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Pharmacie sur Internet : le prix fixe pour les médicaments soumis à prescription va-t-il sauter ?

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Alors que certains pays avancent en regardant en arrière et se posent des questions dépassées – la France par exemple – la pharmacie en ligne progresse ailleurs. Prochain enjeu : le prix fixe des médicaments soumis à prescription. Pour l’avocat général, cela pourrait constituer une mesure injustifiée de nature à restreindre la liberté de circulation.

Les faits

Une association allemande de lutte contre la maladie de Parkinson crée une collaboration avec une pharmacie hollandaise bien connue (Doc Morris) afin que les malades allemands puissent bénéficier d’une réduction lors de leurs achats chez Doc Morris de médicaments soumis à prescription médicale et disponibles uniquement en pharmacie.

L’accord dérange les pharmaciens allemands, à deux titres :

·     d’une part parce qu’il s’agit d’une coopération qui les frappe au cœur, dans leur dernier pré carré : la délivrance au public allemand de médicaments allemands soumis à prescription ;

·     d’autre part parce que cet accord permet aux patients allemands de payer moins cher leur médicaments alors que le droit allemand impose un prix fixe pour les médicaments soumis à prescription.

La procédure

En première instance, le juge condamne l’accord.

L’affaire se retrouve devant la cour d’appel qui renvoie l’affaire en question préjudicielle devant la cour de justice de l’Union européenne, à qui elle pose deux questions assez classiques :

·     la fixation de prix imposé pour les médicaments soumis à prescription, édictée par le droit national allemand, constitue-t-elle une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 34 du traité de fonctionnement de l’Union européenne ?

·     Dans l’affirmative, cette restriction est-elle justifiée, notamment eu égard aux considérations de santé publique ?

L’avis de l’avocat général sur la mesure d’effet équivalent

L’avis est intéressant en ce qu’il analyse soigneusement le marché avant de se prononcer.

Pour l’avocat général, il a lieu de comparer « non les pharmacies en ligne, mais les pharmacies en général ». Et l’avocat de relever que « pour une pharmacie allemande, la vente par correspondance n’est qu’un autre canal de distribution [pour ce qui concerne le marché allemand] alors que, pour une pharmacie non allemande, c’est le seul canal de distribution ».

Cela permet à l’avocat général de faire le lien avec l’arrêt Deutscher Apothekerverband, dans lequel la Cour a jugé que l’interdiction de la vente par correspondance des médicaments « gên[ait] davantage les pharmacies situées en dehors de l’Allemagne que celles situées sur le territoire allemand. »

Dès lors, l’avocat général refuse de voir dans le prix imposé « une modalité de vente indistinctement applicable [aux pharmacies allemandes et étrangères] » au sens de l’arrêt Keck.

Il y voit plutôt « du fait de son caractère indirectement discriminatoire envers les pharmacies non allemandes, (…) une entrave à la commercialisation de médicaments en provenance d’autres États membres ». (Sous-entendu : les choses par exemple être différente si l’Allemagne autorisait les pure players.)

L’avis est clair : oui, il s’agit d’une mesure d’effet équivalent, dont il faut vérifier la justification en appliquant les critères habituels du droit européen.

L’avis de l’avocat général sur la justification (santé publique)

La République fédérale d’Allemagne tente de justifier son système au motif que le prix imposé est nécessaire pour :

  1. premièrement, garantir un approvisionnement uniforme en médicaments sur l’ensemble du territoire allemand,
  2. deuxièmement, assurer la qualité de ces médicaments et protéger les patients et,
  3. troisièmement, contrôler l’évolution des coûts dans le secteur de la santé.

L’avocat général écarte aussitôt le troisième motif : l’article 36 TFUE « vise des hypothèses de nature non économique » là où le prix est un élément intrinsèquement économique. Seul le risque d’atteinte grave à l’équilibre financier du système de sécurité sociale peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général, ce qui, compte tenu de la nature exceptionnelle de ce motif de justification, n’est clairement pas le cas en l’espèce.

Il admet par contre, sur le plan des principes, les deux autres.

Reste à voir le respect des critères habituels.

L’avis de l’avocat général sur les autres sujets

La thèse du gouvernement allemand est celle de nombreux gouvernements : un excès de concurrence aurait des conséquences négatives sur la protection de la santé publique en Allemagne, par exemple en entrainant une concentration des pharmacies dans certaines zones, laissant pour compte les personnes isolées, immobilisées, vulnérables et âgées, ou conduisant des pharmacies traditionnelles allemandes de détail à réduire la qualité de leurs services afin de rester compétitifs.

L’avocat général ne saurait être plus en désaccord : « Il m’est difficile de concevoir comment, avec une concurrence accrue, les pharmaciens réduiraient la qualité de leurs services. Je m’attendrais plutôt à ce que l’inverse se produise. »

L’avocat général vérifie ensuite si la réglementation en cause est propre à garantir un « approvisionnement uniforme et suffisant en médicaments sur l’ensemble du territoire allemand ». Derrière cela il y a toujours la crainte qu’un excès de concurrence concentre les opérateurs sur les zones rentables (gares, grandes villes, lieux de passage, etc.) en délaissant les villages et la campagne.

Pour l’avocat général, il n’y a pas de lien :

·     Il répond sous forme de question : « Qui peut dire si ce sont précisément les zones isolées et/ou celles dans lesquelles de nombreuses personnes âgées habitent qui seraient les mieux desservies si le nombre de pharmacies augmentait ? Au contraire, (…). Je suppose que, en permettant aux pharmacies en ligne de faire concurrence, les zones isolées seraient mieux desservies. » Quoi de plus facile en effet, quand on est isolé, que de faire livrer ses médicaments à domicile ?

·     En deuxième lieu, en ce qui concerne les médicaments soumis à prescription, c’est moins sur les pharmacies que sur le nombre de docteurs qu’il faut se focaliser. « Généralement, là où il n’y a pas de docteur pour prescrire des médicaments, il n’y a pas de pharmacie. »

Et le risque de surconsommation ?

L’avocat général répète – et martèle – que s’agissant de médicaments soumis à prescription « Les pharmaciens ont les mains liées ».  L’avocat général renvoie à l’arrêt Venturini, dans lequel la Cour avait déjà jugé que « étant donné que seuls les médecins sont autorisés à prescrire ces médicaments, tant les titulaires de pharmacies que ceux de parapharmacies n’ont, en tout état de cause, pas d’influence directe sur le volume de distribution desdits médicaments et ne peuvent donc pas contribuer à leur éventuelle surconsommation. »

L’avocat général aborde enfin la question des « risques pour la santé des personnes ».

Il se pose une question de base : quel risque peut-il bien y avoir puisque les médicaments en question sont déjà autorisés. La règlementation dénoncée ne concerne que leur prix : « Le principe de précaution ne joue donc aucun rôle dans l’appréciation du présent cas d’espèce ».

La conclusion de l’avocat général est sans appel : si l’objectif est – comme le dit l’Allemagne – de garantir un approvisionnement uniforme en médicaments sur l’ensemble du territoire allemand, d’assurer la qualité de ces médicaments et de protéger les patients, la mesure prise (prix fixe) n’est pas de nature à atteindre cet objectif.

Voilà donc les Etats rappelés à l’ordre et mis devant les conséquences de leurs décisions :

  • Non, l’argument de santé publique ne permet pas tout. Bien souvent, derrière l’alibi, il y a une tentative de protéger un marché.
  • Le marché doit être analysé avec soin : si la mesure est de nature à frapper plus fort les opérateurs étrangers qui n’ont qu’Internet pour attaquer un marché, il s’agira d’une mesure d’effet équivalent à une restriction de marché.
  • Si un Etat ouvre le marché de la vente sur Internet des médicaments soumis à prescription (comme l’Allemagne), il doit veiller à le faire en respectant les Traités.

Droit & Technologies

Annexes

Avis de l’avocat général

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