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Paiement en ligne : l’industrie bancaire joue-t-elle le jeu ? La Commission européenne en doute.

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Depuis la directive Services de paiement (dite « DSP ») la fourniture de services de paiement ne relève plus du monopole bancaire et peut désormais être proposée par de nouveaux entrants ayant un statut d’établissement de paiement ou de monnaie électronique. En 2011, tous les opérateurs de cette industrie bénéficient-ils, comme prévu par les textes, d’un accès équitable et ouvert au marché des paiements ? Pas si sûr si l’on en croit la plainte et l’enquête en cours à la Commission européenne.

Il était une fois le SEPA (Single Euro Payment Area), vaste projet de création d’un espace unique des paiements en euros, qui permettrait à tout un chacun d’effectuer et de recevoir des paiements en euros de toute l’Europe aussi facilement que dans son propre pays, où les droits et obligations applicables seraient identiques que le client soit Français, Allemand, Espagnol, … où les paiements électroniques bénéficieraient des évolutions technologiques tout en garantissant un haut niveau de sécurité, où de nouveaux prestataires, bénéficiant de statuts prudentiels adaptés à ces activités, offriraient des services de paiement au même titre que les banques.

Les différents volets du projet SEPA sont d’une complexité rarement atteinte.
Ils mêlent des questions techniques, juridiques, contractuelles, systémiques, financières ou encore concurrentielles, outre l’ampleur des volumes de transactions en jeu et le caractère intrinsèquement sensible du domaine de la banque et des paiements pour l’économie européenne.

Le lancement et la mise en œuvre du SEPA nécessitent donc une collaboration étroite entre la Commission européenne et l’industrie réunie au sein du Conseil Européen des Paiements (EPC).

  • Le volet juridique est traité par la Commission européenne et a abouti à l’adoption le 13 novembre 2007 de la Directive 2007/64/CE dite DSP complétée récemment par la deuxième directive monnaie électronique, directive 2009/110/CE dite « DME2 ».
    La DSP avait pour objectif affiché d’ouvrir le marché des services de paiement à de nouveaux entrants issus des secteurs de l’internet, des télécommunication, de la grande distribution… tout en encadrant et réglementant cette activité par des règles communes aux 27 Etats européens.
  • Le volet technique est géré par le Conseil européen des paiements (EPC), créé en 2002 pour que les acteurs de l’industrie bancaire élaborent ensemble des normes techniques harmonisées, applicables partout en Europe.
    L’EPC se définit lui-même comme un centre de décision et de coordination pour l’industrie bancaire européenne. Les travaux lancés par l’EPC comprennent notamment la mise en œuvre d’instruments de paiement européens (virement, prélèvement, paiements par carte), ainsi que l’harmonisation des méthodes de paiement en ligne afin de favoriser et promouvoir l’avènement du SEPA.

La Banque centrale européenne (BCE) et la Commission européenne suivent de près les travaux de l’EPC et ont créé un comité de pilotage de haut niveau, le Conseil SEPA, pour superviser l’avancement du SEPA. La Commission européenne prend régulièrement des initiatives pour redynamiser le processus lorsque les travaux de place bloquent.

Or, s’agissant des réflexions actuelles pour l’élaboration des normes techniques applicables au paiement en ligne, le « SEPA ePayment Framework », plusieurs voix se font entendre pour déplorer les difficultés d’accès aux informations et aux débats espérés par les nouveaux entrants et les opérateurs alternatifs innovants.
Alors qu’une plainte a été déposée cet été auprès de la Commission européenne par l’Allemand Payment Network AG, la Commission européenne vient d’annoncer le 26 septembre dernier l’ouverture d’une enquête en matière d’ententes et abus de position dominante sur le marché des paiements électroniques.

  • La société à l’origine de la plainte, l’Allemand Payment Network AG, propose une solution dite « overlay payment solution » qui permet d’effectuer des paiements en ligne par virement. Elle s’inquiète des travaux de normalisation en cours au sein de l’EPC concernant les solutions de paiement basées sur les services de banque en ligne.En effet, plusieurs solutions techniques offrent aujourd’hui aux personnes multi-bancarisées des outils simples de gestion et d’exécution des paiements en ligne, notamment les solutions « multi-bank » et les solutions « overlay ». S’agissant des solutions « multi-bank », il suffit d’avoir un compte de banque en ligne auprès d’une des banques partenaires pour pouvoir centraliser les informations des différents comptes détenus auprès des autres banques partenaires. S’agissant des solutions « overlay » telles que celle proposée par Payment Network AG, c’est un prestataire tiers qui centralise les informations relatives aux différents comptes de banque en ligne de son client, dans un même espace personnel.
    Dans la mesure où ces nouveaux services impliquent la communication de données bancaires à un tiers, les banques n’y sont pas favorables et s’inquiètent des risques de fraudes, ce qui laisse craindre à Payment Network AG que les règles techniques qui seront finalement mises en place par l’EPC créent de fait une entrave au développement de son service.

    D’ailleurs, l’EPC n’est pas la seule instance qui s’intéresse à ces nouveaux services. Les plateformes d’agrégation de comptes bancaires soulèvent en effet des questions quant à la sécurité des données centralisées, quant aux process de certaines solutions qui nécessitent la communication des identifiants personnels de banque en ligne, etc. comme l’a souligné Sophie Vulliet-Tavernier, porte-parole de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), au micro de France Info le 16 septembre dernier.

  • Si la plainte en cours concerne la définition des spécifications techniques d’un type particulier de solutions de paiement, l’enquête lancée par la Commission européenne porte quant à elle plus largement sur le risque d’ententes et d’abus de position dominante sur le marché des paiements électroniques.
    La Commission semble s’interroger sur la compatibilité du processus de définition des normes applicables aux services de paiement en ligne au sein de l’EPC avec les règles européennes de concurrence. Elle va donc « procéder à un examen approfondi de ce processus de normalisation afin de s’assurer que la concurrence n’est pas indûment restreinte, par exemple du fait de l’exclusion de nouveaux arrivants et des prestataires de services de paiement qui ne sont pas contrôlés par une banque ». En toute hypothèse, l’établissement des normes techniques revêt un caractère hautement stratégique dans une industrie fondée sur les systèmes d’information, comme le souligne Joaquín Almunia, vice-président de la Commission chargé de la politique de la concurrence : « (…) En principe, les normes favorisent l’interoperabilité et la concurrence, mais nous devons veiller à ce que le processus de normalisation ne limite pas inutilement les perspectives offertes aux non participants».En ouvrant une procédure, la Commission dessaisit les autorités nationales de la concurrence qui doivent désormais s’abstenir de prendre toute décision qui serait incompatible avec une décision adoptée par la Commission.

    La Commission n’est pas tenue au respect d’un délai légal pour vérifier si l’EPC enfreint ou non les règles de l’Union européenne relatives aux pratiques commerciales restrictives énoncées aux articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) et 53 de l’accord sur l’espace économique européen (EEE), mais l’ouverture de cette procédure signifie que la Commission entend bien traiter cette question en priorité.

Une articulation délicate entre actes du législateur européen et initiatives d’autorégulation de l’industrie.

Cette enquête intervient dans le contexte délicat de l’articulation de l’œuvre du législateur européen et les initiatives de l’industrie pour construire le gigantesque marché unique des paiements en Europe. L’enquête de la Commission va peut-être pousser le secteur à accélérer ses travaux, alors que la Banque centrale européenne (BCE) indiquait dans son rapport sur l’avancement du SEPA, que « les progrès ne sont pas à la hauteur des attentes ».

La question de la gouvernance émerge aujourd’hui comme l’un des sujets sensibles du SEPA, où le dialogue entre législateur et industrie s’apparente parfois à un bras de fer alors que l’EPC se dit lui-même pris en étau entre les parties intéressées et les régulateurs. Parmi les autres sujets sensibles, les commissions multilatérales d’interchange (CMI ou MIF pour multilateral interchange fees), les dates de migration ou encore la mise en place d’un système de paiement par carte ne sont pas plus reposants.

L’existence de ces difficultés ne saurait surprendre compte tenu des enjeux techniques, financiers ou encore concurrentiels, que représente le SEPA. Gageons que les actions de la Commission, en provoquant des débats et en suscitant des réactions, permettront de faire avancer la construction d’un marché intérieur des paiements innovant, concurrentiel et compétitif.

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Liens utiles :
– Communiqué de presse accessible à l’adresse :
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/11/1076&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en
– Interview France info : http://www.france-info.com/chroniques-le-droit-d-info-2011-09-16-agregateurs-de-comptes-bancaires-561406-81-143.html

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