MP3 clôture ses déboires judiciaires par une transaction globale !
Publié le 16/11/2000 par Etienne Wery
MP3.com, le célèbre site de diffusion de musique en format MP3, vient de clôturer amiablement l’un des plus gros et plus long feuilleton judiciaire de l’histoire de l’internet. Petit rappel MP3.com a été assigné par plusieurs « Majors » de l’industrie du disque, qui lui reprochent de gagner illicitement de l’argent en ayant mis en place un…
MP3.com, le célèbre site de diffusion de musique en format MP3, vient de clôturer amiablement l’un des plus gros et plus long feuilleton judiciaire de l’histoire de l’internet.
Petit rappel
MP3.com a été assigné par plusieurs « Majors » de l’industrie du disque, qui lui reprochent de gagner illicitement de l’argent en ayant mis en place un système de diffusion de musique en format MP3 qui viole les droits des auteurs.
Un autre versant du litige met en cause le service MyMP3.com. Ce service permet à une personne d’entregistrer, classer et réécouter à partir du web la musique qu’elle a déjà sur CD (plus d’infos dans notre actualité du 15 mai 2000.
Première décision
Une première décision a été rendue le 4 mai 2000 en ce qui concerne le volet MyMP3.com. Le juge a estimé que l’action, fondée sur le Copyright Act de 1976, 17 U.S.C. § 101 et suivants, présentait des apparences de fondement et a ordonné des mesures provisoires (voy. le jugement et son analyse dans notre actualité du 15 mai 2000.
Seconde décision
Une seconde décision a été rendue en septembre 2000. En réalité, pour les pauvres européens qui tentent de comprendre quelque chose dans la procédure américaine, il ne s’agit pas d’une décision proprement dite mais d’un rapport intermédiaire que le juge rédige pour lui-même et pour les parties, dans lequel il indique malgré tout dans quel sens il appréhende les implications juridiques du litige. On y lit notamment que :
Legally, as this Court subsequently found, this purported justification was and is without any merit and does not meet a single one of the legal tests for « fair use. » But more importantly for present purposes, factually this purported justification was little more than a sham. Under either the « Beam It » service or the « Instant Listening » service users of My.MP3.Com did not, in fact, store their own CDs or the sounds transmitted from their own CDs with My.MP3.Com.
La conséquence est sans suprise. Le juge a chiffré à quelque 25.000 $ par CD le montant des indemnités et pénalités et s’est livré à une estimation provisoire :
Weighing not only the foregoing factors but all the other relevant favors put before the Court, the Court concludes, and hereby determines, that the appropriate measure of damages is $25,000 per CD. If defendant is right that there are no more that 4,700 CDs for which plaintiffs qualify for statutory damages, the total award will be approximately $118,000,000; but, of course, it could be considerably more or less depending on the number of qualifying CDs determined at the final phase of the trial scheduled for November of this year.
Le rapport intermédiaire du 6 septembre sera prochainement disponible dans notre rubrique jurisprudence
Premier accord amiable
A la suite de ces décisions, un accord amiable a été négocié entre MP3.com et les plaignants, prévoyant essentiellement le paiement d’indemnités fixées transactionnellement.
Universal a refusé de s’associer à l’accord et a poursuivi seule la procédure.
Accord global
Le tribunal a finalement accordé 53,4 millions $ à Universal, et les parties ont dans la foulée conclu un accord global qui a été homologué par le juge. Selon les termes du communiqué commun :
U.S. District Judge Jed Rakoff today awarded $53.4 million in statutory damages and attorneys fees to the Universal Music Group (UMG) in its copyright infringement suit against MP3.com, Inc. Last January, UMG and others filed the lawsuit challenging MP3.com’s copying of thousands of copyrighted CDs onto its file servers to create its My.MP3.com « locker » service. MP3.com does not intend to appeal from the judgment.
Concurrently, it was announced that UMG has granted MP3.com a non-exclusive, North American license for the use of UMG-controlled recordings on the My.MP3.com system, including the « Beam-itTM » and « Instant ListeningTM » software services.
Voil donc Universal directement intéressée au succès de MP3. Plus loin, le communiqué présente presque les ennemis d’hier comme les meilleurs amis du monde :
Universal Music pursued this case to send a strong message that copyrights will be protected and that copyright owners and artists need to be properly compensated for use of their work.
Although we believe our proof at trial would have led to a greater damage award, we are satisfied with the award. It was never our intent to put MP3.com out of business with a judgment so large that it would threaten their viability as a company. We support the development of legitimate music business on the Internet.
Quelques réflexions
La schéma du procès MP3 n’est pas sans rappeler celui du procès Napster : après une bagarre sans merci, les parties ont transigé selon un cadre ultra-prévisible : paiement d’une indemnité popur les droits passés et accord de licence pour l’avenir.
Dans notre actualité du 4 septembre 2000, nous nous interrogions sur l’efficacité de la voie judiciaire dans les procès Napster, DeCSS ou MP3 : « Ces industriels adoptent généralement une attitude légaliste en portant le différend devant un tribunal ; puis ils espèrent que les contrevenants se mettront en règle. Cette attitude ne vise-t-elle qu’à faire un exemple ou au contraire, l’industrie espère-t-elle vraiment arrêter la diffusion de ce matériel litigeux sur le réseau ?
Plus que jamais, cette interrogation nous semble pertinente. Toutes ces procédures, suivies ensuite par des accords qui n’ont somme toute rien de révolutionnaire, ne traduisent-ils pas simplement l’impuissance de l’industrie à verrouiller ou empêcher ces nouveaux canaux de distribution et son désir de faire un exemple pour conserver la mainmise sur un marché juteux. On ne peut pas réellement lui en faire grief, mais plus que jamais il est temps d’entamer une vaste réflexion sur les droits d’auteur dans l’environnement numérique.