique expansive dans le secteur des jeux afin d’augmenter les recettes du trésor public.
Il appartient au juge, saisi d’une contestation sur la restriction apportée à une activité relevant de la libre prestation de services, d’examiner concrètement si la restriction, caractérisée en l’espèce par le monopole accordé au PMU, répond aux conditions énoncées par l’article 49 du Traité tel qu’interprété par la Cour de justice. La motivation de la décision attaquée ne répondait pas à ces exigences, le juge des référés n’ayant notamment pas recherché si les autorités nationales françaises n’adoptaient pas une politique extensive dans le secteur des jeux afin d’augmenter les recettes du trésor public.
Par ailleurs, le juge national doit vérifier, lorsqu’une restriction à une activité de services est justifiée par des motifs d’intérêt général, si cet intérêt général n’est pas sauvegardé par les règles auxquels est soumis le prestataire de services dans l’Etat membre dans lequel il est établi. N’ayant pas examiné la réglementation de l’Etat dans lequel était établi l’opérateur en cause, le juge national n’avait pas justifié sa décision.
Il appartiendra à la cour d’appel de Paris de réexaminer cette affaire en examinant, selon la méthode rappelée par la Cour de cassation, la pertinence des restrictions pouvant éventuellement être apportées à la libre prestation de services dans le secteur des jeux, la Cour de cassation ayant préalablement jugé que la seule circonstance que l’Etat retire de l’activité de jeux d’argent des bénéfices au plan financier ne suffit pas à écarter toute possibilité de justifier, au regard de l’objectif visant à réduire les occasions de jeux, une réglementation réservant à un organisme le droit exclusif d’organiser de tels jeux.
Source : Service de documentation et d’études de la Cour de cassation