L’interdiction de pub TV des sites web en pleine tourmente
Publié le 06/09/2000 par Sandrine carneroli
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel français (CSA) a proposé que soit levée l’interdiction de publicité télévisée qui pèsent sur quasiment tous les sites web. L’article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 interdit en effet de publicité télévisée 4 secteurs : distribution, presse, édition, cinéma. Cet article dispose que : « est interdite la…
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel français (CSA) a proposé que soit levée l’interdiction de publicité télévisée qui pèsent sur quasiment tous les sites web.
L’article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 interdit en effet de publicité télévisée 4 secteurs : distribution, presse, édition, cinéma. Cet article dispose que :
« est interdite la publicité concernant, d’une part, les produits dont la publicité télévisée fait l’objet d’une interdiction législative et, d’autre part, les produits et secteurs économiques suivants : boissons comprenant plus de 1,2 degré d’alcool, édition littéraire, cinéma, presse, distribution, sauf dans les départements et territoires d’outre-mer ainsi que les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon »
Cette interdiction trouve son origine d’une part dans le souhait de protéger les revenus publicitaires de la presse et de la radio et d’autre part, en ce qui concerne le cinéma, dans la volonté de protéger la production française face à la force de frappe promotionnelle des studios américains. Une dérogation est prévue dans le cas de « parrainage » d’émissions TV.
Un bref rappel de l’historique des évènements s’impose.
Le 22 février 2000, le CSA a donné une interprétation « ouverte » à l’article 8 dans son communiqué n° 414 :
Le Conseil a considéré que les activités des sites Internet constituaient un secteur économique nouveau et spécifique, et qu’à ce titre les restrictions d’accès à la publicité télévisée prévues par l’article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 pour certains secteurs d’activité tels la presse, la distribution, le cinéma et l’édition, ne devaient pas leur être appliquées.
Le 29 février 2000, dans son communiqué n° 416, le CSA a élargit à toutes les parties concernées sa consultation sur les modalités pratiques de la mise en œuvre du principe d’accès des sites Internet aux écrans de télévision.
En mars 2000, les radios commerciales et les syndicats du cinéma ont demandé au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir du communiqué n° 414 du CSA.
Le 22 avril 2000, s’est terminée la période de concertation menée par le CSA au cours de laquelle 28 organisations professionnelles ont été entendues.
Le 28 avril 2000, dans un courrier adressé aux 28 organisations professionnelles entendues, le CSA précise les modalités d’application du principe et fixe au 1er septembre 2000 l’accès aux écrans de publicité télévisée des sites Internet.
Le 3 juillet 2000, sur requête de la Société Civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs, de l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai, de l’Union des Producteurs de Films, du Syndicat des Producteurs Indépendants, de la Société des Réalisateurs de films, et des sociétés CTL-UFA (RTL), SODERA (RTL2), SERC (FUN RADIO), EUROPE 1 TELECOMPAGNIE, EUROPE 2 COMMUNICATION, PERFORMANCES, RMC, SUD RADIO SERVICES, NRJ SA, RADIO NOSTALGIE SA, RIRES ET CHANSONS et du Syndicat Interprofessionnel des Radios et Télévisions Indépendantes (SIRTI), le Conseil d’Etat a annulé le communiqué n° 414 du CSA au motif qu’en l’espèce
« le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne s’est pas borné à interpréter les dispositions du décret, mais a fixé une règle juridique nouvelle ; que ni les dispositions précitées de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, ni aucun autre texte législatif ne donnent compétence au Conseil supérieur de l’audiovisuel pour édicter une telle règle ».
Depuis, les agences de l’Association des agences conseils en communication (AACC) ont décidé de lancer une contre-attaque et ont proposé à leurs partenaires mécontents une large campagne médiatique dans le but d’attirer l’attention du public sur cette interdiction qui pénalise un pan entier de l’économie française : quatre spots publicitaires sur le thème « 223 000 entreprises françaises se demandent pourquoi » doivent être diffusés sur les antennes télévisées. Ces spots sont visible en format Real Player sur le site du Syndicat National de la Publicité.
Une association – baptisée « Comité Pourquoi » pour les quatre univers oubliés de l’internet – a été constituée, regroupant l’ensemble des agences de l’AACC, les annonceurs, en particulier du secteur de la vente à distance (FEVAD) et du commerce et de la distribution (FCD).
Quelques jours avant le premier passage à l’antenne des écrans publicitaires, le président du Syndicat de la presse quotidienne régionale avait dénoncé ce battage médiatique et rappellé que l’interdiction de publicité tend à préserver l’équilibre des marchés publicitaires. Selon lui, la survie de la presse quotidienne régionale qui tire plus de 30% de ses ressources de la publicité en dépend.
Depuis ce vendredi 1er septembre, une nouvelle affaire enrichi le débat : les téléspectateurs ont pu voir sur leurs écrans une publicité de 20 secondes pour le cybermarché Houra.fr. Ce spot qui évoque le service de livraison de houra et ne met pas en avant la qualité de distributeur de l’entreprise, avait bénéficié d’un avis « réservé » mais favorable du Bureau de vérification de la publicité (BVP) chargé de vérifier a priori la conformité des campagnes proposées par les annonceurs.
Or, ce 5 septembre, le CSA dans son communiqué n°428 a demandé aux chaînes de télévision diffusant la publicité (TFI et Canal Plus) de « cesser immédiatement » la diffusion du spot Houra.fr et rappelle que « l’article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 relatif à la publicité et au parrainage prohibe la publicité télévisée en faveur d’entreprises du secteur de la distribution, quel que soit l’aspect de leur activité qu’elles souhaitent promouvoir ».
Le Ministère de la culture et de la communication s’est engagé dans un processus de consultation prévu dans les semaines à venir. Affaire à suivre …