Monnaie électronique: bientôt une version 2.0 du cadre juridique
Publié le 15/10/2008 par Etienne Wery
La Commission européenne a présenté une proposition qui réexamine les règles régissant actuellement les conditions d’émission de monnaie électronique dans l’UE. La proposition fait suite à une longue consultation qui a montré que les règles actuelles, datant de 2000, ont freiné le développement du marché de la monnaie électronique et entravé l’innovation technologique. Les règles révisées faciliteront l’entrée sur le marché de nouveaux prestataires et contribueront à développer un secteur prometteur.
Il suffit de regarder le nombre d’établissements actuellement agréés dans l’UE en qualité « d’établissement de monnaie électronique » (EME) pour s’en convaincre : la montagne a accouché d’une souris. Ce qui devait être une vague déferlante s’est transformé en petite vaguelette. Il était urgent de réformer le cadre juridique des EME pour donner une nouvelle chance au secteur.
Les principales explications de cet échec tiennent dans : (1) la complexité du cadre juridique mis en place, (2) la marge trop importante laissée aux autorités nationales et (3) un secteur bancaire qui a une tendance à mettre des bâtons dans les roues de nouveaux prestataires non-bancaires innovants, et à exercer un lobby efficace sur les autorités nationales qui sont en général les mêmes pour les EME et les banques.
Pour le premier point, la Commission européenne avait le pouvoir de faire quelque chose ; elle l’a fait via les nouvelles règles proposées pour l’émission de monnaie électronique.
Les principales nouveautés proposées sont les suivantes.
Définition.
Une définition de la «monnaie électronique» plus simple et neutre d’un point de vue technologique, couvrant toutes les situations dans lesquelles un prestataire de services de paiement (établissement de monnaie électronique ou établissement de crédit) émet une valeur stockée prépayée, en échange de fonds.
Dans le cadre actuel, la monnaie électronique était définie comme « une valeur monétaire représentant une créance sur l’émetteur qui est :
– stockée sur un support électronique ;
– émise contre la remise de fonds d’un montant dont la valeur n’est pas inférieure à la valeur monétaire émise ;
– acceptée comme moyen de paiement par des entreprises autres que l’émetteur. »
Dans le nouveau cadre, la monnaie électronique sera définie plus simplement comme une valeur monétaire stockée électroniquement lors de la réception de fonds, et qui sert à payer des transactions. Cette définition couvre la monnaie électronique détenue sur des instruments de paiement en la possession du détenteur (cartes prépayées ou porte-monnaie électronique) ou stockées à distance sur un serveur («monnaie de réseau» ou «cyber-argent»).
Régime prudentiel.
Un nouveau régime prudentiel, assurant une plus grande cohérence entre les obligations prudentielles des établissements de monnaie électronique et les établissements de paiement relevant de la directive sur les services de paiement 2007/64/CE (IP/07/1914).
En effet, l’Europe est en train de mettre en place une réforme assez complète du régimes prudentiel. En très résumé, on comptera, à terme, trois types d’établissements :
– Les établissements bancaires ;
– Les établissements de monnaie électroniques ;
– Les services de paiement (non-bancaires).
Le droit européen retient comme opérations de banque (1) la réception de fonds en dépôt et (2) le crédit. Les établissements de monnaie électronique, qui reçoivent des fonds en échange de l’émission de monnaie électronique, ont donc été placés dans le sillage des établissements de crédit avec toutefois des différences importantes puisque les établissements de monnaie électronique :
– sont assimilés virtuellement à un établissement de crédit,
– mais sont exemptés de toute une série de dispositions législatives pour autant qu’ils limitent leur activité à la monnaie électronique.
Il reste qu’il fallait aussi harmoniser le cadre prudentiel des EME avec celui des services de paiement non-bancaires, ce qui est proposé dans le nouveau cadre.
Les nouvelles obligations prudentielles portent notamment sur un capital initial de 125 000 euros permettant à des acteurs de plus petite taille d’entrer sur le marché, et sur une nouvelle formule permettant de calculer le capital permanent.
Le régime d’exemption, au titre duquel les petits établissements peuvent obtenir une dérogation pour certaines des obligations liées à l’agrément, est aligné sur le régime des établissements de paiement relevant de la directive sur les services de paiement, et les obligations concernant la lutte contre le blanchiment d’argent sont actualisées.
Remboursabilité.
Une clarification de l’application des obligations en matière de remboursement.
Ce principe, que l’on appelle la remboursabilité, est une des clé de voûte du régime légal de la monnaie électronique : elle implique que le porteur de monnaie électronique peut, pendant la période de validité, exiger de l’émetteur qu’il le rembourse à la valeur nominale en pièces et en billets de banque ou par virement à un compte sans autres frais que ceux qui sont strictement nécessaires à la réalisation de l’opération. Le contrat peut néanmoins prévoir pour le remboursement un montant minimal, qui ne peut être supérieur à 10 EUR. En tout état de cause, le contrat doit établir clairement les conditions de remboursement.
Cela a posé d’énormes soucis dans certains secteurs, dont la téléphonie mobile prépayée.
La définition actuelle de la monnaie électronique posait un gros problème aux opérateurs mobiles quand les unités prépayées permettent d’acheter, outre des minutes de communications, d’autres services et/ou produits payés grâce au débit de ces unités. Il est vrai que la était effrayante :
– « une valeur monétaire représentant une créance sur l’émetteur ». Si l’on considère que l’on peut recharger sa carte SIM d’unités permettant de payer des minutes de communication ou d’autres services, il faut admettre qu’il s’agit d’une créance ayant une valeur monétaire ;
– « stockée sur un support électronique ». La valeur monétaire est généralement stockée sur la carte SIM ;
– « émise contre la remise de fonds d’un montant dont la valeur n’est pas inférieure à la valeur monétaire émise ». Pour obtenir des unités sur sa carte SIM, le porteur doit préalablement les payer (par le biais de sa carte bancaire, directement par le débit de son compte, auprès d’un point de rechargement, en achetant une nouvelle carte, etc.) ;
– « acceptée comme moyen de paiement par des entreprises autres que l’émetteur ». Dans la mesure où les unités stockées sur la carte SIM du mobile permettent non seulement de payer les minutes de communication, mais aussi d’effectuer des achats d’autres produits et services, cette condition semble satisfaite.
Il y avait plus ou moins unanimité pour considérer que les unités prépayées ne sont pas de la monnaie électronique lorsqu’elles ne servent à payer que les communications. La situation était nettement plus floue quand elles servent aussi à payer des produits et services de tiers.
Dans le nouveau cadre juridique, il y a donc une référence particulière à l’application de la remboursabilité aux télécommunications mobiles. Les consommateurs auraient le droit de récupérer leur monnaie électronique à tout moment, dans les conditions établies par les nouvelles règles.
Plus d’infos ?
En lisant la proposition, disoponible en annexe de cette actu.