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Pas de 118 pour la Belgique !

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L’IBPT, le gendarme du secteur en Belgique, a tranché. Sa décision du 12 juin est claire : (1) la réglementation actuelle en matière de numérotation pour les services de renseignements (…) est maintenue ;(2) la série de numéros 118 n’est pas introduite pour les services de renseignements ; (3) les numéros débutant par 118 sont…

L’IBPT, le gendarme du secteur en Belgique, a tranché. Sa décision du 12 juin est claire : (1) la réglementation actuelle en matière de numérotation pour les services de renseignements (…) est maintenue ;(2) la série de numéros 118 n’est pas introduite pour les services de renseignements ; (3) les numéros débutant par 118 sont exclus de réservation et d’assignation pour d’autres applications jusqu’au 1er mai 2011.

La Belgique ne suivra donc pas la trace de ses voisins français, anglais, autrichien, finlandais, allemand, italien, hollandais, espagnol, suédois qui sont tous passés au 118 pour les renseignements téléphoniques. Elle maintient le système en vigueur.

Le marché belge actuel

Actuellement, les numéros 1X07 et 1X04 (où X=2 néerlandais, X=3 français, X=4 allemand) sont respectivement utilisés pour les services de renseignements nationaux et internationaux de Belgacom. Les mêmes services sont fournis en anglais via le numéro court 1405. Belgacom exploite en outre le service appelé « Sherlock », grâce auquel le client reçoit automatiquement le nom ainsi que l’adresse correspondant au numéro d’appel (national) à introduire après avoir composé le numéro court 1408. Enfin, Belgacom fournit également un service de renseignements automatique sous le numéro 1234 (le service appelé « Lisa »). Via ce numéro, il est à la fois possible de demander le numéro de téléphone d’une personne, d’une entreprise ou d’un service et d’effectuer une recherche par numéro. Ce service se caractérise par le fait qu’il est basé sur la reconnaissance vocale et qu’il fonctionne en principe sans intervention d’un téléphoniste.

La société European Directory Services (E.DA.) a récemment fait son entrée sur le marché des services de renseignements avec le numéro 1313. En outre, EDA a obtenu la réservation de deux numéros courts supplémentaires.

Le prospectus d’introduction en bourse de Belgacom mentionne que ses services ont traité en 2003 environ 42,7 millions d’appels en français, néerlandais, allemand et anglais. En comparaison, la part de marché d’E.D.A. peut être qualifiée de minime.

Un troisième larron bien connu fera bientôt son entrée dans le marché (mais chut! c’est un secret … de Polichinelle).

Cadre général

Le débat, qui a lieu au niveau européen, a été introduit en 1997 par la « PT/ECTRA Recommendation of 4 December 1997 on Numbering Access to Voice Directory Enquiry Services (ECTRA/REC(97)01) ».

Cette recommandation a pour objectif d’introduire en Europe l’accès uniforme aux services de renseignements téléphoniques grâce au code d’accès 118 harmonisé.

C’est que les renseignements téléphoniques ont bien changés ces dernières années. Il est loin le temps où un opérateur peu aimable faisait sentir à son client excédé à quel point il le dérange avant de lui fournir un renseignement incorrect pour un prix exorbitant.

Aujourd’hui, les opérateurs téléphoniques ont compris que les renseignements constituent un véritable marché, non seulement rentable mais également important pour leur image de marque.

En termes de qualité du service et de l’image de marque, les opérateurs ont consenti d’énormes investissements. Et le résultat est là : aujourd’hui, le taux de satisfaction est élevé ; les utilisateurs obtiennent l’information souhaitée ; ils l’obtiennent dans un délai raisonnable ; ils sont satisfaits de l’accueil et de l’amabilité ; le seul point négatif est le sentiment général selon lequel le prix est élevé … même si la plupart des utilisateurs avouent être incapables de citer ce prix.

Quant à la rentabilité, elle n’est pas prête de diminuer lorsqu’on voit les plans stratégiques de ces opérateurs. Qu’il s’agisse d’envoyer le numéro par SMS, de profiter de l’occasion pour réserver une table au restaurant dont on vient de fournir le numéro, d’envoyer un baby-sitter en urgence, ou pourquoi pas de coupler le renseignement avec un service de guidage par GPS, … les idées et les business plan ne manquent pas. Le tout sera de voir si le consommateur suit ces offres.

La consultation organisée par l’IBPT et sa décision

Avant de se décider sur la mise en œuvre de la recommandation de 1997 de ECTRA proposant d’introduire dans l’ensemble de l’Union européenne le numéro 118, l’IBPT a décidé de consulter le marché. La consultation ne s’est pas limitée aux acteurs actuellement présents sur le marché ; elle était ouverte à toutes entreprises actives dans le secteur, même à l’étranger, souhaitant faire part de son sentiment.

Treize entreprises ont répondu à l’appel : CSC Transport et Communication ; BASE ; Belgacom ; Belgacom Mobile ; BT Ignite ; Colt Telecom ; E.D.A. ; Mobistar ; Kapitol ; Telenet ; Telegate ; Test-Achats ; Verizon Business.

Les réponses fournies par ces entreprises ou organismes sont considérées comme confidentielles par l’IBPT, ce qui n’a pas empêché l’Institut de rédiger un compte rendu.

Selon ledit compte-rendu, presque tous les répondants souscrivent au point de vue de l’IBPT selon lequel le marché des services de renseignements téléphoniques en Belgique fonctionne à la satisfaction des utilisateurs finals et des opérateurs. La politique de répartition en ce qui concerne les numéros est considérée comme équitable, transparente et non discriminatoire. Pour 10 des 12 répondants, il n’y a pas de raison d’introduire un nouveau système de numéros combiné à la suppression des numéros ‘historiques’.

Le compte-rendu permet également de créer une sorte de « SLA » du renseignement. En effet, à la question qui visait les conditions que les fournisseurs doivent remplir pour obtenir une licence, il semble qu’un consensus se dégage sur ce qui suit :

  • Portée population minimum 95%.

  • Service de renseignements minimum en français et en néerlandais.

  • Il doit être répondu à minimum 95% des appels dans un délai de 30 secondes. En cas de dépassement des 30 secondes, il est automatiquement mis fin à l’appel.

  • Traitement de la demande dans un délai de 70 secondes.

  • Garantie de qualité des données résidentielles et professionnelles nationales fournies : minimum 90% doivent être correctes.

  • Garantie de qualité des données internationales fournies : minimum 80 % doivent être correctes.

  • Fourniture des données de contact sur la base du numéro de téléphone donné

  • Call completion.

  • SMS confirmation.

  • Fourniture d’un service clientèle pour d’éventuelles plaintes.

  • Service disponible 24 heures sur 24.

Vient ensuite le gros du morceau : faut-il oui ou non passer au 118 ?

Après analyse des réponses reçues, l’Institut est d’avis que l’harmonisation des numéros européens apporte peu ou pas de plus-value, au vu des implémentations déjà différentes dans les différents pays, à savoir: 8 pays suivent la recommandation ECTRA de manière « stricte » et ont introduit une série de numéros débutant par 118. Toutefois, deux versions existent déjà également à ce niveau: 4 pays ont opté pour un schéma à 6 chiffres 118xyz (France, Autriche, Royaume-Uni et Suède) et 4 pays ont opté pour un schéma à 5 chiffres 118xy (Allemagne, Irlande, Luxembourg et Espagne).

Trois pays ont suivi la logique et la philosophie de la recommandation ECTRA mais ont opté pour un schéma plus court à 4 chiffres 18xy (Pays-Bas, Norvège et Suisse). Deux pays suivent toujours la logique et la philosophie de la recommandation ECTRA mais ont opté pour un autre schéma de numérotation à 4 chiffres 12xy (Italie et Belgique, où 13xy et 14xy sont également possibles). Enfin, un (seul) pays, la Finlande, a introduit le 118. Toutefois, ce numéro ne répond pas à l’autre principe de la recommandation ECTRA, à savoir l’introduction de la concurrence.

L’harmonisation des numéros pour les services de renseignements téléphoniques sur le plan européen offre également peu ou pas de plus-value vu les différences linguistiques. L’Institut souscrit à l’analyse de certains répondants selon laquelle au cas où un appelant connaîtrait et composerait le numéro d’un service de renseignements à l’étranger, on s’adresserait très souvent à lui dans une langue qu’il ne connaît pas.

En ce qui concerne les inconvénients d’une modification des numéros, l’Institut note que différents éléments (coupures de presse, études, etc.) liés à ou cités dans les réponses reçues à la consultation démontrent que des modifications de numéros peuvent engendrer un rétrécissement du marché.

L’Institut constate également que différents répondants lui ont transmis des commentaires de journaux et des points de vue d’organisations de consommateurs dans différents importants pays européens dans lesquels il est fait mention du décrochage de clients et de l’apparition d’une grande confusion dans la modification des numéros parce que les habitudes des consommateurs doivent être modifiées.

En outre, la complexité de l’organisation des services de renseignements téléphoniques est accrue, ce qui est un inconvénient pour les opérateurs.

Enfin, l’Institut constate que l’E.D.A dispose de deux numéros courts obtenus relativement récemment qu’elle n’a pas encore mis sur le marché et qu’une autre entreprise a également obtenu et payé une réservation pour deux numéros courts dans les séries 12XY et 13XY. Procéder à une modification des numéros [pourrait] contrecarrer de manière non négligeable les investissements de ces entreprises.

Tout cela doit être contrebalancé selon l’Institut par un effet positif éventuel de la concurrence accrue pour l’utilisateur final en raison d’une modification de numéros.

Cet effet positif est incertain et n’est pas démontré.

L’Institut fait remarquer à cet effet que certains des aspects positifs invoqués par un répondant peuvent également être réalisés suite à la modification du plan de numérotation et au retrait des codes ‘historiques’ sous les séries de numéros existantes, comme par exemple répondre aux appels dans d’autres langues (par ex. le turc) ou existent déjà sur le marché belge et le contexte de numérotation actuel, par ex. la communication du numéro recherché via d’autres canaux (par ex. via SMS). D’autres services ‘supplémentaires’ qui pourraient être créés (par ex. Les heures d’ouverture d’un commerce) pourraient créer une concurrence déloyale vis-à-vis de ceux qui sont déjà offerts actuellement sur la base de numéros infokiosque et sont par conséquent exclus dans l’état actuel des choses.

L’Institut arrive dès lors à la conclusion qu’une modification de la politique en matière de numérotation pour de simples motifs d’harmonisation n’a pas de sens. L’objectif d’harmonisation et la contribution au développement d’un marché interne n’est pas réalisable dans ce dossier et vu le cadre réglementaire européen contraignant actuel.

L’analyse du compte-rendu permet en tout cas d’affirmer, même si les réponses sont anonymes, que les deux opérateurs actuellement en place ont chacun plaidé pour le statu quo. On le comprend aisément dans le chef du second venu (EDA). On le comprend tout aussi bien dans le chef de Belgacom qui occupe sur le marché une place enviable et enviée, même si certains observateurs relèvent avec une dose d’ironie que le même opérateur à plaidé l’inverse dans d’autres pays où il est présent (en France notamment). Mais il est vrai que ce « deux poids deux mesures » peut aussi s’expliquer par des considérations propres au marché national pris en compte.

Et Belgacom ?

En Belgique comme ailleurs, un certain nombre de nouveaux venus estiment que les numéros anciens dont bénéficient les opérateurs historiques constituent des droits spéciaux interdits par l’article 5 de la directive 2002/77 de la Commission du 7 décembre 2002 relative la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques.

Cette disposition stipule que : « les mesures nécessaires pour supprimer tous les droits exclusifs et/ou spéciaux concernant l’établissement et la fourniture d’annuaires téléphoniques sur leur territoire, y compris l’édition d’annuaires téléphoniques et la fourniture de renseignements téléphoniques. »

Selon cette théorie, c’est l’ancienneté du numéro et par voie de conséquence son taux de pénétration dans la population, qui en fait à un droit spécial.

Cela entrerait dans la définition du droit spécial au sens de l’article 1.6, (b) de la directive 2002/77/CE, à savoir un droit octroyé par un État membre « à un nombre limité d’entreprises au moyen de tout instrument législatif, réglementaire ou administratif qui […] [confère] selon des critères [qui ne sont pas objectifs, proportionnels et non discriminatoires], à une ou plusieurs entreprises, […], des avantages légaux ou réglementaires qui affectent considérablement la capacité de toute autre entreprise de fournir le même service ou d’entreprendre la même activité sur le même territoire dans des conditions équivalentes pour l’essentiel. »

Heureusement, le compte-rendu de l’IBPT ne fait pas l’impasse sur cette question extrêmement importante, qui se pose dans des termes analogues dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Pour l’IBPT, le droit conféré à Belgacom d’utiliser sur la base de l’arrêté royal du 10 décembre 1997 les numéros 1207, 1307, 1405 et 1407 (moyennant le paiement des redevances de gestion applicables à tous et le respect des autres conditions d’utilisation applicables à tous pour ces numéros, ce qui est le cas) ne relève pas de la définition d’un droit spécial pour les raisons suivantes :

  • Le code 1405 est assigné conformément aux procédures de la circulaire du 28 juillet 1997 fixant les règles de l’attribution de numéros aux candidats à une licence de téléphonie vocale, avant la publication de l’arrêté royal réglant cette question (M.B. 3 octobre 1997) et ne peut donc pas être considéré comme un code historique dont le droit d’utilisation a été attribué à Belgacom avant la libéralisation.

  • tous les codes concernés ne sont, comme indiqué ci-dessous, pas nécessairement des numéros courts faciles à retenir.

  • Il n’a pas été démontré que le fait que ces numéros soient spécialement connus des utilisateurs finals puisse être attribué à un instrument légal, réglementaire ou administratif.

  • Des entreprises concurrentes peuvent obtenir dans des circonstances équivalentes suffisamment de numéros de la même longueur et d’un potentiel économique similaire.

  • Il n’a pas été démontré par l’entreprise concernée que l’impossibilité économique d’accéder au marché sans accès aux codes historiques puisse être imputée à un instrument légal, réglementaire ou administratif.

L’IBPT évacue également la possibilité de considérer les codes historiques de Belgacom comme des « facilités essentielles », et se justifie comme suit :

Tout d’abord, l’Institut fait remarquer qu’il ne voit pas comment il peut appliquer la théorie de l’abus de pouvoir pour refus de donner accès à une facilité essentielle dans le cas présent, alors que le dossier de l’IBPT ne contient en fait aucun élément dont il pourrait ressortir qu’un prestataire d’un service de renseignements alternatifs a demandé à Belgacom à pouvoir offrir son service via ses codes historiques et que Belgacom aurait rejeté sa demande.

Ensuite, et plus sur le fonds, l’Institut note que la Cour européenne de Justice, dans son arrêt Oscar Bronner v. Media Print du 26 novembre 1998 (affaire C-7/97) a souligné que pour l’opérateur qui soulève des obstacles techniques, réglementaires ou économiques pour la fourniture de ses services via d’autres facilités que celles que possèdent l’opérateur dominant, l’argument selon lequel le système alternatif ou les possibilités alternatives d’accéder au marché ne sont pas rentables, ne peut pas suffire. En transposant cela sur la présente affaire, toujours selon cette juridiction, il convient (1) que l’accès aux codes historiques de Belgacom soient indispensables pour l’exploitation d’un service de renseignements alternatif, dans le sens où il n’existe pas de substitut réel ou potentiel pour les codes 1207/1307/ et 1407 et (2) que le refus de l’accès aux facilités essentielles
exclut toute concurrence sur le marché en question.

L’entreprise qui demande un retrait ou la réassignation des codes historiques de Belgacom à lui-même et Belgacom, base sa demande sur le fait que les codes historiques de Belgacom étaient déjà utilisés depuis une période relativement longue au moment de la libéralisation et étaient ainsi ancrés dans la mémoire des consommateurs et renvoie à la sortie du marché de Scoot et au succès restreint du service de renseignements exploité par E.D.A. au numéro 1313. Une telle argumentation ne répond pas aux conditions pour l’application de la théorie des facilités essentielles étant donné qu’elle ne tient absolument pas compte des constatations faites ci-dessus, selon lesquelles (1) il y a suffisamment de numéros libres dans les séries 12-, 13- et 14XY qui sont disponibles comme substitut aux codes historiques de Belgacom et (2), une concurrence est en train de se développer sur le marché des services de renseignements, E.D.A. n’a pas encore mis tous ses numéros réservés sur le marché et les numéros 1201 et 1301 ont été réservés pas une autre
entreprise, ce qui montre que cette entreprise aussi est d’avis que le marché belge offre des possibilités de concurrence.

Et demain ?

Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes et la situation ne devrait guère changer d’ici 2011.

Faut-il en conclure que le marché ne connaîtra plus de bouleversement ? On sait que Telegates, géant mondial du renseignement, a clairement marqué son intérêt pour la Belgique tout en soulignant que son entrée sur le marché était conditionnée au passage vers le 118 et à l’abandon des numéros historiques 1207 et 1307 opérés par Belgacom. Il reste donc à ce poids lourd mondial que trois possibilités : abandonner le marché belge ; revenir sur son diktat ; avaler un opérateur local s’il en trouve un à racheter.

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