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Mickey Mouse en passe de révolutionner la durée de protection des oeuvres en droit américain

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En ce moment se déroule aux Etats-Unis un important débat de société relatif à la durée qu’il convient de reconnaître au droit d’auteur, et dont Mickey Mouse est devenu le symbole involontaire. En effet, créé par Walt Disney et apparu pour la première fois en 1928 dans le dessin animé Steamboat, ce sympathique personnage -qui…

En ce moment se déroule aux Etats-Unis un important débat de société relatif à la durée qu’il convient de reconnaître au droit d’auteur, et dont Mickey Mouse est devenu le symbole involontaire. En effet, créé par Walt Disney et apparu pour la première fois en 1928 dans le dessin animé Steamboat, ce sympathique personnage -qui fêtera ses 75 ans l’an prochain- illustre à présent les profondes divergences de vue entre partisans de l’intérêt général et lobbyistes des intérêts propriétaires (K. VANDERHAEGHEN, « Mickey Mouse wordt 75 en dat wordt vooral gevierd in de rechtszaal », article relatif à Mickey Mouse paru dans le journal De Morgen du lundi 14 octobre 2002, première page), dans le cadre particulier du droit d’auteur.

Comment comprendre les motivations de cette lutte d’influence que le plus souvent le grand public ignore ?

Dès lors que ce dessin – à l’instar de milliers d’autres créations de tout ordre – satisfait pleinement aux deux conditions nécessaires d’originalité et de mise en forme, il bénéficie sans aucune autre formalité de la protection légale du droit d’auteur (copyright) (A. STROWEL, “La protection des personnages par le droit d’auteur et le droit des marques”, in X, “Droit d’auteur et Bande Dessinée”, actes du colloque organisé par le Centre Belge de la Bande Dessinée, Bruylant, Bruxelles, 1997, pp. 38, 39, 45). En d’autres termes, son auteur dispose des droits patrimoniaux et moraux qui peuvent s’y attacher, dont la durée de validité court en Belgique jusque 70 ans après sa mort. Aux Etats-Unis, le calcul est apparemment différent, puisque la durée qui est accordée expire au terme légalement fixé, que l’auteur soit décédé ou non (Loi américaine dite Sonny Bono Act du 27 janvier 1998 sur l’extension de la durée du copyright, S. 102 B amending subsetion b) « Any copyright still in its renewal term at the time that the Sonny Bono Act Term Extension Act becomes effective shall have a copyright term of 95 years from the date of the copyright was originally secured»).

Dans les deux systèmes, durant ce laps de temps, l’auteur, ou le cas échéant le titulaire ad hoc si l’auteur, ou le précédent titulaire, lui a cédé valablement tout ou partie de ses droits, jouit principalement du droit de reproduction, ce qui peut revêtir une importance économique considérable. En effet, il s’agit d’une prérogative qui permet d’interdire ou d’autoriser la reproduction de son œuvre et, dans le deuxième cas, d’en définir les modalités, notamment contre rémunération. Souvent, cet attribut se manifeste dans toute son insolente ampleur au travers de procédés de merchandising ou marchandisage, qui désigne l’exploitation commerciale par divers moyens d’un symbole ou d’un autre signe qui a acquis ou qui pourrait potentiellement acquérir une popularité, dans le but de vendre ou d’accroître les ventes de marchandises ou de services de toute nature (Cour d’appel de Mons, 25 juin 2001, J.T., 2002, p. 471 et A. STROWEL, op. cit. p. 68 et suivantes).

A cet égard, la situation de Mickey est particulièrement éloquente, puisque celui qui veut utiliser l’image dudit cartoon doit au préalable s’acquitter auprès des responsables de la Walt Disney Company du montant correspondant à l’emploi qu’il compte en faire. Chaque année, plusieurs centaines de millions de dollars seraient ainsi récoltés et gérés à cette seule fin. Il est dès lors facile de comprendre l’intérêt des titulaires de droits d’en conserver l’exclusivité aussi longtemps que faire se peut. Or, selon la version précédente de la loi américaine sur le droit d’auteur, le personnage de Mickey aurait dû « tomber dans le domaine public » en 2003, ce qui veut dire que tout un chacun aurait pu librement en user, sans qu’aucune appropriation exclusive ne soit plus possible…C’était cependant mal connaître la toute puissante efficacité du lobbying américain, en particulier celle de la Walt Disney Company qui a véritablement pressé le Congrès, en 1998, de prolonger la durée de cette titularité exclusive de vingt ans (!), par l’adoption de la loi Sonny Bono Act (S. ALBRIEUX, « La proposition de loi américaine relative à l’extension de la durée de protection du droit d’auteur », Droit de l’informatique et des télécoms, 1998, n° 2, pp. 77 à 79). Ce faisant, la durée légale de protection du droit d’auteur américain passa de 75 à 95 ans pour les « corporate authors », précisément à l’instar de la Walt Disney Company, et de 50 à 70 ans pour les « individual authors ».

Le tollé fut considérable parmi les défenseurs de l’intérêt général qui militaient ardemment pour le maintien de la durée qui était alors prévue et qui permettait à cette époque l’emploi par tous et sans contrainte des œuvres de plus de 75 ou 50 ans, selon la distinction susmentionnée après leur acquisition de la protection par le droit d’auteur.

Par l’appui qu’ils accordent à l’action en justice introduite par Eric Eldred, publicitaire sur Internet, certains juristes américains faisant autorité réagissent aujourd’hui et dénoncent avec virulence cette « inféodation à l’Empire du dessin animé », et cela jusque devant la Cour Suprême des Etats-Unis (Eldred vs. Ashcroft, une cause célèbre américaine, voy. notamment les sites très complets http://eldred.cc/legal/ et http://www.law.asu.edu/HomePages/Karjala/OpposingCopyrightExtension/default.htm ). Pour ce faire, ces derniers arguent principalement de l’inconstitutionnalité de la mesure. En effet, pareille protection du droit d’auteur ne peut, selon eux avoir lieu que pour une « période déterminée », conformément aux termes de la Constitution américaine.

Or, toute la difficulté consiste justement à définir ce qu’il conviendrait de comprendre par là. Selon les détracteurs de la loi, la possibilité pour le Congrès d’étendre de la sorte la durée du droit d’auteur doit être limitée dans le temps de manière raisonnable. L’hypocrisie d’ajouts successifs à la durée de protection légale, certes demeurant dans le cadre formel d’une « période déterminée », serait donc à proscrire. L’affaire est à présent en débats devant l’honorable juridiction suprême : assurément, verdict à suivre !

Paradoxalement, il est amusant de remarquer que l’insatiabilité commerciale de la Walt Disney Company a conduit, par le passé, cette multinationale à employer des figures sur lesquelles aucun droit d’auteur ne reposait plus : ainsi, Blanche-Neige basée sur les contes de fées des frères Grimm et le bossu de Notre-Dame tiré d’un roman de Victor Hugo. L’Histoire ne manque pas de piquant !

Du reste, le case Public Mickey Mouse vs Business Sony Bono Act (tel que nous qualifions) ne semble être que l’amorce latente d’une prochaine guerre judiciaire considérable, ou d’une éventuelle intervention légale avec fracas, dans un sens ou dans l’autre, puisque bientôt, c’est vis-à-vis d’autres fidèles compagnons de Mickey, comme Donald Duck et Pluto par exemple, que se posera le même problème, avec autant d’acuité !

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