L’ordonnance encadrant le crowdfunding a été adoptée en France.
Publié le 15/07/2014 par Cathie-Rosalie Joly, Camille Bourguignon
Le succès grandissant de ce nouveau mode de financement de projet, qu’est le crowdfunding ou financement participatif, a poussé les autorités publiques françaises à s’emparer du sujet pour lui donner un cadre juridique. C’est désormais chose faite. Le Gouvernement français vient d’adopter, le 30 mai 2014, l’ordonnance relative au financement participatif.
Le crowdfunding peut être résumé selon les trois critères suivants :
- Le financement d’un projet pouvant prendre différentes formes (don, prêt rémunéré ou non, participation au capital),
- L’appel à un grand nombre de personnes pour financer ce projet,
- L’appel au financement via Internet.
Selon l’Autorité des Marchés Financiers (ci-après l’ « AMF ») et l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution de la Banque de France (ci-après l’ « ACPR »), le crowdfunding constitue un « nouveau mode de financement, […] [qui] permet de récolter des fonds – généralement de petits montants – auprès d’un large public, en vue de financer un projet créatif ou entrepreneurial [fonctionnant] le plus souvent via Internet et [pouvant] revêtir différentes formes telles que le prêt à titre gratuit ou rémunéré, le don avec ou sans contrepartie en nature ou en numéraire, ou encore la souscription de titres de capital ou de titres de créance. »
Ces deux autorités avaient publié le 30 septembre 2013 un document de propositions intitulé « Un nouveau cadre pour faciliter le développement du financement participatif », dans lequel elles suggéraient déjà :
- de créer un statut spécifique de conseiller en investissements participatifs, qui serait régulé par l’AMF,
- d’ajouter une nouvelle exception au monopole bancaire, permettant aux particuliers de consentir des prêts rémunérés à d’autres personnes physiques ou morales, sous réserve du respect de certaines conditions,
- de créer un régime prudentiel dérogatoire pour certains établissements de paiement, qui permettrait à des plateformes de crowdfunding de développer une activité de dons ou de prêts, sans être soumises à des exigences prudentielles disproportionnées par rapport à leur taille,
- d’ajouter une nouvelle exemption à la réglementation des offres au public de titres financiers, pour les offres de titres financiers réalisées par les plateformes de crowdfunding.
Ces propositions ont jeté les orientations fondamentales de la réforme qui a été finalement adoptée en mai dernier, par l’Ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif qui établit les règles suivantes :
Financement participatif sous forme de titres financiers
L’ordonnance a effectivement créé un nouveau statut : celui de conseiller en investissements participatifs (ci-après « CIP ») qui vise les plateformes commercialisant des actions ou obligations pour des personnes morales. Les CIP sont soumis à des règles de bonne conduite, et leurs dirigeants à des règles de compétences professionnelles et d’honorabilité. Les obligations définies par le code monétaire et financier en matière de démarchage et de lutte anti-blanchiment de capitaux leur sont applicables. Ils ont, par ailleurs, l’obligation de souscrire un contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle. Ils doivent adhérer à une organisation professionnelle agréée et sont placés sous le contrôle de l’AMF.
Financement participatif sous forme de prêts et de dons
L’ordonnance insère, tout d’abord, une dérogation au monopole bancaire : les personnes physiques, agissant à des fins non professionnelles ou commerciales, peuvent consentir un prêt rémunéré, à taux fixe, à d’autres personnes, physiques ou morales, pour le financement d’un projet professionnel, ou d’une formation, dans la limite d’un prêt par projet. Un décret viendra fixer des plafonds spécifiques (les documents préparatoires mentionnaient un plafond de 1 000 € par prêteur et un emprunt total d’un million d’euros maximum).
Par ailleurs, l’ordonnance crée un agrément d’établissement de paiement limité délivré par l’ACPR, pour les établissements dont le montant total prévisionnel des opérations de paiement ne dépasse pas un certain plafond, qui doit être fixé par décret. L’établissement concerné est soumis à des règles prudentielles allégées.
Enfin, la création du statut d’intermédiaire en financement participatif (ci-après « IFP »). L’ordonnance définit l’activité d’intermédiation en financement participatif comme la mise en relation, au moyen d’un site internet, des porteurs d’un projet déterminé et des personnes finançant ce projet. Ce statut d’IFP concerne les plateformes proposant, à titre habituel, des services de prêts à titre onéreux et à titre gratuit, et les plateformes proposant des services de dons (sachant que pour ces dernières l’obtention du statut n’est pas obligatoire). Seules les personnes morales peuvent prétendre à un tel statut. L’IFP est soumis à des règles de bonne conduite et d’organisation, et à l’obligation de souscrire un contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle et est placé sous la tutelle de l’ACPR.
Les nouvelles règles ainsi adoptées entreront en vigueur le 1er octobre 2014 et devront être précisées courant juillet par des textes d’application à suivre de près.