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Metatags : quels sont les risques juridiques ? (chronique de jurisprudence)

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Quiconque a tenté de trouver une information sur le web sait à quel point les moteurs de recherche sont importants : ceux-ci indexent en permanence les sites en fonction des mots qu’ils contiennent, et les classent. Tout internaute peut gratuitement les interroger en ligne sur base de mots-clés, et recevoir en réponse une liste des…

Quiconque a tenté de trouver une information sur le web sait à quel point les moteurs de recherche sont importants : ceux-ci indexent en permanence les sites en fonction des mots qu’ils contiennent, et les classent.

Tout internaute peut gratuitement les interroger en ligne sur base de mots-clés, et recevoir en réponse une liste des sites qui traitent du sujet, classés par nombre d’occurrences des mots-clés encodés.

Certains titulaires de sites web ont dès lors pris l’habitude d’insérer des mots cachés dans les codes sources de leur site (metatags), dans le but d’obtenir une indexation automatique sous des mots-clés qui n’ont qu’un lien indirect avec le contenu, et profiter ainsi d’un trafic supplémentaire.

Cette insertion a parfois lieu avec l’accord du titulaire de la marque utilisée. Ainsi, la société Pepsi Cola a intégré dans le code source de son site web les noms des acteurs, sportifs ou marques avec lesquels elle a conclu un contrat de sponsoring ou de publicité ; le même procédé a permis aux annonceurs officiels de la dernière coupe du monde de football d’être automatiquement renseignés par les moteurs de recherche quand un internaute effectuait des recherches sur le Mondial.

  • Une contrefaçon de marque

    Lorsque l’insertion d’un metatag correspondant à une marque déposée est effectué sans l’autorisation du titulaire, le Code de la propriété intellectuelle s’appliquera.

    Il est par ailleurs parfaitement envisageable que celui qui utilise des metatags correspondant à une marque verbale sans autorisation, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque (si renommée il y a), ou à tout le moins, lui porte préjudice, dans la mesure où le site contrefaisant apparaîtrait dans la liste des moteurs de recherche avant ou à proximité du site du titulaire de la marque.

    Le préjudice pourra consister en une dilution de la marque si les résultats des moteurs de recherche sont faussés artificiellement au détriment du titulaire légitime.

  • Une concurrence déloyale

    De surcroît, l’utilisation abusive de la marque, du nom commercial ou de la dénomination sociale d’autrui dans les metatags, peut constituer un acte de concurrence déloyale. En effet, selon la jurisprudence, la citation du nom d’autrui doit être prohibée si elle est susceptible de créer une confusion entre deux commerçants.

    De plus, l’usage de la marque, du nom commercial ou de la dénomination sociale peut être jugé parasitaire dans la mesure où il porte atteinte au pouvoir distinctif de la marque, du nom commercial ou de la dénomination sociale, tout en permettant à l’auteur du parasitage d’épargner des frais de lancement ou des efforts de commercialisation au détriment du premier porteur du nom.

  • Dénigrement et publicité mensongère

    Dans certains cas, le recours aux metatags pourrait même constituer un dénigrement ou une imputation diffamatoire, voire une publicité mensongère.

    Tel pourrait être le cas d’un site dont les metatags reprennent le nom d’un concurrent pour attirer des visiteurs qui auront ensuite accès à des propos dénigrants, des metatags associant le nom d’une personne physique ou morale à des propos diffamatoires lorsque la réponse du moteur de recherche affiche à l’écran les metatags (diffamation), ou d’un site qui intègre dans ses metatags des mots-clés lui permettant d’être sélectionné par des moteurs de recherche pour des qualités dont il ne dispose pas (publicité mensongère).

  • La jurisprudence

    Plusieurs décisions ont été rendues, tant aux États-Unis qu’en Europe.

    Playboy Entreprise Inc. (PEI) reprochait à la société Calvin Designer Label d’avoir inséré sans autorisation dans les metatags de son site web les marques protégées Playboy et Playmate, alors que les produits et services offerts par le site litigieux n’avaient aucune relation avec lesdites marques. Dans son jugement du 8 septembre 1997, après avoir constaté que le site de PEI venait après celui de la défenderesse dans le référencement automatique des moteurs de recherche, le juge a reconnu la contrefaçon et ordonné la cessation.

    En août 1997, la Cour de Justice du Colorado a fait droit à la demande du cabinet de propriété intellectuelle Oppendahl & Larson, qui reprochait à la société Advanced Concepts d’avoir inséré le nom du cabinet dans le code source de son site web. Le cabinet estimait que la démarche induisait l’utilisateur en erreur en lui faisant croire qu’un lien existait entre les parties.

    En France, par ordonnance de référé du 4 août 1997, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné à la société Distrimart de supprimer des metatags de son site les dénominations « Maison et objet » et « Decoplanet », marques déposées de la société concurrente Safic.Le tribunal de grande instance de Paris a rendu une ordonnance de référé similaire, interdisant sous peine d’astreinte à la société Kargil d’utiliser les marques de la société Kaysersberg Packaging dans les rubriques « mots-clés » et « titres » du code source de sa page web.

    Le tribunal a estimé que la défenderesse attirait de manière illicite sur son site des personnes en réalité intéressées par des produits vendus par la société concurrente Kaysersberg Packaging.

    Dans une décision du 5 avril 2002, le TGI de Paris a confirmé sa jurisprudence en condamnant une société qui avait reproduit des marques déposées par Bouygues Telecom comme mots clés de la page source de son site web.

  • Une exception de « juste motif » ?

    Cette revue de jurisprudence ne doit pas laisser penser que tout usage de metatags correspondant à une marque ou au nom commercial d’autrui est nécessairement prohibé. En droit américain, l’exception de juste motif (« fair use ») permet dans une certaine mesure d’échapper à la rigueur de la loi.

    Ainsi, Playboy a été débouté de sa demande contre une ex-Playmate qui avait inséré ce vocable dans les metatags de son site. Le juge a estimé que le fait d’avoir été Playmate fait partie des éléments qui identifient la personnalité de la défenderesse.

    Dans le même sens, la société titulaire de la marque verbale Bally a échoué dans son action contre un site consacré à la protection du consommateur, qui faisait figurer dans ses metatags la marque et consacrait aux produits de cette société une page critique : jugé que le but strictement critique et informatif permet de bénéficier de l’exception de juste motif.

    Pareille exception est-elle concevable en droit français ? Selon nous, ce n’est pas à exclure dans la mesure où l’article L.713-5 CPI indique que l’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. L’on retrouve donc la limité du caractère injustifié de l’exploitation…

    Par ailleurs, le juste motif peut-il encore être invoqué lorsqu’il porte sur une marque à ce point populaire qu’elle en est devenue pratiquement générique dans le monde des internautes ?

    La question a été posée en premier lieu dans le cadre des litiges relatifs à la responsabilité des moteurs de recherche, et de nombreux commentateurs plaident pour sa transposition aux metatags lorsque la marque désigne, dans l’esprit du public, une catégorie ou un type de produits davantage que les produits de son titulaire. Il est vrai que certaines marques sont passées dans le langage courant à tel point que certaines figurent au dictionnaire (bic, aspirine, etc.).

    Le fait d’interdire l’usage d’une telle marque ne constituerait-il pas une forme de censure disproportionnée dans un monde virtuel où la quête d’information est dominée par les moteurs de recherche ? La question mérite d’être posée, étant précisé que l’usage d’une marque, fut-elle générique, appartenant à un concurrent ne pourra jamais être de nature à créer de confusion quant à sa titularité.

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