Match France Belgique : le parti socialiste récupère l’image de l’équipe nationale
Publié le 08/06/2015 par Etienne Wery
Pour faire le buzz sur Internet, certains sont prêts à tout. Comme souvent lorsque l’image d’un tiers est utilisée sans son consentement, ce genre de buzz produit un effet inverse. Un contre-exemple de communication politique réussie.
Initiative polémique que celle du parti socialiste belge : à l’occasion du match de football France Belgique (match amical au stade de France en préparation de l’Euro 2016), le parti a voulu faire le buzz sur Internet en exploitant l’image de l’équipe nationale. Mal lui en pris …
Le parti socialiste belge est, comme son homologue français, le parti dit « rouge ».
Quant au parti réformateur actuellement au pouvoir au niveau fédéral, il est comme son parti-frère français, le parti dit « bleu ».
De là à exploiter le match qui opposait hier les Diables rouges aux Bleus, il n’y avait qu’un pas que le parti socialiste a allègrement franchi.
Nous reproduisons en illustration le montage réalisé par le parti socialiste.
On y voit, de dos mais parfaitement reconnaissables, deux célèbres Diables rouges évoluant sur un terrain de football, habillés du maillot de l’équipe nationale, avec le slogan suivant : « tous avec les rouges pour battre les bleus ».
Sur le plan sportif, chacun aura sa propre opinion sur le fait qu’un parti politique exploite (sans autorisation) l’image de l’équipe nationale …
Ceux qui ont grandi bercés de valeurs telles que l’universalité du sport, apprécieront moyennement la récupération. Il fut une époque où l’on était fier de croire que le sport transcende les couleurs, les races, les opinions politiques et les classes sociales, et où on pouvait se serrer dans les bras et boire un verre entre supporters sans partager les mêmes opinions politiques. Il fut aussi une époque où l’équipe « nationale » voulait dire l’équipe de tous les citoyens et pas uniquement des sympathisants de tel ou tel autre parti. Autre temps, autres mœurs …
Sur le plan de la communication, une fois le buzz passé, les critiques pleuvent. C’est que le parti socialiste belge, qui a un petit peu de mal à restaurer son image de parti éthique après un certain nombre « d’affaires », est victime d’un sérieux retour de manivelle : l’internet s’insurge sur l’idée suivante : si l’on est capable de s’abaisser pour de bas motifs politiques à pareille récupération d’une manifestation sportive, c’est que l’on est prêt à tout. Précisément pas l’image que veut donner un parti … éthique.
Les pourfendeurs du parti socialiste devraient toutefois aussi mettre une sourdine à leurs sarcasmes, car les bleus du mouvement réformateur ont eux-mêmes défrayé la chronique il y a quelques mois, sur le même thème : une bannière avait été créée à l’occasion du match Belgique Corée du Sud sur laquelle on voyait des joueurs aisément reconnaissables, avec le slogan suivant : "ce soir, les bleus seront diablement derrière les rouges."
Que les sociétés privées utilisent le sport-business pour vendre leurs produits et services – parfois à la limite de ce que l’on appelle l’ambush marketing – est une chose. Que des partis porteurs d’un message politique détournent l’émotion de la compétition sportive à des fins de racolage, en est une autre.
Ce dimanche, la fédération belge de football n’a pas apprécié. Pendant le match, son responsable marketing a utilisé les réseaux sociaux sur lesquels le parti socialiste faisait le buzz, pour demander expressément : « Pourriez-vous retirer votre post lié à la rencontre #frabel ! Pas de politique avec l’image des Diables please ! ».
Il reste alors le plan juridique.
Le football professionnel étant devenu l’activité rémunératrice qu’il est, on se doute que les couleurs, maillots, dénominations et autres signes distinctifs sont jalousement protégés par les titulaires de droits. Il reste que la défense de plusieurs signes distinctifs implique de démontrer qu’il y a un usage dans la vie des affaires et/ou une atteinte à une des fonctions du droit exclusif invoqué. Or, un parti politique pourrait plaider l’absence d’un tel usage, la politique étant traditionnellement bénéficiaire d’une exception admise en jurisprudence, selon laquelle les partis agissent en dehors des affaires.
Il reste que deux Diables rouges sont aisément reconnaissables, même de dos. Leur démarche, coupe de cheveux et la façon dont la photo est prise, permettent sans aucun doute d’identifier les deux joueurs, d’autant que leur nom est inscrit sur leur maillot.
Ces joueurs possèdent des droits sur leur image et pourraient probablement avec succès faire grief à un parti politique de réutiliser cette image sans leur consentement.
Et si les partis pouvaient ficher la paix aux joueurs et supporters, et concentrer leur énergie sur les vrais problèmes ?