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Où se situe le « lieu d’exécution » d’un contrat de logiciel ?

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Par rapport à un contrat de développement et d’exploitation de logiciels, où se situe le lieu d’exécution d’un tel contrat lorsque le client et le prestataire sont établis dans des États membres différents ? La réponse à cette question détermine directement les juridictions compétentes en cas de litige. Un arrêt de la CJUE tranche la…

Par rapport à un contrat de développement et d’exploitation de logiciels, où se situe le lieu d’exécution d’un tel contrat lorsque le client et le prestataire sont établis dans des États membres différents ? La réponse à cette question détermine directement les juridictions compétentes en cas de litige. Un arrêt de la CJUE tranche la question.

Les faits soumis à la justice

VariusSystems a développé pour GR un logiciel permettant d’analyser les tests de dépistage de la COVID-19. Le contrat, conclu oralement, portait sur le développement et l’exploitation du logiciel pour une utilisation en Allemagne. La rémunération de VariusSystems était basée sur le nombre de tests effectués avec succès. Toutefois, aucun lieu d’exécution précis ni aucune juridiction compétente n’avaient été définis contractuellement.

Un litige est survenu entre les parties quant à la conformité du logiciel aux exigences légales en vigueur. VariusSystems a introduit une demande de paiement de 101 587,68 euros devant les juridictions autrichiennes, arguant que la prestation avait été réalisée à Vienne, où le logiciel avait été développé et adapté. GR a contesté la compétence des juridictions autrichiennes, affirmant que le service concernait exclusivement l’utilisation du logiciel en Allemagne.

En première instance, le tribunal autrichien a rejeté la compétence autrichienne, estimant que le lieu d’exécution du contrat était le siège de GR, en Allemagne. Cette décision a été confirmée en appel, les juges considérant que lorsque les services ne sont pas fournis en un lieu fixe, le lieu d’exécution est celui où le bénéficiaire y accède.

Face à cette divergence, la Cour suprême autrichienne a saisi la CJUE pour trancher la question suivante : le lieu d’exécution doit-il être considéré comme le lieu où le logiciel a été programmé ou celui où le client y accède et l’utilise ?

La logique du règlement no 1215/2012

Le principe de base est clair : les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. Dit autrement, on peut en principe toujours citer au domicile du défendeur : si GR avait cité en Allemagne, la question ne se serait donc pas posée.

Ce principe est fixé à l’article 4 du règlement applicable.

Il y a des exceptions au principe, dont celle fixée à l’article 7 dudit règlement selon lequel, en matière contractuelle, le demandeur peut citer « devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande »

Le règlement précise qu’en matière de « fourniture de services », le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande s’entend comme « le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ».

C’est là que l’arrêt est intéressant car dans un contrat portant sur un logiciel, cela vise-t-il :

  1. le lieu où est fourni le travail de création et de conception intellectuelle à l’origine du logiciel (la “programmation”) ou
  2. le lieu où le client accède au logiciel, c’est-à-dire consulte celui-ci et l’utilise ?

L’interprétation du règlement no 1215/2012

Dans sa jurisprudence antérieure, la CJUE a déjà donné plusieurs repères :

1) L’exception visant les obligations contractuelles poursuit une finalité précise : elle répond « à un souci de proximité et se trouve motivée par l’existence d’un lien de rattachement étroit entre le contrat concerné et le tribunal appelé à en connaître (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2023, Exteria, C‑393/22, EU:C:2023:675, point 29 et jurisprudence citée). »

2) Il s’agit d’un critère de rattachement autonome : sa portée est donc la même dans toute l’UE, peu importe la tradition juridique de l’État concerné.

3) Il faut chercher à identifier « le lieu de la fourniture principale des services, tel qu’il découle des dispositions de ce contrat ainsi que, à défaut de telles dispositions, de l’exécution effective dudit contrat (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2018, Saey Home & Garden, C‑64/17, EU:C:2018:173, point 45).

4) En cas de pluralité d’obligations contractuelles, il y a lieu de déterminer l’obligation caractéristique du contrat concerné (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2017, Kareda, C‑249/16, EU:C:2017:472 point 40).

Application au contrat informatique

La Cour relève tout d’abord que « la conception et la programmation d’un logiciel ne constituent pas l’obligation caractéristique d’un tel contrat, dès lors que le service faisant l’objet de celui-ci n’est pas fourni effectivement au client concerné tant que ce logiciel n’est pas opérationnel. En effet, ce n’est qu’à partir de ce moment, auquel ledit logiciel est susceptible d’être utilisé et auquel sa qualité peut être contrôlée, que ce service sera fourni effectivement. »

La cour en déduit que « l’obligation caractéristique d’un contrat de fourniture en ligne d’un logiciel tel que celui en cause au principal consiste à mettre ce dernier à la disposition du client concerné, le lieu d’exécution de ce contrat doit être considéré comme étant celui où ce client accède à ce logiciel, à savoir celui où il consulte et utilise celui-ci. »

La Cour précise que lorsque ledit logiciel est appelé à être utilisé à des endroits différents, par exemple parce que la société cliente dispose de plusieurs établissements dans un ou plusieurs pays, c’est le domicile du client qui compte, et, dans le cas d’une société, son siège.

L’approche de la Cour ne coulait pas de source. En effet, il est difficile, d’un point de vue économique, de détacher à ce point la phase « amont » (étude de conception, développement, tests, … ce qui peut représenter l’essentiel de l’investissement pour le développeur), et la phase « aval » (mise à disposition du logiciel quand il est terminé et utilisation de celui-ci par l’utilisateur). C’est pourtant ce que fait la Cour, en se fondant sur le fait que ce n’est « qu’à partir de ce moment, auquel ledit logiciel est susceptible d’être utilisé et auquel sa qualité peut être contrôlée, que [le] service sera fourni effectivement ».

Rappelons que conformément au règlement en cause, les parties peuvent déterminer les règles de compétence dans le contrat, ce qui évite toute discussion ultérieure …

Plus d’infos ?

En lisant l’arrêt, disponible en annexe.

En lisant notre guide pratique sur la détermination du droit applicable et du juge compétent dans les contentieux informatiques (an anglais).

Droit & Technologies

Annexes

CURIA – Arret de la Cour

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CURIA – Conclusions avocat general

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